L’histoire sanglante de l’intervention de l’Otan dans les Balkans

par Ken Olende

25 mars 2011

Beaucoup de gens, en même temps qu’ils sont horrifiés par les horreurs que l’intervention occidentale a infligées à l’Irak et à l’Afghanistan, ne voient pas d’autre solution que de soutenir la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne en Libye.

Les gouvernements occidentaux y sont favorables – et se réclament, pour justifier leur démarche, d’une intervention humanitaire en Yougoslavie qui aurait été une « réussite ».

Rappelons qu’à la fin des années 1980, alors que le pays traversait une récession, certains dirigeants yougoslaves avaient tenté de décapiter une vague de résistance des travailleurs en attisant des tensions entre les divers groupes ethniques du pays.

Ils réussirent à plonger le pays dans la guerre civile, et la Yougoslavie se décomposa en plusieurs petits Etats distincts. Des images télévisées montraient des civils bombardés et mitraillés, chassés de leurs foyers par des opérations dites de « nettoyage ethnique ».

Les premières missions combattantes de l’histoire de l’Otan ont été mises en place dans le cadre d’une soi-disant « intervention humanitaire » destinée à sauver ces civils.

L’intervention s’est divisée en deux phases distinctes.

La première, l’opération Deny Flight empêcher le survol »), développée entre 1993 et 1995, mettait en place une zone d’exclusion aérienne (« no-fly zone ») s’appliquant aux deux adversaires du conflit, mais qui était en fait spécialement ciblée contre les forces serbes.

Elle parvint dans l’ensemble à empêcher les avions militaires de prendre l’air – même si les hélicoptères, plus difficiles à contrôler, leur échappèrent. Au cours de l’unique combat aérien, les chasseurs US abattirent cinq avions serbes.

Mais cette politique ne fit rien pour stopper les destructions dues aux snipers ou à l’artillerie. La guerre s’intensifia, avec son cortège de victimes.

De telle sorte qu’en 1994, l’Otan franchit une nouvelle étape en passant à des frappes aériennes sur des objectifs au sol, en particulier les engins blindés dans les combats autour de Gorazde et de Sarajevo.

La phase suivante de l’intervention, en 1999, commença au moment où celle-ci prenait fin. Les Britanniques et les Américains bombardèrent la Serbie pendant 78 jours, soi-disant pour protéger les civils du Kosovo.

Plus de 9 300 missions de combat frappèrent des cibles militaires – mais aussi des trains, des ponts, l’ambassade de Chine à Belgrade, et une station de télévision.

L’Otan mit fin au contrôle de la Serbie sur le Kosovo, qui devint un protectorat de l’ONU.

C’est ce à quoi font référence les dirigeants occidentaux lorsqu’ils parlent de la « réussite » de la politique de zone d’exclusion aérienne.

Mais ce n’était pas une « no-fly zone ». C’était une démonstration pure et simple de la puissance impériale, qui fit beaucoup de victimes civiles.

Malgré tout, le général Joseph W Ralston, vice-président des chefs d’état-major américains, était très satisfait des résultats de cette politique. Il déclarait en septembre 1999 que « malgré la quantité de bombes larguées, le nombre de victimes civiles serbes, estimé à moins de 1.500 morts, avait été étonnamment léger. »

Non seulement la zone d’exclusion aérienne avait débouché sur une campagne active de bombardements, mais elle avait échoué à atteindre ses objectifs déclarés.

Et nos dirigeants sont moins empressés à évoquer les agressions dont furent victimes les populations qu’on était censé protéger.

Une frappe aérienne particulièrement marquante massacra 60 personnes dans un convoi de tracteurs et de caravanes de réfugiés. C’était si éloigné de l’image que l’Otan essayait de diffuser que son porte-parole médiatique, le général Giuseppe Marani, déclara au cours d’une conférence de presse : « Lorsque le pilote a attaqué ces véhicules, c’étaient des véhicules militaires. S’il s’est avéré par la suite que c’étaient des tracteurs, alors c’est une question différente. »

En Serbie même, c’est un soulèvement populaire qui a renversé le dictateur Slobodan Milosevič – et non les frappes de l’Otan. Et c’est l’intervention de l’Otan qui a déclenché le « nettoyage ethnique » des Albanais du Kosovo qu’elle était précisément censée empêcher.

Au lieu d’aider les gens qu’elle proclamait protéger, cette « intervention humanitaire » a créé et soutenu des États artificiels, permettant à des seigneurs de la guerre, des « hommes forts » et des gangsters de dominer la scène. Et elle n’a pas davantage mis fin à la discrimination et à l’oppression.

L’Otan a été constituée pendant la Guerre froide dans le but supposé de défendre l’Occident d’agressions de l’Union soviétique et des pays du Pacte de Varsovie.

Lorsque ceux-ci se sont effondrés, au lieu de se dissoudre, l’Otan a révélé au grand jour son rôle d’outil de l’impérialisme occidental.

Quoi que les les politiciens aient pu prétendre à l’époque, l’intervention de l’Otan était basée sur ses intérêts stratégiques, en particulier l’expansion de son influence dans les régions qui avaient fait partie de la sphère d’influence de la Russie.

Le développement des attaques occidentales au cours de la « guerre contre le terrorisme » de 2001, loin de s’en écarter, était une extension directe de cette politique.

Et ça continue en Libye. « L’intervention humanitaire » est un procédé qui permet aux puissances occidentales de prendre pied dans la place – et c’est ce qui les intéresse en Libye, où ils veulent conserver le contrôle de la production de pétrole.

Voir en ligne : Paru dans Socialist Worker du 19 mars 2011 sous le titre « The bloody history of intervention in Bosnia ». Traduction JM Guerlin.

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