Pas seulement un opium : marxisme et religion

par John Molyneux

7 février 2010

Il y a une vingtaine d’années, j’intervenais dans un meeting du Socialist Workers’ Party sur le thème « marxisme et religion ». Je commençai, en gros, par les mots : « Aujourd’hui, en Grande Bretagne, la religion n’est - heureusement - pas une question politique importante ». Ce n’est désormais - malheureusement - plus le cas. La religion, ou plutôt une religion particulière, l’Islam, se trouve au centre du débat politique.

Il ne se passe pas un jour sans que paraisse un article sonnant l’alarme à propos des imams qui « prêchent la haine » ou d’une mosquée tombée aux mains des « intégristes », une enquête d’opinion sur la nature profondément viciée de l’Islam ou une discussion radiophonique sur la question de savoir si les musulmans « modérés » en font assez pour combattre «  les extrémistes  » et empêcher les jeunes musulmans d’être « radicalisés », ou un programme de TV consacré au sort peu enviable des femmes musulmanes, ou encore une histoire à faire dresser les cheveux sur la tête sur une stupidité commise au nom de l’Islam quelque part dans le monde. En me préparant à écrire cet article, je suis tombé sur cette nouvelle dans l’Independent on Sunday :

L’extrémisme islamique crée en Grande Bretagne des communautés qui sont des ’zones interdites’ (’no-go areas’) pour les non-musulmans, avertissait hier l’évêque de Rochester (...) (qui) dit que les non-musulmans sont reçus avec hostilité dans les endroits où règne en maîtresse l’idéologie des islamistes radicaux.

Sans s’attarder sur l’exactitude des faits exposés, et celui-ci est à l’évidence parfaitement absurde, le flot ininterrompu de ce type de commentaires a fait de l’Islam une religion en état de siège. La présentation constante de l’Islam comme un problème et la diabolisation des musulmans ont créé un phénomène qui a acquis droit de cité sous le nom d’islamophobie.

Pour les lecteurs de cette revue, la raison de tout cela n’est pas mystérieuse. Ce n’est pas l’expression d’une quelconque hostilité viscérale des chrétiens envers l’Islam, qui remonterait aux Croisades ou au conflit avec l’Empire ottoman (même si ces atavismes sont parfois mobilisés sur le plan idéologique). C’est plutôt parce que la majorité des peuples vivant au dessus des plus importantes réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel se trouvent être musulmans, et, à titre secondaire, parce que depuis la Révolution iranienne de 1979, une grande partie de la résistance de ces peuples à l’impérialisme s’est exprimée sous la forme de l’Islam. Si les gens qui peuplent le Moyen Orient ou l’Asie centrale avaient été bouddhistes, ou si le Tibet contenait des champs pétrolifères comparables à ceux de l’Arabie saoudite ou de l’Irak, nous serions aujourd’hui confrontés à une floraison de « bouddhophobie ». En provenance de la Maison Blanche, du Pentagone, de la CIA, de Downing Street, et en passant par les égouts de Fox News, de CNN, du Sun, du Daily Mail, se développerait la notion que le bouddhisme, même s’il est incontestablement une grande religion, est porteur d’une tare irrémédiable.

Des « intellectuels » tels que Samuel Huntington, Christopher Hitchens et Martin Amis seraient mobilisés pour expliquer que, malgré l’attrait qu’il exerçait sur les hippies naïfs des années 1960, le bouddhisme est une foi essentiellement réactionnaire, caractérisée par son rejet enraciné de la modernité et des valeurs démocratiques occidentales, ainsi que par son féodalisme fanatique, sa théocratie, sa misogynie et son homophobie.

Cela dit, le fait que cela soit arrivé - le fait que l’islamophobie ait été développée, aux plans national et international, comme principale couverture idéologique et justification de l’impérialisme et de la guerre (comme le racisme sans détour l’était aux 18e et 19e siècles) a énormément accru l’importance d’une compréhension théorique correcte, nourrissant une bonne orientation politique, de la religion sous ses formes très diverses. En fait, on peut même dire qu’une compréhension déficiente, mécaniste et unilatérale, de l’analyse marxiste de la religion a été un facteur substantiel, pour un certain nombre d’individus et de groupes de gauche, de la perte de leurs anciens repères politiques et de leur transformation en apologistes de gauche de l’impérialisme.

L’exemple le plus notoire en est, bien sûr, celui de Christopher Hitchens, qui a écrit un livre sur la religion, God is Not Great (dont il sera question plus loin), et dont la trajectoire, de la position d’intellectuel de gauche et de critique radical du système, à celle de partisan « critique » de George Bush a été précipitée et extrême (même si dans le cas de Hitchens on ne peut s’empêcher de soupçonner que des incitations matérielles ont joué un rôle plus important dans sa ruée vers la droite qu’une simple erreur théorique). On trouve comme autres exemples des membres de l’Euston Group, comme Norman Geras, ou, parmi les groupes de gauche, l’organisation française Lutte Ouvrière, que son hostilité au hidjab a transformée en alliée temporaire de l’État impérialiste français contre ses citoyennes les plus opprimées [1], et le cas lamentable de l’Alliance for Workers’ Liberty, semi-sioniste et islamophobe.

En même temps, et ce n’est pas une coïncidence, une campagne athée et antireligieuse tonitruante a été orchestrée aux USA et en Angleterre, avec pour chef de file le biologiste Richard Dawkins et comme comparses, outre Hitchens, le philosophe Daniel Dennett et d’autres. Un examen critique de la façon dont ces gens présentent leurs arguments envers la religion met en évidence des éléments importants de la position marxiste classique. Mais d’abord, il me paraît important d’énoncer les principes fondamentaux qui sous-tendent l’analyse marxiste de la religion, en commençant, non pas par les commentaires directs de Marx sur la religion, mais par les propositions de base de la philosophie marxiste.

Matérialisme et religion

La philosophie marxiste est matérialiste. Selon Friedrich Engels, dans Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande :

La grande question fondamentale de toute philosophie, et spécialement de la philosophie moderne, est celle du rapport de la pensée et de l’être. (...) La question de la position de la pensée par rapport à l’être (...) atteignait vis-à-vis de l’Église son point critique sous la forme : le monde a-t-il été créé par Dieu ou existe-t-il de toute éternité ?
Selon qu’ils répondaient de telle ou telle façon, les philosophes se divisaient en deux grands camps. Ceux qui affirmaient le caractère primordial de l’esprit vis-à-vis de la nature, et qui admettaient par conséquent, en dernière instance, une quelconque création du monde… ceux-là formaient le camp de l’idéalisme. Les autres, qui considéraient la nature comme l’élément primordial, appartiennent aux différentes écoles du matérialisme. [2]

Le marxisme, disait Engels, ne se contente pas de se tenir fermement dans le camp matérialiste, mais c’était la première fois qu’on prenait vraiment au sérieux la conception matérialiste du monde, qu’on l’appliquait d’une façon conséquente à tous les domaines considérés du savoir ». [3]

Le matérialisme marxiste, réduit à ses éléments essentiels, implique que soient acceptées les propositions suivantes :

  • Le monde matériel existe indépendamment de la conscience (humaine ou autre).
  • Une connaissance du monde réelle, même si elle n’est pas totale ou absolue, est possible et a, en fait, été atteinte.
  • Les humains font partie de la nature, mais en constituent une partie distincte.
  • Le monde matériel ne dérive pas, en première instance, de la pensée humaine ; c’est la pensée humaine qui dérive du monde matériel.

