L’idéologie allemande

Aux origines du marxisme, remettre les idées sur leurs pieds

par Ambre Bragard

16 octobre 2009

La conception marxiste fut développée par Marx et Engels dans la polémique contre le matérialisme de l’époque incarné en premier lieu par Ludwig Feuerbach, puis Bruno Bauer et Max Stirner [1]. Ceux-ci, bien que s’opposant les uns aux autres, pensent tous selon Marx que les hommes se sont toujours faits des illusions sur eux-mêmes et qu’ils ont organisé leurs rapports en fonction de ces représentations. De là, pour changer le monde réel il suffirait d’échanger, de critiquer ou d’abolir théoriquement ces « idées fausses » [2].

Marx s’oppose frontalement à cette conception qui considère que le monde est dominé et déterminé par des idées que seuls les philosophes sont à même de déchiffrer et qui mène tout droit à penser que la révolution se joue dans le domaine de la pensée pure. Il reproche aux critiques allemands de ne jamais quitter le terrain de la philosophie, de se complaire dans la seule critique contemplative des représentations et de ne jamais se confronter à la réalité humaine, la seule que l’on puisse connaître et changer pratiquement. Marx conclut logiquement ses Thèses sur Feuerbach par : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, ce qui importe c’est de le transformer. » [3]

La délimitation et le dépassement de Marx par rapport au matérialisme de Feuerbach et à l’idéalisme de Hegel, duquel il se dit le successeur, correspond à la naissance du marxisme [4]. Marx reconnaît le rôle de Feuerbach dans le parachèvement de la critique de la philosophie hégélienne, le seul pour lui « à avoir au moins constitué un progrès » [5], mais il pointe également les limites de sa conception. Il lui reproche de trop insister sur la nature et de ne pas prendre en compte les facteurs sociaux. En effet, Feuerbach, qui fut le premier à renverser le rapport hégélien Conscience/Être [6] en situant l’essence de l’idée dans l’homme et non l’inverse, saisit l’homme comme un être générique soumis aux seules lois de la nature.

Après lui Marx concrétise le concept d’homme en le prenant cette fois-ci dans la réalité et non plus dans la philosophie : « La conscience ne peut jamais être autre chose que l’Être conscient et l’Être des hommes c’est leur processus de vie réel. » [7]. Cette différenciation peut sembler dérisoire, pourtant elle est au cœur, sinon le cœur de la théorie marxiste puisque cet enracinement dans la réalité sociale permet la liaison entre la théorie socialiste et la pratique révolutionnaire du prolétariat.

Conscience et Être

Tirer l’homme de la réalité c’est cesser de considérer les hommes en tant qu’individus isolés et figés dans le temps, c’est les saisir « dans leur processus de développement réel dans des conditions déterminées » [8]. Pour Marx, considérer l’Être comme être-humain et la Conscience comme conscience humaine est un premier pas nécessaire mais pas suffisant. Il n’y a pas d’être-humain et de conscience humaine en dehors de l’histoire. Quelle nature humaine invariable relierait l’homme préhistorique et l’homme du 20e siècle ? Quelle conscience universelle ferait de l’homosexualité la forme la plus élevée de l’amour dans l’Antiquité et un crime passable de peine de mort au Moyen-âge ? Certains diraient que c’est le fruit de l’évolution inéluctable de la conscience en tant que force motrice de l’histoire, Marx répondrait que cela résulte des conditions matérielles (du développement ou du déclin des forces productives [9]) – sinon comment expliquer le passage d’une civilisation antique particulièrement riche culturellement à un ordre féodal beaucoup plus pauvre de ce point de vue ? Pour remonter aux origines de la conscience, il faut donc partir des bases réelles de l’histoire c’est-à-dire des conditions d’existence matérielles des individus, celles qu’ils ont trouvées toutes prêtes [10] et celles qui sont le produit de leur travail. « Toute histoire doit partir de ces bases naturelles et de leur modification par l’action des hommes au cours de l’histoire. » [11]

