Israël : un pays créé par le terrorisme

par Anne Alexander, John Rose

29 octobre 2009

Soixante ans après l’expulsion des Palestiniens, Anne Alexander et John Rose examinent les racines de l’État israélien.

L’État d’Israël a été fondé il y a soixante ans sur la base d’un crime monstrueux : l’expulsion de près d’un million de Palestiniens de leurs maisons et de leurs terres.

Cette violence est connue parmi les Palestiniens sous le nom de nakba - mot arabe signifiant ’catastrophe’. Celle-ci a été suivie par un deuxième désastre humanitaire en 1967, lorsque les Israéliens ont occupé la totalité de Jérusalem et de la Palestine historique - prélude à 40 ans d’occupation militaire et de vagues successives de meurtres pour défendre l’État sioniste.

Les évènements qui entourent la nakba et la création d’Israël en 1948 sont essentiels pour comprendre les racines du conflit israélo-palestinien tel qu’il persiste aujourd’hui.

Les origines du sionisme sont en Europe, où le mouvement est apparu à la fin du 19e siècle en réponse à la montée de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme.

La tragédie du sionisme est que malgré son désir de créer un État juif qui soit un refuge pour les opprimés, ses dirigeants ont estimé qu’ils avaient besoin pour ce faire du soutien d’un gouvernement européen.

Ils ont donc fabriqué une idéologie qui faisait du sionisme l’avant-garde du colonialisme européen. Loin d’échapper au racisme européen, le sionisme s’est donné pour but de l’exporter en portant un projet colonial sioniste.

Les colonies

À l’issue d’un débat interminable le mouvement sioniste s’est mis d’accord sur la Palestine comme lieu d’implantation de l’État juif, et de petits groupes de colons ont commencé à s’y installer pendant les premières décennies du 20e siècle.

Le gouvernement britannique, attiré par les promesses de sionistes selon lesquelles leurs colonies pouvaient contribuer à consolider le contrôle par les Anglais des terres ottomanes récemment conquises, publia en 1917 une déclaration soutenant le projet de création d’un ’foyer national juif’ en Palestine.

À peine deux ans auparavant, les autorités britanniques avaient également promis que la même région ferait partie d’un royaume arabe, pendant que dans la coulisse ils découpaient le territoire ottoman en sphères d’influence selon un accord secret conclu avec leurs alliés du temps de guerre, les Français.

Lors des négociations de paix consécutives à la Première Guerre mondiale, la Grande Bretagne se vit attribuer le contrôle de la Palestine selon le système des mandats de la Société des Nations (SDN).

Au cours des vingt années qui suivirent un nombre croissant d’immigrants juifs s’installèrent en Palestine. La population juive passa de 50 à 60 000 habitants en 1919 à près de 450 000 au milieu des années trente.

La situation en Europe s’aggrava avec la prise du pouvoir par Hitler en Allemagne et la persécution des Juifs par les nazis. La plupart des gouvernements européens appliquèrent envers ces victimes des nazis la tactique du ’deux poids-deux mesures’, condamnant la façon dont ils étaient traités mais fermant leur porte au nez des réfugiés désespérés.

Sans pitié

Le nouvel État d’Israël vit les superpuissances du monde se pencher sur son berceau - les États-Unis et l’Union soviétique soutenant d’abord le plan des Nations Unies (ONU) de partition de la Palestine puis reconnaissant l’État d’Israël, dans l’espoir que cela accélèrerait le déclin de l’influence britannique dans le reste du Moyen-Orient.

Le premier coup de feu de la conquête sioniste de la plus grande partie de la Palestine fut tiré par l’Assemblée Générale de l’ONU, qui vota en novembre 1947 la division de la Palestine en deux parties, un État juif cotoyant un État palestinien.

Le plan de partition était manifestement injuste envers les Palestiniens.

En public, les dirigeants sionistes soutenaient la partition, pendant qu’en privé ils se préparaient à une attaque sans pitié sur la population civile palestinienne.

David Ben Gourion, qui devait être le premier Premier Ministre israélien, expliquait en novembre 1947 à l’exécutif de l’Agence Juive que les Palestiniens faisaient face à un avenir sombre : « On peut soit les arrêter en masse soit les expulser - le mieux est de les expulser ».

Pendant les mois de décembre 1947 et janvier 1948, les milices sionistes se livrèrent à des atrocités dans les villages et les quartiers palestiniens.

Une de ces attaques eut lieu dans le village de Khisas, en Galilée, le 18 décembre 1947. Les troupes sionistes firent sauter les maisons du village au milieu de la nuit, pendant que les habitants étaient endormis. Quinze personnes furent tuées, parmi lesquels cinq enfants.