Les propositions (1) et (2) correspondent aux présomptions et aux découvertes de la science moderne, et sont désormais du domaine du sens commun. La raison en est qu’elles sont confirmées dans la pratique, des millions ou des milliards de fois par jour, comme la plupart des découvertes de la science. La proposition (3) correspond, elle aussi, aux découvertes de la science moderne, en particulier celles de Charles Darwin, de la paléontologie et de l’anthropologie modernes, mais elle a été articulée, en fait, par Marx avant Darwin :

La condition première de toute histoire humaine est naturellement l’existence d’êtres humains vivants. Le premier état de fait à constater est donc la complexion corporelle de ces individus et les rapports qu’elle leur crée avec le reste de la nature. (...) Toute histoire doit partir de ces bases naturelles et de leur modification par l’action des hommes au cours de l’histoire. On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l’on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu’ils commencent à produire leurs moyens d’existence, pas en avant qui est la conséquence même de leur organisation corporelle. [4]

La proposition (4) est à la fois la plus distinctement marxiste et la moins partagée. Beaucoup de gens qui ont une vision matérialiste de la relation entre les humains et la nature prennent une position idéaliste dès qu’il s’agit de la relation entre les idées et les conditions matérielles, et du rôle des idées dans la société, l’histoire et la politique. Presque sans réfléchir, ils peuvent accepter que « la Guerre froide était fondamentalement un affrontement de deux idéologies » ou que « le capitalisme est basé sur l’idée de croissance économique ». C’est pour cela que la proposition (4) est celle sur laquelle Marx et Engels ont insisté le plus fortement et le plus fréquemment :

Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants, tels qu’ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives… La conscience ne peut jamais être autre chose que l’être conscient. (...) À l’encontre de la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c’est de la terre au ciel que l’on monte ici. (...) on part des hommes dans leur activité réelle, c’est à partir de leur processus de vie réel que l’on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. [5]

Est-il besoin d’une grande perspicacité pour comprendre que les idées, les conceptions et les notions des hommes, en un mot leur conscience, changent avec tout changement survenu dans leurs conditions de vie, leurs relations sociales leur existence sociale ? [6]

Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rap ports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui corres­pondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives maté rielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à la quel le correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. [7]

De même que Darwin a découvert la loi du développement de la nature organique, de même Marx a découvert la loi du développement de l’histoire humaine, c’est-à-dire ce fait élémentaire, voilé auparavant sous un fatras idéologique, que les hommes, avant de pouvoir s’occuper de politique, de science, d’art, de religion, etc., doivent tout d’abord manger, boire, se loger et se vêtir ; que, par suite, la production des moyens matériels élémentaires d’existence et, partant, chaque degré de développement économique d’un peuple ou d’une époque forment la base d’où se sont développés les institutions d’État, les conceptions juridiques, l’art, et même les idées religieuses des hommes en question et que, par conséquent, c’est en partant de cette base qu’il faut les expliquer et non inversement comme on le faisait jusqu’à présent. [8]

Ainsi, il est clair qu’une attitude définie à l’égard de la religion est présente, aussi bien implicitement qu’explicitement, dans les idées les plus fondamentales du marxisme. De plus, il devrait être clair que cette attitude a un caractère double. D’une part, pour le marxiste comme pour le matérialiste, la foi religieuse, quelle que soit sa forme, est inconcevable. Les idées religieuses, comme toutes les idées, sont des produits sociaux et historiques. Elles sont créées par des êtres humains, et cela exclut nécessairement la foi religieuse, dans la mesure où les idées religieuses se veulent transcendantes et prioritaires sur la nature, les êtres humains et l’histoire. De la même manière, l’idéalisme philosophique et la religion sont intimement liés. Si l’esprit a la priorité sur la matière, quel esprit cela peut-il être sinon celui de Dieu ? Et Dieu n’est-il pas, selon la terminologie de Hegel, « l’idée absolue » ? Comme le dit la Bible, « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu ». C’est la raison pour laquelle Léon Trotsky, à la fin de sa vie, écrivait : « Je mourrai révolutionnaire prolétarien, marxiste, matérialiste dialectique, et par conséquent intraitable athéiste ». [9]

D’autre part, le même marxisme exige clairement une explication matérialiste de la religion. Il n’est pas suffisant de considérer la religion dans son ensemble, ou toute religion, comme une simple illusion ou une absurdité qui s’est logée dans la conscience de millions d’êtres pendant des siècles. Une habitude répandue chez certains croyants (en particulier dans les pays impérialistes) consiste à ridiculiser ou à rejeter comme des superstitions les croyances des autres (surtout celles des prétendus « indigènes »), les considérant comme irrationnelles et contraires aux lois bien connues de la nature, sans se rendre compte que cela s’applique aussi à leur propre foi - l’immaculée conception, la résurrection, la multiplication des pains et autres âneries.

Mais le marxisme ne généralise pas cette erreur en stigmatisant l’égale stupidité des cultes animiste et catholique, rastafarien et anglican. Il requiert une analyse des racines sociales de la religion en général et des croyances religieuses spécifiques ; une compréhension des besoins humains réels, sociaux et psychologiques, et des conditions historiques réelles auxquels correspondent ces croyances et ces doctrines. Un marxiste doit être capable de comprendre pourquoi la croyance dans la sainteté et l’immortalité de Haïlé Sélassié a pu inspirer un musicien du calibre de Bob Marley à Trenchtown, Jamaïque, dans les années 1960, ou pourquoi la croyance dans la divinité et l’immortalité de Jésus a inspiré un artiste (doublé d’un mathématicien) comme Piero della Francesca dans la Florence du 15e siècle.

Si nous nous tournons maintenant vers la plus importante déclaration directe de Marx sur la religion, dans les premières pages de l’Introduction à la contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, [10] nous voyons que c’est une formulation condensée de tous ces éléments. Elle commence par l’assertion suivante : « En ce qui concerne l’Allemagne, la critique de la religion est pour l’essentiel terminée, et la critique de la religion est la condition préliminaire de toute critique ».

Marx voulait dire par là que l’œuvre combinée de la révolution scientifique, des Lumières (en particulier des encyclopédistes français) et de la critique de la Bible par la gauche hégélienne en Allemagne avait démoli les prétentions du christianisme et de la Bible à fournir une version factuellement exacte de la nature ou de l’histoire, ou même une théologie dotée d’une cohérence interne. De plus, ce travail était nécessaire et progressiste dans la mesure où une analyse véritablement critique du monde n’était pas possible tant que l’esprit humain était embrumé par les dogmes religieux. Mais cette simple phrase constitue tout ce que Marx a à dire sur cet aspect de la question. Considérant la réfutation de la religion comme accomplie, il poursuit rapidement vers son but principal, l’analyse des bases sociales de la religion : « Le fondement de la critique irréligieuse est : c’est l’homme qui fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme. » C’est là le point de départ. Ce qui suit est un paragraphe d’une exceptionnelle densité, typique de Marx, dans lequel ce qui pourrait constituer une thèse de doctorat est comprimé en quelques phrases :

Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : L’homme fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme. La religion est en réalité la conscience et le sentiment propre de l’homme qui, ou bien ne s’est pas encore trouvé, ou bien s’est déjà reperdu. mais l’homme n’est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L’homme, c’est le monde de l’homme, l’État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu’ils constituent eux-mêmes un monde faux. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification. C’est la réalisation fantastique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine n’a pas de réalité véritable. La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde, dont la religion est l’arôme spirituel.