Les bases matérielles de la conscience

« Les hommes ont une histoire, parce qu’ils doivent produire leur vie et qu’ils le doivent en fait de manière déterminée : c’est impliqué par leur organisation physique : de même que leur conscience. » [12] L’histoire humaine présuppose déjà qu’il y ait des êtres-humains vivants. Par conséquent, ceux-ci doivent « être à même de vivre pour pouvoir « faire l’histoire » [13]. La première chose dont on doit tenir compte est donc le fait que les hommes doivent chaque jour, aujourd’hui comme il y a des millions d’années, produire les moyens de satisfaire leurs besoins vitaux : boire, manger, se loger, se vêtir… et qu’en faisant cela « les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même » [14]. Aux débuts de l’histoire humaine, Neandertal doit lui aussi fabriquer les outils nécessaires à sa survie – confectionner des armes pour la chasse, des peaux pour l’hiver… Aussi, la première distinction entre l’homme et l’animal réside, selon Marx, non pas dans le fait de penser mais dans celui de produire ses moyens d’existence, conséquence directe de sa condition physique. C’est parce que les hommes sont capables de se tenir debout et d’user librement de leurs mains, qu’ils peuvent produire les moyens d’exploiter les richesses qui les entourent.

La deuxième chose c’est qu’une fois ces premiers besoins satisfaits, « l’action de [les] satisfaire et l’instrument déjà acquis de cette satisfaction poussent à de nouveaux besoins, – et cette production de nouveaux besoins est le premier fait historique » [15].
Le troisième aspect du développement historique c’est que « les hommes, qui renouvellent chaque jour leur propre vie, se mettent à créer d’autres hommes, à se reproduire ; […] c’est la famille » [16], ou le clan – formes primitives des rapports sociaux.

Ces trois moments, qui coexistent depuis les débuts de l’histoire et se manifestent encore aujourd’hui, relèvent à la fois d’un rapport naturel et d’un rapport social. Lorsqu’il s’agit de produire la vie par le travail ou en procréant on voit bien que le primat de la nature est certes essentiel mais qu’il n’est pas le seul élément déterminant. Il est d’abord question des richesses qu’offre la nature et de l’homme comme force de la nature (physiquement capable de produire la vie, la sienne et celle d’autrui) ; mais il est aussi, d’emblée et de plus en plus, question de l’homme comme force de transformation de la nature. Les richesses de la nature ne peuvent être exploitées et l’homme lui-même ne peut les exploiter que dans la mesure où les hommes entrent en interaction entre eux dans le cadre de la production. La question du mode de coopération des hommes n’est donc pas secondaire. C’est parce qu’ils entretiennent des rapports sociaux déterminés – d’abord exclusivement dans le cadre de la famille ou du clan puis à une échelle de plus en plus grande – que les richesses naturelles et l’homme lui-même deviennent des forces productives.

« Voici donc les faits : des individus déterminés qui ont une activité productive selon un mode déterminé entrent dans des rapports sociaux et politiques déterminés […] » [17]
Avec l’essor de la population et des relations entre les individus apparaît et se développe la production, qui conditionne en retour la forme des relations. Le mode de production des hommes dépend des moyens d’existence déjà prêts qu’il leur faut reproduire. On entend par là aussi bien les moyens d’existence naturels accessibles aux hommes que les moyens de les exploiter légués par la génération d’hommes qui les a précédés. En effet, à chaque stade de l’histoire correspond « un résultat matériel, une somme de forces productives, un rapport avec la nature et entre les individus, crées historiquement et transmis à chaque génération par celle qui la précède… ». Cet héritage est modifié par la nouvelle génération en même temps qu’il « lui [dicte] ses propres conditions d’existence et lui [imprime] un développement déterminé… » [18].

