‪La gauche doit mener la lutte contre Le Pen‬

par Cédric Piktoroff

26 avril 2012

La direction du Front national (FN) autour de Marine Le Pen a fait de grands efforts pour se débarrasser de son image de parti fasciste.‬ ‪Il y a eu une lutte au sein du parti pour faire respecter cette ligne et pour ne pas mettre en avant les éléments les plus liés à son passé fasciste.‬ ‪Mais il y a un noyau dur fasciste au sein du FN et de sa direction.‬ ‪Le FN a discrètement maintenu ses liens avec des groupes violents qui ont la rue comme terrain et a été impliqué dans des attaques violentes contre la gauche.‬

L’avant-veille du scrutin des militants du FN ont poursuivi et agressé des colleurs d’affiches du Front de gauche.‬ Quelques semaines plus tôt, l’un des candidats du FN pour les législatives a blessé un barman au cours d’une descente dans un café.

‪La tension entre l’image « modérée » et le noyau fasciste crée une contradiction pour le FN. Il a besoin de séduire un nouveau public.‬ ‪Mais il a aussi besoin de radicaliser les nouvelles recrues et de les attirer dans le noyau dur fasciste, afin que l’influence ne s’exerce pas en sens inverse.‬

‪Le mois dernier, Jean-Marie Le Pen a rendu hommage à l’écrivain Robert Brasillach, qui a collaboré avec les nazis et a appelé au meurtre des Juifs.‬

‪Pendant ce temps sa fille a joué la carte de la « modération ».‬ ‪Mais il n’y a pas d’opposition entre eux.‬ ‪Ils forment un numéro de duettistes dont le projet est de construire un mouvement fasciste.‬

‪En pourcentage des inscrits sur les listes électorales, le FN a obtenu à peu près le même score qu’en 2002.‬ ‪Mais il a obtenu beaucoup plus de voix que précédemment.‬ ‪Et le contexte politique a changé.‬ ‪En 2002, des centaines de milliers de personnes sont descendus dans les rues contre les nazis.‬

‪Légitimité‬

‪Cette fois-ci, le FN dispose d’une légitimité beaucoup plus importante.‬ ‪Une des raisons à cela est que le discours politique général s’est déplacé vers la droite.‬ ‪Un consensus s’est dégagé autour de l’idée d’ « identité nationale ».‬

‪La croissance du racisme et l’islamophobie, légitimés par une certaine idée de la laïcité, a été encouragée par la droite.‬ ‪Mais elle a été renforcée par une grande partie de la gauche. L’année dernière, le Sénat est passé a gauche.‬ ‪La première loi que le PS a fait voter avait pour but d’interdire aux musulmanes portant un foulard de travailler dans les structures d’accueil de la petite enfance.

‪Tout cela a eu un effet sur notre capacité de mobilisation.‬ ‪Il y a plusieurs années, un dixième des déclarations racistes de Claude Guéant aurait suffit pour provoquer immédiatement des manifestations.‬ ‪C’est maintenant beaucoup plus difficile et l’islamophobie qui existe même jusque dans la gauche radicale est un véritable handicap.‬

‪Il y a ensuite la question du problème spécifique du FN. Même dans la gauche anti-raciste qui est résolue à combattre l’islamophobie, il y a eu une perte de toute volonté de combattre le fascisme.‬

‪Beaucoup de gens acceptent l’idée que le FN a changé, qu’ils ne sont plus fascistes, qu’ils sont juste un parti raciste de plus.‬ ‪Ça va avec l’idée que le FN ne doit plus être combattu dans les rues, mais seulement à travers la politique officielle.‬ ‪Seulement 300 personnes sont venues manifester lors du meeting de fin de campagne du FN à Paris mardi 17 avril.‬

Mouvement‬

‪Il sera extrêmement important de reconnaître les spécificités du FN pour la suite.‬ ‪Ce qui distingue le fascisme de la droite conservatrice, c’est qu’il a besoin de construire un mouvement populaire.‬

‪Le FN espère utiliser la légitimité qu’il a acquise lors de l’élection présidentielle pour remporter des sièges lors des prochaines législatives.‬ ‪Ensuite, il cherchera à utiliser ces sièges comme un outil pour construire son organisation.‬

‪Il espère s’enraciner dans les régions où il peut construire une base militante autour d’un ensemble d’idées ultra-réactionnaires : racisme, nationalisme, homophobie et sexisme.‬

‪Après les élections, le FN sera poussé à réutiliser les mêmes vieilles recettes que par le passé. Le paradoxe des nazis est qu’ils doivent adoucir leur image et conquérir de nouveaux électeurs tout en radicalisant les militants et une partie de leur audience pour former un noyau dur de fascistes traditionnels.‬ ‪

Mais les contradictions de leur projet montrent également les possibilités pour s’y confronter.‬

‪Une réponse de la gauche, surtout de la gauche radicale, est urgente : mobiliser les antifascistes peut isoler le noyau dur fasciste et empêcher le FN de construire un mouvement fasciste de masse.‬


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