Ainsi, la religion est une réponse à l’aliénation humaine - l’homme « s’est perdu ». Mais ce n’est pas une condition abstraite ou hors de l’histoire ; bien au contraire, elle est le produit de certaines conditions sociales spécifiques. Cette société produit la religion, une vision inversée du monde dans laquelle les humains se soumettent à un dieu imaginaire de leur propre fabrication, parce que c’est un monde à l’envers dans lequel les humains sont dominés par les produits de leur propre travail. Mais la religion n’est pas seulement un ensemble de superstitions ou de fausses croyances dues au hasard ; c’est la « théorie universelle » de ce monde aliéné, de la façon dont des êtres aliénés essaient de donner un sens à leurs existences aliénées dans une société aliénée. Par conséquent elle comporte la riche diversité des fonctions énumérées par Marx : « somme encyclopédique », « logique sous forme populaire », etc. Et par conséquent la lutte contre la religion est une lutte contre ce monde « dont la religion est l’arôme spirituel » - ce monde d’aliénation dans lequel les gens ont besoin de la religion.

Deux mises au points sont nécessaires en ce qui concerne ce passage. La première est qu’il est presque universellement ignoré par les commentateurs proposant des résumés ou des explications de la pensée de Marx sur la religion. C’est peut-être parce qu’ils ne l’ont pas lu (c’est improbable), ou (plus probablement) parce qu’ils ne l’ont pas compris, ou (très probablement) parce qu’il est radicalement incompatible avec la tentative de réduire la théorie marxiste de la religion à une simple analyse unidimensionnelle du genre : « Marx expliquait que la religion était l’outil de la classe dirigeante » ou bien : « selon Marx la religion a pour fonction de pacifier les masses laborieuses ». Bien sûr, Marx dit ce genre de choses sur la religion, mais il en dit aussi beaucoup d’autres. Réduire la totalité complexe de cette théorie à un seul de ses éléments aboutit en fait à la falsifier. Le deuxième point est que Marx est si intensément attaché à sa conclusion qu’il la ressasse, encore et encore, dans une véritable tempête de métaphores et d’aphorismes. [11]

Cela dit, avant de conclure son argumentation sur la religion, Marx insère un paragraphe extrêmement significatif :

La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, la chaleur d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. [12]

Si ce passage est beaucoup plus connu que le précédent, c’est surtout à cause de sa phrase finale, abondamment citée (et souvent présentée comme l’essence ou la totalité de l’analyse de Marx). En fait, c’est la première phrase qui est sans doute la plus intéressante et la plus importante pour comprendre le rôle politique de la religion. L’insistance de Marx sur le fait que la religion est à la fois une expression de la détresse et une protestation contre elle est le point clé, qui dénonce comme un mensonge toute analyse se limitant aux effets narcotiques et soporifiques de la religion. Elle pointe aussi dans la direction de l’important fait historique (sur lequel je reviendrai) que de nombreux mouvements progressistes, radicaux ou même révolutionnaires ont, soit pris une forme religieuse, soit comporté une teinte religieuse, soit ont été dirigés par des gens porteurs d’une foi religieuse.

Au cours de leur travail, Marx et Engels ont fait de nombreuses références à la religion et l’ont souvent analysée. En particulier, le jeune Marx a écrit La question juive, un ouvrage polémique en faveur de l’émancipation des Juifs [13] ; Engels a apporté sa contribution par toute une série d’études intéressantes du développement et du rôle du christianisme, en particulier dans La guerre des paysans en Allemagne, l’Anti-Dühring, l’introduction à l’édition anglaise de Socialisme utopique et socialisme scientifique, Bruno Bauer et le christianisme primitif, et Contribution à l’histoire du christianisme primitif [14]. En fait, tous ces commentaires ont une chose en commun : ils ne prennent pas pour argent comptant les doctrines religieuses, les sectes, les églises, le mouvements et les conflits, pas plus qu’ils ne les traitent comme de simples absurdités ou des tromperies orchestrées par les prêtres, mais ils les considèrent toujours comme des reflets déformés et des expressions de besoins et d’intérêts sociaux réels. Quelques extraits peuvent illustrer ce point.

De La guerre des paysans en Allemagne :

Même dans ce que l’on appelle les guerres de religion du XVIe siècle, il s’agissait avant tout de très positifs intérêts matériels de classes, et ces guerres étaient des luttes de classes, tout autant que les collisions intérieures qui se produisirent plus tard en Angleterre et en France. Si ces luttes de classes portaient, à cette époque, un signe de reconnaissance religieux, si les intérêts, les besoins, les revendications des différentes classes se dissimulaient sous le masque de la religion, cela ne change rien à l’affaire et s’explique facilement par les conditions de l’époque. (…) L’opposition révolutionnaire contre la féodalité se poursuit pendant tout le moyen âge. Elle apparaît, selon les circonstances, tantôt sous forme de mystique, tantôt sous forme d’hérésie ouverte, tantôt sous forme d’insurrection armée.

De l’introduction à Socialisme utopique et socialisme scientifique :

Le dogme calviniste convenait particulièrement bien aux éléments les plus hardis de la bourgeoisie de l’époque. Sa doctrine de la prédestination était l’expression religieuse du fait que, dans le monde commercial de la concurrence, le succès et l’insuccès ne dépendent ni de l’activité, ni de l’habileté de l’homme, mais de circonstances échappant à son contrôle.

De l’Histoire du christianisme primitif :

le christianisme était à l’origine le mouvement des opprimés ; il apparut tout d’abord comme la religion des esclaves et des affranchis, des pauvres et des hommes privés de droits, des peuples subjugués ou dispersés par Rome. (…)
[Les soulèvements de paysans et de plébéiens au Moyen-âge], ainsi que tous les mouvements des masses au moyen âge, portèrent nécessairement un masque religieux ; ils apparaissent comme des restaurations du christianisme primitif à la suite d’une dégénérescence grandissante, mais derrière l’exaltation religieuse se cachaient régulièrement de très positifs intérêts de ce monde-ci.

Et incidemment, dans cette même œuvre, une note sur l’Islam :

l’Islam est une religion faite à la mesure des Orientaux plus précisément des Arabes, c’est-à-dire, d’une part, de citadins pratiquant le commerce et l’industrie ; d’autre part, des Bédouins nomades. Mais il y a là le germe d’une collision périodique. Les citadins, devenus opulents et fastueux, se relâchent dans l’observance de la « Loi ». Les Bédouins pauvres et, à cause de leur pauvreté, de mœurs sévères, regardent avec envie et convoitise ces richesses et ces jouissances. Ils s’unissent sous la direction d’un prophète, un Madhi, pour châtier les infidèles, pour rétablir la loi cérémoniale et la vraie croyance, et pour s’approprier comme récompense les trésors des infidèles. Au bout de cent ans, naturellement, ils se trouvent exactement au même point que ceux-ci ; une nouvelle purification est nécessaire ; un nouveau Madhi surgit ; le jeu recommence. Cela s’est passé de la sorte depuis les guerres de conquête des Almoravides et des Almohades africains en Espagne jusqu’au dernier Madhi de Khartoum qui a bravé si victorieusement les Anglais. (…) Ce sont des mouvements nés de causes économiques, bien que portant un déguisement religieux.