De ce mode de production découle un mode déterminé de l’activité des individus dont découle ensuite un mode de vie déterminé ; « ce que sont les individus dépend donc des conditions matérielles de leur production. » [19]
Par exemple, lorsque la production est très peu développée, comme aux débuts de l’humanité, la division du travail est également très réduite. Il s’agit encore d’une division dite « naturelle » du travail qui s’opère en fonction du sexe, de la vigueur corporelle ou des entraves liées à la maternité. Les rapports humains sont eux-mêmes très restreints et ne dépassent guère le cercle de la tribu. Avec l’essor de la production, l’accumulation des forces productives et leur développement, évoluent la division du travail et la structure sociale correspondante. Lorsque celle-ci est effective, c’est-à-dire lorsqu’il apparaît une division entre le travail manuel et le travail intellectuel, apparaît « pour la première fois la division de la population en deux grandes classes, division qui repose directement sur la division du travail et les instruments de production » [20] ; esclaves qui travaillent/ citoyens qui vivent sur leurs dos dans l’antiquité mais aussi, selon le même schéma, travailleurs/patrons sous le capitalisme.

Ce sont là les bases matérielles à partir desquelles se forment les idées des individus.

Production de la conscience

La conscience, bien que liée à la nature de l’homme, se développe aussi en fonction de l’essor de la productivité, de l’augmentation des besoins et de l’accroissement de la population et des échanges. Elle est donc « d’emblée un produit social » [21]. C’est en cela que Marx écrivait : « Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience » [22]. Les représentations des hommes sont directement liées à leur comportement matériel, elles sont « l’expression consciente – réelle ou imaginaire – de leurs rapports et de leur activité réels » [23]. C’est pourquoi on peut croire en l’illusion que ce sont les idées qui dominent le monde. Le rapport Conscience et Être peut apparaître renversé parce qu’il forme une unité indissociable. Et si les rapports des hommes peuvent apparaître déformés, c’est que les idées dominantes sont aussi toujours les idées de la classe dominante puisqu’elle dispose à la fois des moyens de production matérielle et intellectuelle. Or, « les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées […] ; autrement dit, ce sont les idées de sa domination » [24]. Par exemple, l’idée dominante qui consiste à dire que l’employeur et le salarié sont dans un rapport d’égalité est l’expression idéale, derrière une égalité formelle (force de travail contre argent), d’une inégalité réelle (un rapport d’exploitation).

Les hommes réels (c’est-à-dire conditionnés par des forces productives et des rapports sociaux déterminés) sont les producteurs de leurs idées et non l’inverse. La conscience n’est rien d’autre que « l’Être conscient et l’Être des hommes est leur processus de vie réelle » [25].

Ce phénomène est clairement visible lorsque la division du travail est encore peu développée ou lors des grands bouleversements historiques. Par exemple il ne fait aucun doute que le mode de production primitif extrêmement soumis aux lois de la nature mène tout droit à une religion de la nature. De même, l’illusion qu’un ordre social déterminé est uniquement dû à la domination de certaines idées, s’effondre lorsque la domination de la classe qui les supportait cesse d’être le régime social et que par conséquent ses idées cessent à leur tour de dominer et de revêtir la forme de l’universel. Par exemple, après la révolution française de 1789 il n’allait plus de soi de penser que la domination de la noblesse émanait d’une volonté divine.

Dès lors que la division du travail parvient à la division entre travail manuel et travail intellectuel, «  la conscience peut vraiment s’imaginer qu’elle est autre chose que la conscience de la pratique existante, qu’elle représente réellement quelque chose sans représenter quelque chose de réel. À partir de ce moment, la conscience est en état de s’émanciper du monde et de passer à la formation de la théorie « pure », théologie, philosophie, morale, etc. ». À partir de ce moment « la force productive, l’état social et la conscience peuvent et doivent entrer en conflit entre eux car, par la division du travail, […] l’activité intellectuelle et matérielle, – la jouissance et le travail, la production et la consommation échoient en partage à des individus différents ; et alors la possibilité que c’est éléments n’entrent pas en conflit réside uniquement dans le fait qu’on abolit à nouveau la division du travail » [26].

Théorie et pratique

Nous disions en introduction que le fait de ne plus envisager le concept d’homme d’un point de vue abstrait, de le tirer de la vie réelle, permet de relier le socialisme à la lutte du prolétariat. La conscience, en tant que partie de l’être humain, n’étant plus en dehors du processus historique, cesse de jouer un rôle seulement contemplatif et devient un facteur de transformation historique.