À partir du début de décembre, dans la ville de Haifa, les forces sionistes firent rouler des tonneaux d’explosifs dans les quartiers palestiniens. Ils firent aussi couler de l’essence enflammée dans les rues et tirèrent à la mitrailleuse sur ceux qui essayaient d’éteindre l’incendie.

Alors que les expulsions et les massacres se multipliaient, les dirigeants sionistes discutaient et finirent par adopter ce qu’on a appelé le Plan Daled (ד, la lettre D en hébreu). Celui-ci donnait aux commandants de la Haganah - la principale force militaire des sionistes - des ordres clairs sur la façon de traiter la population palestinienne :

Ces opérations doivent être mises en œuvre soit en détruisant les villages (en y mettant le feu, en les faisant sauter et en posant des mines dans les décombres), en particulier dans les centres de population qui sont difficiles à contrôler de façon permanente ; ou en organisant des opérations de ratissage et de contrôle selon les instructions suivantes : encerclement des villages et fouille des maisons. En cas de résistance, les forces armées doivent être anéanties et les populations expulsées au-delà des frontières de l’État.

Le 10 avril 1948, à Deir Yassine, plus de 90 villageois furent massacrés - un tiers d’entre eux des enfants en bas âge.

Il y avait un but affreux à ces massacres : terrifier les habitants voisins pour qu’ils s’enfuient, permettant ainsi d’accélérer le processus d’expulsion.

La résolution de partition de l’ONU amena des gouvernements arabes à permettre à des groupes de volontaires d’entrer en Palestine pour défendre la population palestinienne.

Entre décembre 1947 et mai 1948, ces groupes étaient de petite taille, isolés les uns des autres, sans armement adéquat et sans commandement unifié.

De plus, comme le note l’historien israélien Avi Shlaïm, les tactiques des deux camps étaient très différentes.

Les sionistes se rendirent rapidement maîtres des implantations juives, à partir desquelles ils attaquaient des zones désignées comme faisant partie de l’État palestinien, en chassant délibérément la population palestinienne.

À l’inverse, les combattants arabes étaient plus défensifs, cherchant à garder le contrôle des zones palestiniennes, mais contre-attaquant rarement dans les territoires tenus par les sionistes. Lorsque les principales armées arabes intervinrent en mai 1948, près de 250 000 Palestiniens avaient déjà fui le pays.

Mobilisation

A la mi-mai 1948, les forces combinées mobilisées par les États arabes en Palestine se montaient à seulement 25 000, face aux 35 000 combattants que commandait la Force de Défense Israélienne (IDF) naissante.

L’IDF mit de plus en plus de troupes dans la bataille, les portant à 65 000 à la mi-juillet et à 96.441 en décembre.

Ben Gourion annonça au monde la naissance d’Israël le 15 mai 1948. Malgré tout, les expulsions et les massacres ne firent que gagner en intensité.

Le 22 mai, 230 Palestiniens étaient abattus de sang froid à Tantura et ensevelis dans une fosse commune.

Itzhak Rabin, plus tard Premier Ministre d’Israël, était en charge des opérations militaires dans les villes de Ramallah et de Lydd en juillet 1948.

Il estimait que ses soldats avaient expulsé près de 50 000 palestiniens de leurs maisons dans la région, les obligeant à marcher vers la Cisjordanie sans eau ni nourriture.

Le mois suivant, le nombre des réfugiés palestiniens atteignait 850 000.

Démunis et traumatisés, ils furent hébergés dans des camps surpeuplés au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

L’Assemblée Générale de l’ONU passa une résolution demandant à Israël de permettre le retour des réfugiés - 60 ans plus tard, leurs descendants attendent encore.

Le désastre qui a frappé les Palestiniens en 1948 doit être placé dans le contexte d’une région alors en ébullition. Une des raisons pour lesquelles aussi bien les vieux empires coloniaux que les États-Unis voyaient dans le mouvement sioniste un allié potentiel important était le développement d’un puissant mouvement anti-impérialiste dans tout le Moyen-Orient.

Mais l’incompétence et la duplicité des dirigeants arabes démontra à quel point il était absurde de laisser le sort de la Palestine entre les mains d’individus comme le roi Abdallah de Jordanie ou Farouk d’Egypte.

Cela dit, 1948 montra aussi comment la cause de la Palestine pouvait enflammer le Moyen-Orient en renforçant et en unifiant un mouvement de masse contre l’impérialisme et ses clients parmi les dirigeants locaux.

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Cet article est un extrait abrégé d’une nouvelle brochure, The Nakba, par Anne Alexander et John Rose, disponible au prix de 2,50 £ chez Bookmarks, the socialist bookshop.

P.-S.

Traduit de l’anglais par JMG.


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