La question n’est pas ici de savoir si ces observations spécifiques sont historiquement vraies ou fausses, mais de mettre en évidence la méthodologie consistante qui les sous-tend.

Dawkins, Hitchens et Eagleton

Richard Dawkins est un biologiste évolutionniste rendu célèbre par son livre Le gène égoïste, et qui s’est par la suite construit une réputation et une carrière comme vulgarisateur scientifique. Il a publié en 2006 The God Delusion (Pour en finir avec Dieu, Paris, Robert Lafont, 2008), assaut frontal contre la religion et défense de l’athéisme, qui est devenu un best-seller mondial, a provoqué une énorme controverse, en particulier aux États-Unis, et a reçu des applaudissements de la part de sources aussi diverses que Ian McEwan, Michael Frayn, le Spectator, le Daily Mail et Stephen Pinker.

Je dois dire d’emblée que je ne partage absolument pas l’admiration générale du style et de l’intellect de Dawkins. Le lire après Marx est comme passer de Tolstoï ou de James Joyce à Kingsley Amis ou Agatha Christie. Là où Marx met un livre dans un paragraphe, Dawkins donne à un court essai la dimension d’un gros livre. En fait, la totalité des 460 et quelques pages de Pour en finir avec Dieu ne nous amènent pas intellectuellement au-delà de ce que Marx a résumé dans la première phrase de son analyse de 1843, à savoir que la critique de la religion est essentiellement terminée. Ce que propose Dawkins est une réfutation empirique, rationaliste, digne des Lumières - une démonstration « scientifique », c’est-à-dire positiviste, qu’il y a une absence totale de preuves factuelles à l’appui de ce qu’il appelle « l’hypothèse de Dieu », et qu’au contraire, il est quasiment (sinon absolument) prouvé que Dieu n’existe pas. Il nous livre, en supplément, des réfutations logiques de différents arguments avancés en faveur de l’existence de Dieu, allant des vénérables « preuves » de Saint Thomas d’Aquin et du « pari » de Pascal aux récentes élucubrations d’un certain Stephen Unwin, avec de nombreux exemples des folies et des crimes perpétrés au nom de la religion. Je suppose qu’il y a des gens pour lesquels cela constituera une révélation, et d’autres qui l’apprécieront parce que cela les fera se sentir supérieurs aux masses ignorantes qui gobent ces superstitions, mais sur le plan théorique il n’y a là rien de nouveau, en fait très peu qui ne soit pas millésimé d’au moins deux siècles.

La seule exception serait à la rigueur la tentative de Dawkins d’expliquer pourquoi la religion est si répandue dans la société humaine, mais cette tentative échoue de façon assez lamentable. Comme il est un évolutionniste proclamé, il se sent tenu de cadrer son explication en termes d’avantages génétiques dans le processus de sélection naturelle, mais son hostilité de façade à la religion l’oblige aussi à nier que la religion puisse comporter des avantages pour la survie d’un individu ou d’une société. Il essaie de s’extirper de cette contradiction en suggérant que la religion est l’effet collatéral d’une caractéristique qu’il proclame avantageuse dans la lutte pour la survie, à savoir la propension des enfants à croire ce que leur racontent leurs aînés. À l’évidence, cela ne résiste pas à la critique. D’abord, la question de savoir à quel point la suggestibilité des jeunes dépasse leur scepticisme, en particulier à l’approche de l’adolescence, est sujette à débat. Deuxièmement, il n’est pas certain que cette suggestibilité soit, dans l’ensemble, un avantage. Troisièmement, il semble très probable qu’à la fois l’importance et le caractère avantageux de la suggestibilité soient puissamment conditionnés socialement, et très différents selon les sociétés. Finalement, comme toute théorie qui explique le comportement et les croyances des enfants par les croyances et le comportement de leurs parents, elle est confrontée, si elle veut éviter de devoir remonter en arrière à l’infini, au problème de l’explication de la disposition initiale des parents.

Comme Marx le faisait remarquer : « Les éducateurs eux-mêmes doivent être éduqués ». [15] En d’autres termes, l’explication de Dawkins n’explique rien du tout. De plus, il est symptomatique de toute cette approche que, pas plus dans cette section qu’ailleurs dans Pour en finir avec Dieu, l’auteur ne se donne la peine d’aborder sérieusement la théorie marxiste de la religion.

Quoi qu’il en soit, le fait qu’il soit médiocre et sans originalité intellectuelle n’est aucunement la principale critique que j’adresse à ce livre. Mon objection centrale concerne les conclusions politiques réactionnaires qui découlent de sa faiblesse méthodologique. Comme disait Marx dans sa réfutation du philosophe allemand Feuerbach, le matérialisme mécaniste laisse invariablement la porte ouverte à l’idéalisme, et Dawkins en est un cas d’espèce particulièrement frappant. Sans s’en rendre compte, il zigzague d’un déterminisme génétique matérialiste vulgaire, dans sa vision de la nature et du comportement humains dans l’abstrait, à un idéalisme extravagant dans sa vision du rôle de la religion dans des circonstances historiques concrètes. À tout bout de champ, il commet l’erreur de supposer que lorsque les gens font quelque chose au nom de la religion c’est vraiment la religion qui motive leur comportement. Le passage suivant de son essai The Improbability of God résume cette approche :

La plupart des choses que font les gens sont faites au nom de Dieu. Les Irlandais se font exploser les uns les autres en son nom. Les Arabes se font sauter en son nom. Les imams et les ayatollahs oppriment les femmes en son nom. Les popes et les prêtres célibataires s’immiscent dans la vie sexuelle de leurs fidèles en son nom. Les sacrificateurs juifs coupent la gorge d’animaux vivants en son nom. Le dossier de la religion dans l’histoire - des croisades sanglantes, des tortures de l’inquisition, du meurtre de masse commis par les conquistadors, de la destruction des cultures par les missionnaires à la résistance légale à toute nouvelle avancée de la vérité scientifique jusqu’au dernier moment possible - est encore plus impressionnant. Et à quoi tout cela a-t-il servi ? Je pense qu’il devient de plus en plus clair que la réponse est : à rien. Il n’y a aucune raison de croire qu’une forme quelconque de dieux existe, et il y a de bonnes raisons pour croire qu’ils n’existent pas et n’ont jamais existé. Ce n’était pas autre chose qu’une gigantesque perte de temps et de vies. Ce serait une plaisanterie aux proportions cosmiques si ce n’était aussi tragique. [16]

En fait, ce n’est là pas autre chose qu’une version remise au goût du jour du refrain familier selon lequel trop de guerres sont causées par la religion. Elle ne supporte pas une seconde d’examen critique. Prenons l’exemple de l’Irlande. L’idée que le conflit irlandais était essentiellement religieux est à la fois manifestement fausse et tout simplement réactionnaire. Elle est fausse y compris en ce qui concerne les déclarations officielles et la conscience de ses principaux protagonistes. Si beaucoup, mais en aucune manière la totalité des républicains étaient catholiques, aucun républicain n’aurait dit (ou même pensé) qu’il se battait pour le catholicisme ; il luttait pour une Irlande indépendante et unifiée. Les choses étaient moins claires dans le camp unioniste, où la bigoterie jouait un rôle bien plus important ; malgré tout leur but explicite essentiel était de nature « nationale », à savoir rester « britanniques ». À titre surabondant, il est clair que derrière ces conflits œuvraient des aspirations nationales, et non des désaccords sur la doctrine de la transsubstantiation ou de l’infaillibilité papale, mais de vraies questions économiques, sociales et politiques, relatives à l’exploitation, la pauvreté, la discrimination et l’oppression. Voir le conflit comme fondamentalement religieux était réactionnaire en ce que cela confirmait le stéréotype raciste selon lequel les Irlandais sont primitifs et stupides, et parce que cela contribuait à légitimer le pouvoir britannique comme arbitre neutre entre des factions religieuses en guerre.

