La lutte c’est classe... contre classe

par Sylvestre Jaffard

18 octobre 2009

Dans différents comités pour le NPA, ainsi qu’à la réunion nationale de Saint-Denis, a commencé une discussion sur la place de la lutte de classes pour le nouveau parti. Cette discussion prend des formes variées : jusqu’à présent, le débat ne s’est pas polarisé en positions ouvertement antagoniques, mais c’est bien plutôt le besoin d’une clarification de la question qui se fait sentir le plus nettement chez les militants, en particulier ceux pour qui le NPA constitue une première expérience politique militante.

Ce débat est une chance et doit être une priorité pour les militants de la LCR. En effet, la question de classe est non seulement fondamentale pour toute organisation réellement anticapitaliste, mais de plus ce débat doit être l’occasion pour nous aussi de clarifier notre conception de la lutte de classe et de notre intervention.

L’essence de la supériorité du marxisme sur d’autres systèmes de pensée réside dans le simple fait qu’il part de la réalité vivante et non de schémas préconçus ou d’impératifs moraux tombés du ciel. Par conséquent il est important de toujours garder à l’esprit qu’en amont de la conception de l’histoire comme l’histoire de luttes de classes [1], il y a cette observation implacable que « le facteur déterminant, en dernier ressort, dans l’histoire, c’est la production et la reproduction de la vie immédiate » [2]. En d’autres termes, les êtres humains doivent d’abord assurer leur subsistance pour pouvoir faire quoi que ce soit. Qu’est-ce que cela signifie dans la société actuelle ? Pour l’immense majorité cela signifie trouver un emploi, donc le logement, les moyens de transport, de communication, la formation, la possibilité légale, etc. qui permettent de trouver et de garder cet emploi, dont ils ne maîtrisent ni l’organisation ni la finalité, et dont ils ne possèdent pas la production. Pour d’autres, une petite minorité, qui possèdent les moyens de production (et donc aussi la production) cela signifie s’assurer que ceux-là produisent le plus possible en étant payés le moins possible.

L’exploitation capitaliste – expliquée de façon plus détaillée dans l’article suivant – divise donc la société en classes aux intérêts antagonistes, comme d’autres formes d’exploitation ont pu diviser la société dans des périodes historiques précédentes. C’est ce rapport salarial qui constitue l’essence même du système capitaliste, c’est lui qui permet l’accumulation de vastes fortunes dans un nombre réduit de mains au service desquelles est réduite la grande majorité des habitants de la planète, c’est lui qui préside à l’organisation mondiale de l’activité humaine.

Fort bien. Cela suffit sans doute pour comprendre qu’un parti qui se donne pour but de détruire le capitalisme doit donc se baser sur les luttes de cette partie de la population qui doit vendre sa force de travail aux propriétaires du capital ? Oui, cela suffit, mais il y a plus.

En effet, notre monde ne connaît pas que le rapport salarial, que l’exploitation des travailleurs par les capitalistes : il connaît aussi l’oppression de groupes nationaux, religieux, l’oppression des femmes, des LGBT, il connaît les guerres et la destruction de l’environnement, etc. Parfois des militants, y compris parmi ceux qui construisent le NPA, en déduisent que ces questions doivent être traitées de manière séparée, et donc que la lutte de classes ne constitue qu’une lutte parmi d’autres. D’autres au contraire, se réclamant du marxisme, contestent que ces formes d’oppression soient réellement spécifiques, et prétendent par exemple que les travailleurs noirs ou femmes ne subissent d’oppression qu’au même titre que tous les salariés. Mais comme ce raisonnement est particulièrement peu convaincant il ne fait qu’alimenter les tendances autonomistes, tout en discréditant le marxisme.

Le véritable marxisme permet en fait de comprendre pleinement l’indissociabilité du combat contre l’exploitation et contre toutes les oppressions. Ceci, une fois de plus, non par des constructions imaginaires, mais par l’examen rigoureux de la réalité :

- La classe ouvrière du monde entier a un intérêt commun : se débarrasser de l’exploitation capitaliste. Pour ce faire elle doit combattre de façon unie. Or toutes les divisions nationales, tous les préjugés sexistes, racistes ou religieux la divisent et donc l’affaiblissent. C’est pourquoi même les travailleurs hommes blancs hétérosexuels, etc. doivent lutter dans leurs propres intérêts pour les droits des femmes, des minorités victimes du racisme, des LGBT, etc. [3]

- Dans un mode de production donné, il ne peut pas exister de sphère indépendante rentrant en contradiction prolongée avec le mode de production. Au contraire, il s’avère que les différentes oppressions qui existent aujourd’hui sont le produit du capitalisme : la forme de la famille (et donc le rôle de la femme en son sein, qui est la racine de son oppression, tout comme la place des jeunes) est subordonnée aux besoins de la reproduction matérielle et intellectuelle de nouvelles générations de travailleurs, les divisions nationales découlent d’affrontements entre classes dirigeantes, blocs de capitaux, le racisme a des racines à la fois historiques (coloniales) et contemporaines (« guerre sans limites », mise en compétition des travailleurs de différents pays...), etc.. C’est pourquoi il est nécessaire pour se débarrasser de ces oppressions de se débarrasser du capitalisme.

Or, de par sa position spécifique dans la société capitaliste, seule la classe ouvrière unie dans la lutte peut débarrasser le monde du capitalisme. De même, seule l’unité de la classe ouvrière en lutte peut lui permettre de remporter la victoire.

Le NPA doit être le parti qui construit par tous les moyens cette unité dans la lutte.

Notes

[1Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste.

[2Friedrich Engels, Préface de la première édition de L’origine de la famille de la propriété et de l’État.

[3Cela ne veut pas dire que cela se fait spontanément, tout comme les travailleurs de façon générale ne sont pas spontanément conscients de la nécessité de la révolution etc. D’où l’importance de l’organisation militante, du parti.

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