Il faut mettre au crédit de Dawkins qu’il s’est opposé à la guerre en Irak, et qu’il ne fait pas partie des amis politiques de George Bush. Cependant, dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme », son approche de la religion, même si ce n’est pas intentionnel, est encore plus réactionnaire. Parce que c’est un élément central de l’idéologie des néocons, Bush, Cheney, Blair et Brown, que l’hostilité des Musulmans envers l’Occident n’est ni provoquée ni justifiée, elle n’est pas vue comme une réaction ou une réponse à l’impérialisme occidental, à l’exploitation et à la domination, mais au contraire comme une offensive basée sur la religion, tendant à détruire, conquérir et peut-être même convertir le monde non-musulman.

Certains considèrent ces buts comme inhérents à l’Islam en général [17], alors que pour Bush, Blair et compagnie, ils sont le produit d’une interprétation « mauvaise » (« evil ») ou d’une perversion de l’Islam, mais dans les deux cas la motivation est de nature religieuse. C’est une interprétation en contradiction flagrante avec les déclarations aussi bien d’Al Qaida, qui a émis des revendications politiques explicites telles que le retrait des troupes américaines d’Arabie saoudite, que des poseurs de bombes du 7 juillet à Londres, qui ont dit qu’ils étaient motivés par ce qui se passait en Irak, et un défi à la raison. La notion selon laquelle l’Amérique, l’Angleterre ou une autre grande nation occidentale pourrait être détruite, conquise, ou convertie en posant des bombes dans le métro ou en précipitant des avions dans des gratte-ciel est tellement absurde qu’elle ne peut être le véritable motif d’une campagne soutenue. L’idée que les États-Unis pourraient être incités par une offensive terroriste à cesser de soutenir Israël ou à évacuer l’Afghanistan est également erronée, mais elle n’est pas complètement invraisemblable. Pour Bush, Blair et consorts, l’interprétation « religieuse » est obligatoire, car sans elle ils seraient contraints d’admettre la culpabilité de l’impérialisme et de leur propre politique - approche que Dawkins rejoint et renforce :

« Inconscience » peut être le mot adapté à la vandalisation d’une cabine téléphonique. Il n’aide pas à comprendre ce qui a frappé New York le 11 septembre. (…) Cela venait de la religion. La religion est aussi, bien sûr, la source sous-jacente des désaccords qui, au Moyen Orient, ont motivé au départ l’utilisation de cette arme mortelle. Mais c’est une autre histoire et ce n’est pas ce qui me préoccupe ici. Ce qui m’intéresse c’est l’arme elle-même. Remplir le monde de religions, ou de religions du type abrahamique, équivaut à joncher les rues de pistolets chargés. [18]

Christopher Hitchens est semblable à Dawkins, en pire. Son livre, God is Not Great, se situe à un niveau intellectuel encore plus bas que Pour en finir avec Dieu, avec une combinaison plus arbitraire d’anecdotes à usage de promotion personnelle et de polémique journalistique incohérente. Son adaptation de la cause athéiste à l’islamophobie est incorporée dans le titre (une référence moqueuse à l’exclamation des Musulmans : « Dieu est grand ! ») et étalée sans vergogne tout au long de son œuvre. Il cite, sans doute pour saluer son passé radical, en les approuvant, deux paragraphes de Marx sur la religion. Puis il continue en ignorant complètement leur signification. Dans la section principale, « La religion tue », il nous emmène en tournée, au pas de charge, dans six villes déchirées par des conflits - Belfast, Beyrouth, Bombay, Belgrade, Bethlehem et Bagdad - en nous offrant à chaque fois un résumé sommaire du conflit sous l’angle exclusif des haines religieuses, sans aucune référence à l’histoire, à l’impérialisme, à l’oppression ou à la lutte des classes. C’est une parodie d’analyse socio-politique. L’ « analyse » de la Palestine est particulièrement consternante :

J’ai entendu une fois le regretté Abba Eban, un des diplomates et hommes d’États les plus raffinés et consciencieux d’Israël, faire un discours à New York. La première chose qui saute aux yeux en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, disait-il, c’est la facilité avec laquelle il pourrait être résolu. (…) Deux peuples de tailles à peu près équivalentes revendiquent la même terre. La solution, à l’évidence, est de créer deux États côte à côte. Une chose aussi évidente était sans doute accessible à l’intelligence humaine ? Et c’est ce qui aurait été réalisé, il y a des décennies, si les rabbins messianiques, les mollahs et les prêtres avaient pu être tenus à l’écart. Mais les revendications exclusives d’autorité divine, proclamées des deux côtés par des religieux hystériques et relayées par des chrétiens fanatiques qui espèrent déclencher l’Apocalypse (précédée par la mort ou la conversion de tous les Juifs) ont rendu la situation intolérable, et mis l’ensemble de l’humanité dans une situation d’otage d’une querelle qui porte en elle la menace nucléaire. La religion empoisonne tout.

Tout ceci prête à rire, mais lorsque Hitchens dit, et je cite verbatim de YouTube, « Je suis absolument convaincu que la principale source de haine dans le monde est la religion » [19], il dit aussi que la cause n’est pas dans les faits matériels du capitalisme, de l’impérialisme, de l’inégalité, de l’exploitation ou de la lutte des classes, mais que c’est juste une erreur qui s’est installée dans l’esprit des gens.

S’opposer vigoureusement aux arguments de Dawkins et de Hitchens ne saurait, en tout état de cause, amener à diluer la critique marxiste classique de la religion ou à ouvrir la porte à un quelconque compromis théorique avec les idées religieuses. Quittons maintenant le répugnant Hitchens pour rejoindre le gentil Terry Eagleton, qui fournit un exemple de ce qui devrait être évité. Eagleton est un éminent théoricien littéraire et culturel, proche du marxisme, qui a, dans le passé, attaqué le racisme et l’intolérance de Philip Larkin. Il s’est distingué récemment en dénonçant l’islamophobie de son collègue universitaire Martin Amis. Il a écrit en 2006 une critique sévère de The God Delusion dans la London Review of Books. Mais même si l’article d’Eagleton avance certains arguments semblables à ceux présentés ici, par exemple en ce qui concerne l’Irlande, les termes généraux de sa critique ne sont pas marxistes. Son argument principal est que Dawkins a attaqué les intégristes, chrétiens et musulmans, comme s’ils représentaient toute la religion, en ignorant une théologie « libérale » plus sophistiquée dont il ne soupçonne pas l’existence :

Quelles sont, se demande-t-on, les vues de Dawkins sur les différences épistémologiques entre Saint Thomas d’Aquin et Duns Scot ? A-t-il lu ce qu’Erigène a écrit sur la subjectivité, Rahner sur la grâce et Moltman sur l’espérance ? A-t-il seulement entendu parler d’eux ? Ou imagine-t-il, comme un jeune avocat plein de morgue, que l’on peut abattre l’opposition en ignorant ses arguments les plus forts ? [20]

En tant que critique du livre de Dawkins, tout cela n’est pas dépourvu de validité, mais il y a aussi de sérieux problèmes. D’abord, il n’est pas raisonnable de proclamer qu’il est nécessaire de maîtriser toutes les arcanes de la théologie chrétienne (ou bouddhiste, ou zoroastrienne) pour pouvoir défendre convenablement l’athéisme et pour rejeter la théologie en tant que telle. Ensuite, en démontrant sa compréhension du concept des théologies libérales d’un dieu immatériel, impersonnel, d’amour et de tolérance, par contraste au dieu biblique vengeur, Eagleton laisse décidément ouverte la possibilité que ce dieu libéral puisse réellement exister, ou être digne d’un culte. Il fait la même chose lorsqu’il propose son image de Jésus comme prototype du révolutionnaire anti-impérialiste :

Jésus n’est pas mort parce qu’il était fou ou masochiste, mais parce que l’État romain, ses fantoches locaux et ses chiens de garde ont pris peur devant son message d’amour, de pitié et de justice, aussi bien que de son immense popularité parmi les pauvres, et se sont débarrassés de lui pour éviter un soulèvement de masse dans une situation politique extrêmement volatile. [21]

Pour un marxiste, le dieu d’amour impersonnel de Dietrich Bonhoeffer aussi bien que le Jésus radical de Terry Eagleton sont des créations humaines, des projections illusoires, au même titre que les dieux intolérants de Ian Paisley ou d’Ossama Ben Laden.

Religion et politique socialiste

Pour finir cet article, je soulignerai dans un résumé schématique les conclusions politiques principales qui découlent, et ont découlé historiquement, de l’analyse ci-dessus.

D’abord, et contrairement à une opinion répandue (alimentée par une fausse représentation généralisée), les socialistes marxistes sont absolument opposés à toute idée d’interdiction de la religion. Ce n’est pas une position nouvelle, mais celle qui a été affirmée de façon explicite par Engels dès 1874 en réponse à une proposition des partisans du socialiste français Louis-Auguste Blanqui. Les raisons données alors par Engels demeurent valides à ce jour :

Pour prouver qu’ils sont les plus radicaux de tous, ils abolissent Dieu par décret, comme en 1793 :

Que la Commune débarrasse à jamais l’humanité de ce spectre de ses misères passées(Dieu), « de cette cause » (le dieu inexistant serait une cause !), de ses misères présentes. Dans la Commune il n’y a pas de place pour le prêtre ; toute manifestation, toute organisation religieuse doit être proscrite.

Et cette exigence de transformer les gens en athées par ordre du mufti est signée par deux membres de la Commune qui ont certainement eu l’occasion de constater que, premièrement, on peut écrire autant d’ordres que l’on voudra sur le papier sans rien faire pour en assurer l’exécution et que, deuxièmement, les persécutions sont le meilleur moyen d’affermir des convictions indésirables ! [22]

Loin de vouloir interdire la religion, les marxistes expliquent que celle-ci devrait être une affaire privée indépendante de l’État, et que la liberté religieuse la plus complète devrait être la règle aussi bien sous le capitalisme que sous le socialisme. Lénine a exprimé cela sans ambiguïté dans un article de 1905 :

L’État ne doit pas se mêler de religion, les sociétés religieuses ne doivent pas être liées au pouvoir d’État. Chacun doit être parfaitement libre de professer n’importe quelle religion ou de n’en reconnaître aucune, c’est-à-dire d’être athée, comme le sont généralement les socialistes. Aucune différence de droits civiques motivée par des croyances religieuses ne doit être tolérée. Toute mention de la confession des citoyens dans les papiers officiels doit être incontestablement supprimée. [23]

Le seul sens dans lequel les marxistes envisagent l’élimination de la religion est par son dépérissement progressif du fait de la disparition de ses causes sociales sous-jacentes - l’aliénation, l’exploitation, l’oppression, etc. Les socialistes marxistes sont, en tout état de cause, opposés à tout privilège d’État pour la religion et appellent à la dissolution de toute église d’État officielle (comme l’Eglise d’Angleterre).

Il était inévitable que la perception générale de l’attitude des marxistes envers la religion soit considérablement influencée par l’exemple des régimes staliniens en Russie, en Europe de l’Est, en Chine, à Cuba, en Corée du Nord, etc. Une investigation systématique de ces exemples est impossible dans le cadre de ce bref article, et nous l’espérons, les lecteurs de cette revue sont convaincus que ces régimes n’étaient en aucune manière représentatifs du véritable socialisme ou du marxisme. Cela dit, il est utile de faire quelques observations. La répression stalinienne de la religion est souvent à la fois exagérée et mal comprise. Elle est exagérée en ce sens que d’une manière générale, les régimes staliniens n’ont pas réprimé les religions ou les églises principales, mais les ont tolérées et ont même conclu des alliances avec elles, à la condition qu’elles fussent politiquement dociles (ce qu’elles ont été dans l’ensemble). Elle est mal comprise parce que dans les cas ou des individus ou des groupes religieux ont été persécutés, c’était d’abord parce qu’ils posaient des problèmes d’ordre politique, et non pas essentiellement du fait de leur foi en tant que telle. Mais c’étaient là des sociétés dans lesquelles toute opposition politique était réprimée. Une vision d’ensemble du traitement de la religion par les États « communistes » peut être trouvée dans le dernier chapitre du livre de Paul Siegel The Meek and the Militant [24], et une étude de cas particulièrement utile des rapports de la Révolution russe avec sa minorité musulmane est fournie par Dave Crouch dans son article The bolsheviks and Islam [25]. Crouch montre comment, dans les premières années de la révolution, les bolcheviks adhéraient strictement aux principes léninistes soulignés plus haut, et donc réussissaient à gagner les Musulmans, alors que la montée du stalinisme a généralisé des politiques autoritaires par en haut, y compris une répression du voile, qui se sont avérées désastreuses.

Pour déterminer leur attitude envers des mouvements populaires porteurs d’une coloration confessionnelle, les marxistes prennent comme point de départ, non pas les croyances religieuses des dirigeants du mouvement ou de sa base, ou bien les doctrines et la théologie de la religion concernée, mais le rôle politique du mouvement, basé sur les forces sociales et les intérêts qu’il représente.

Pour mettre tout cela en perspective, considérons les rôles historiques respectifs du catholicisme et du protestantisme. Au moyen âge et au début de la période moderne, le catholicisme était essentiellement la religion de l’aristocratie féodale et par conséquent presque universellement réactionnaire. À l’inverse, le protestantisme radical tendait à représenter, soit la bourgeoisie montante, soit les éléments plébéiens inférieurs qui étaient sur sa gauche. Les grands rebelles et révolutionnaires de ce temps, les Thomas Munzer, John Lilburne et Gerald Winstanley, étaient des protestants passionnés - extrémistes et intégristes dans le langage d’aujourd’hui. Mais à partir du moment où ces rebelles bourgeois ont pris le pouvoir, aux Pays-Bas et en Angleterre, ils ont participé à ce que Marx a appelé « l’accumulation primitive du capital » et se sont transformés en colonialistes et esclavagistes de l’espèce la plus brutale. Oliver Cromwell, révolutionnaire et régicide en Angleterre, se fit oppresseur en Irlande (où son nom est toujours honni), en particulier de la paysannerie catholique. Des bourgeois protestants néerlandais pouvaient être les héros, en Europe, de la Révolte Hollandaise, et les ignobles créateurs de l’apartheid en Afrique. Le rôle profondément réactionnaire de l’église catholique s’est perpétué en Europe, en particulier en Europe du Sud, où elle a soutenu activement Franco en Espagne et passé des accords avec Mussolini et Hitler. Il persiste aujourd’hui, sous une forme atténuée, dans les principaux partis conservateurs d’Italie, d’Espagne et d’Allemagne méridionale. Mais les pays d’Europe où le catholicisme et la religion en général sont restés les plus forts sont l’Irlande et la Pologne, où l’église a été capable, de façon très modérée mais puissante, de s’identifier avec l’opposition à l’oppression nationale.

Tout socialiste portant son regard sur le 17e siècle s’identifiera immédiatement aux rebelles protestants contre les rois et les empereurs catholiques. En considérant l’Irlande en 1916 ou Belfast dans les années 1970, il se sentira du côté des Nationalistes « catholiques » et non de celui des Unionistes « protestants ». Tous ceux qui, à gauche, ont considéré la montée de Solidarność en Pologne comme un conflit entre les catholiques « arriérés » de Gdansk et les communistes athées « progressistes » de l’État soviétique ont fini du côté de l’oppresseur impérialiste. Il en va de même aujourd’hui pour le conflit qui oppose le Tibet à la Chine, et, par-dessus tout, pour la ’guerre contre le terrorisme’ et les luttes au Moyen Orient.

Bien d’autres exemples peuvent être apportés à l’appui de notre argumentation. Quel genre de socialiste déciderait de son attitude envers Malcolm X sur la base de ses croyances religieuses réactionnaires comme membre de la Nation de l’Islam, ou envers Bob Marley en ne considérant que sa foi dans la sainteté du vieux tyran Haïlé Sélassié, ou même envers Hugo Chávez en ne voyant que son catholicisme hautement proclamé et son admiration pour le pape ? Malheureusement, certains prétendus socialistes qui n’ont aucun mal à comprendre cela en ce qui concerne Chávez ou Marley, sont incapables, sous la pression d’une propagande bourgeoise intense, d’appliquer la même approche lorsque la religion en cause est l’Islam. Pour présenter les choses de façon simpliste, du point de vue du marxisme et du socialisme international, un paysan palestinien musulman, illettré, conservateur et superstitieux, qui soutient le Hamas, est plus progressiste qu’un Israélien éduqué, libéral et athée, qui soutient le sionisme (même de façon critique).

Il s’ensuit également que les socialistes marxistes n’acceptent pas l’idée qu’une quelconque des religions majoritaires serait par nature, du fait de ses doctrines, plus ou moins progressiste qu’une autre. Pour qu’une religion devienne « majoritaire », c’est-à-dire pour qu’elle survive pendant des siècles dans des lieux et des ordres sociaux différents, il est nécessaire que ses doctrines soient capables d’une sélection, d’une interprétation et d’une adaptation presque infinies. Ainsi trouve-t-on aux États-Unis un christianisme d’extrême droite, raciste et impérialiste, chez la Majorité Morale ou les Mormons, et une tradition chrétienne de gauche, antiraciste et pacifiste, chez Martin Luther King. En Afrique du Sud il y avait des chrétiens pro et anti-apartheid ; en Amérique latine, il y avait un catholicisme de droite, partisan de l’oligarchie, soutenant les dictateurs, et une « théologie de la libération » chez des catholiques de gauche ; et, bien sûr, il y a une multitude de versions différentes, souvent en conflit aigu entre elles, de l’Islam.

L’argument principal utilisé pour justifier la notion que l’Islam est une religion particulièrement arriérée se fixe, bien évidemment, sur les attitudes envers les femmes et les homosexuels qui sont dominantes dans les pays musulmans. Il faut rappeler à ceux qui utilisent ces arguments que les mêmes attitudes étaient courantes dans les sociétés occidentales jusqu’à une période relativement récente, et qu’elles sont toujours présentes dans l’enseignement de nombreuses églises chrétiennes. Mais le vice de base de cet argument nous ramène aux fondamentaux du matérialisme marxiste - le secret de la sainte famille musulmane réside dans la famille musulmane terrestre. Ce n’est pas la conscience religieuse musulmane qui détermine la position des femmes dans la société musulmane, mais la situation réelle des femmes qui modèle les croyances religieuses musulmanes. L’Islam est né dans la péninsule arabique, se propageant à l’Ouest à travers l’Afrique du Nord et à l’Est par l’Asie centrale. Pendant des siècles, cette grande ceinture a été essentiellement pauvre, sous-développée et rurale, et le demeure aujourd’hui à un degré très important. D’autres sociétés, de l’Irlande à la Chine, porteuses de niveaux de développement et de structures sociales similaires, exercent une oppression semblable sur les femmes et sur les gays.

Enfin, il y a la question de la relation entre le parti révolutionnaire et les travailleurs religieux. Tout parti de ce genre, opérant dans un pays où la religion reste forte dans la masse de la population, c’est-à-dire la plus grande partie du monde, doit accepter, et même s’appuyer sur le fait que la révolution sera faite par des travailleurs dont beaucoup seront encore religieux. La grande masse des travailleurs sera libérée de ses illusions religieuses non pas par des arguments, des livres ou des brochures, mais par la participation à la lutte révolutionnaire, et, au-delà, par la construction du socialisme. Dans une telle situation, le parti doit s’assurer que les différences religieuses, ou les divergences entre les religieux et les non religieux, ne font pas obstacle à l’unité dans la lutte de la classe ouvrière. De plus, dans la mesure où le parti devient réellement un parti de masse, dirigeant la classe dans ses lieux de travail et dans ses communautés, il trouvera inévitablement dans ses rangs une couche de travailleurs qui seront restés religieux ou semi-religieux. Rejeter ces travailleurs à cause de leurs illusions religieuses serait sectaire et anti-matérialiste. Cela équivaudrait à partager l’erreur religieuse/idéaliste qui considère la religion comme l’élément le plus important de la conscience, et la conscience comme plus importante que la pratique. En même temps, le parti ne doit pas devenir un parti religieux, un parti dont la ligne politique, la stratégie et les tactiques sont modelées par des considérations religieuses. La victoire révolutionnaire implique que le parti soit guidé par la théorie qui exprime les intérêts collectifs et la lutte de la classe ouvrière, à savoir le marxisme. Par conséquent le parti doit s’assurer que dans ce domaine c’est lui qui éduque et influence ses membres religieux et non l’inverse.

Il y avait un parti révolutionnaire qui opérait dans une telle situation, c’était le parti bolchevik, et son principal théoricien, Lénine, se pencha sur ces questions avec sagesse et clarté dans un article de 1909 intitulé De l’attitude du parti ouvrier envers la religion. En voici quelques extraits :

Le marxisme est un matérialisme. À ce titre il est aussi implacablement hostile à la religion que le matérialisme des encyclopédistes du XVIII° siècle ou le matérialisme de Feuerbach. (…) Mais le matérialisme dialectique de Marx et d’Engels va plus loin (…) en ce qu’il applique la philosophie matérialiste au domaine de l’histoire. (...) Il dit : il faut savoir lutter contre la religion ; or, pour cela, il faut expliquer d’une façon matérialiste la source de la foi et de la religion des masses. On ne doit pas confiner la lutte contre la religion dans une prédication idéologique abstraite ; on ne doit pas l’y réduire ; il faut lier cette lutte à la pratique concrète du mouvement de classe visant à faire disparaître les racines sociales de la religion.

Pourquoi la religion se maintient elle … ? Par suite de l’ignorance du peuple, répond le progressiste bourgeois, le radical ou le matérialiste bourgeois. Et donc, à bas la religion, vive l’athéisme, la diffusion des idées athées est notre tâche principale. Les marxistes disent : c’est faux. Ce point de vue traduit l’idée superficielle, (…) Un tel point de vue n’explique pas assez complètement, n’explique pas dans un sens matérialiste, mais dans un sens idéaliste, les racines de la religion. (…) La situation sociale défavorisée des masses travailleuses, leur apparente impuissance totale devant les forces aveugles du capitalisme, (…) c’est là qu’il faut rechercher aujourd’hui les racines les plus profondes de la religion.
Est ce à dire que le livre de vulgarisation contre la religion soit nuisible ou inutile ? Non. La conclusion qui s’impose est tout autre. C’est que la propagande athée de la social -démocratie doit être subordonnée à sa tâche fondamentale, à savoir : au développement de la lutte de classe des masses exploitées contre les exploiteurs.

Le prolétariat d’une région (…) est formé, disons, d’une couche de social démocrates [le nom que portaient alors les groupes révolutionnaires socialistes en Russie] assez conscients qui sont, bien entendu, athées, et d’ouvriers assez arriérés (…) croyant en Dieu, fréquentant l’église ou même soumis à l’influence directe du prêtre de l’endroit. (…) Supposons encore que la lutte économique dans cette localité ait abouti à la grève. Un marxiste est forcément tenu de placer le succès du mouvement de grève au premier plan, de réagir résolument contre la division des ouvriers, dans cette lutte, entre athées et chrétiens, de combattre résolument cette division. Dans ces circonstances, la propagande athée peut s’avérer superflue et nuisible, non pas du point de vue banal de la crainte d’effaroucher les couches retardataires, de perdre un mandat aux élections, etc., mais du point de vue du progrès réel de la lutte de classe qui, dans les conditions de la société capitaliste moderne, amènera les ouvriers chrétiens à la social démocratie et à l’athéisme cent fois mieux qu’un sermon athée pur et simple.

Nous devons non seulement admettre, mais travailler à attirer au parti social-démocrate tous les ouvriers qui conservent encore la foi en Dieu ; nous sommes absolument contre la moindre injure à leurs convictions religieuses, mais nous les attirons pour les éduquer dans l’esprit de notre programme, et non pour qu’ils combattent activement ce dernier. [26]

Ces extraits confirment ce qui a été dit tout au long de cet article, à savoir que la maîtrise de la question religieuse, si vitale dans la situation politique actuelle, n’est pas seulement une affaire de jugement ou de tactique, encore moins d’opportunisme électoraliste, mais de compréhension des idées les plus fondamentales du matérialisme dialectique marxiste.

Voir en ligne : Traduit de l’anglais par J.M Guerlin, texte original publié dans International Socialism, N°119, été 2008

Notes

[1Antoine Boulangé, Foulard, laïcité et racisme, l’Étincelle, 2004.

[2Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, chapitre II.

[3Ibidem, chapitre IV.

[4Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie allemande, Feuerbach, partie A.

[5Ibidem.

[6Karl Marx et Friedrich Engels, Le manifeste du parti communiste, chapitre II.

[7Karl Marx, Préface à la Critique de l’économie politique.

[8Friedrich Engels, 1883, Discours sur la tombe de Karl Marx, in K. Marx - F. Engels : Œuvres choisies, Éditions du Progrès, Moscou,
1955, p. 177.

[9Trotsky, Le testament, in Journal d’exil, Gallimard, 1960, p189.

[10Marx - Engels, Études philosophiques, Éditions sociales, 1977, p24.

[11«  Abolir la religion en tant que bonheur illusoire du peuple, c’est exiger son bonheur réel  »  ; «  la critique de la religion est (...) la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l’auréole  »  ; «  La critique a dépouillé les chaînes des fleurs imaginaires qui les recouvraient, non pour que l’homme porte des chaînes sans fantaisie, désespérantes, mais pour qu’il rejette les chaînes et cueille la fleur vivante  »  ; «  La critique du ciel se transforme (...) en critique de la terre  », etc. (ibid, pp. 25-26).

[12Ibid, p. 25.

[13Ce texte plutôt obscur a été l’objet de controverses, et cité comme preuve de l’antisémitisme de Marx. John Rose parle de tout cela en détail dans son article de ce numéro d’International Socialism. Voir aussi Hal Draper, 1977, Marx and the Economic-Jew Stereotype, in Karl Marx’s Theory of Revolution, volume one : State and Bureaucracy (Monthly Review), Anindya Bhattacharyya, 2006, Marx and Religion, Socialist Worker, 4 March 2006.

[14Ces derniers textes disponibles dans K. Marx et F. Engels, Sur la religion, Éditions sociales, 1968.

[15Karl Marx, Thèses sur Feuerbach, 1845.

[16Richard Dawkins, 1998, The Improbability of God, Free Inquiry, volume 18, number 4 (automne 1998).

[17Dawkins lui-même semble avoir cette opinion ou quelque chose de proche - voir Richard Dawkins, 2007, The God Delusion (Black Swan), pp. 346-347.

[18Richard Dawkins, Religion’s Misguided Missiles, Guardian, 15 Septembre 2001.

[19Il n’est pas facile de se rendre compte jusqu’où Hitchens est allé. Je le cite à nouveau de YouTube, débattant avec le Reverend Al Sharpton : «  Voyez-vous, je n’aime pas nos ennemis, et je n’aime pas les gens qui les aiment. Je déteste nos ennemis et je pense qu’ils devraient être tués. (...) Et je suis absolument sûr qu’il ne devrait pas y avoir un autre pays ayant un budget qui menace le nôtre, et je ne suis pas sentimental à ce sujet  ». Et par «  nos ennemis  » et «  notre budget  », il parle des ennemis et du budget de l’impérialisme américain.

[20Terry Eagleton, Lunging, Flailing, Mispunching, London Review of Books, 19 Octobre 2006.

[21Idem.

[22Friedrich Engels, Le programme des émigrés blanquistes de la Commune, 1873.

[23Lénine, Socialisme et religion, 1905.

[24Paul Siegel, 1986, The Meek and the Militant - Religion and Power Across the World (Zed), certaines sections sont disponibles en ligne : www.marxists.de/religion/siegel-en/

[25Dave Crouch, 2006, The Bolsheviks and Islam, International Socialism 110 (printemps 2006). Voir aussi de Dave Crouch, en français, Les bolcheviks, l’Islam et la liberté religieuse.

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