Les hommes font l’histoire

Dans sa première thèse sur Feuerbach Marx écrit : « Le principal défaut de tout matérialisme jusqu’ici (y compris celui de Feuerbach) est que l’objet extérieur, la réalité, le sensible ne sont saisis que sous formes d’objet ou d’intuition, mais non en tant qu’activité humaine sensible, en tant que pratique, de façon subjective » [27]. En négligeant le fait que les lois de la société prennent de plus en plus le pas sur celles de la nature, Feuerbach est obligé de faire abstraction du mouvement de l’histoire ou de l’aborder du point de vue idéaliste. Son attitude contemplative provient du fait qu’il ne voit pas que « le monde sensible qui l’entoure n’est pas un objet donné directement de toute éternité et sans cesse semblable à lui-même, mais le produit de l’industrie et de l’état de la société » [28]. Il ne voit pas que la nature dans laquelle il vit n’est plus du tout la même que celle des temps préhistoriques. Répétons-le, les bases naturelles constituent certes le fondement de toute vie humaine mais elles ne sont pas le seul élément déterminant. La nature détermine l’homme mais l’homme détermine aussi de plus en plus la nature, et donc sa propre nature. L’homme se trouve «  toujours en face d’une nature qui est historique et d’une histoire qui est naturelle » [29]. Le processus historique conduit à la fois à une augmentation et à une diminution de l’importance des facteurs naturels dans la vie sociale. En effet, avec le développement de l’industrie, l’imbrication de l’homme et de la nature est croissante, puisque les richesses naturelles sont de plus en plus exploitées, et dans le même temps, l’influence immédiate des facteurs naturels (fertilité des sols, climat, catastrophes…) diminue ; ils n’agissent plus que de manière médiatisée. Par exemple, une mer qui sépare les peuples à l’ère primitive, les relie avec le développement. En ne percevant pas ce phénomène de socialisation de la nature et en ne saisissant pas le monde qui l’entoure comme « la somme de l’activité vivante et physique des individus qui le composent » [30] Feuerbach ne peut saisir comment on passe de la préhistoire à l’histoire moderne et lorsqu’il veut fournir une explication il retombe aussitôt dans l’idéalisme. « Dans la mesure où il est matérialiste, Feuerbach ne fait jamais intervenir l’histoire, et, dans la mesure où il fait entrer l’histoire en ligne de compte, il n’est pas matérialiste. » [31]

C’est ainsi que pour Marx, le côté actif, révolutionnaire, fut développé de manière abstraite par l’idéalisme de Hegel. Ce dernier ne conçoit pas l’histoire comme quelque chose de figé mais comme un processus ininterrompu dont le sujet serait, non pas l’homme dans son activité réelle, mais l’Idée absolue. Les hommes comme masses sont pour lui le matériau à travers lequel s’exprime dans l’inconscience le mouvement de l’Idée absolue. Seuls les philosophes qui reconnaissent après coup ce mouvement permettent à l’Idée absolue de parvenir à la conscience. En bref, chez Hegel les hommes ne font pas l’histoire ; pas même le philosophe puisque, conscient à posteriori du processus historique, il reste par conséquent en dehors de celui-ci. Chez Marx, au contraire, le sujet-objet de l’histoire et de la connaissance, c’est l’homme dans sa pratique.

La révolution comme force motrice de l’histoire

Marx se différencie donc à la fois de l’idéalisme de Hegel et du matérialisme de Feuerbach, il veut relier concrètement la pratique et la théorie. À Feuerbach qui se prétend communiste parce qu’il veut « susciter la conscience juste d’un fait existant » [32], Marx répond que « pour le matérialiste pratique, c’est-à-dire pour le communiste, il s’agit de révolutionner le monde existant, d’attaquer et de transformer pratiquement l’état de choses qu’il a trouvé » [33]. Pour autant il ne renie pas l’importance de la conscience ou celle de la nature, bien au contraire. Seulement, il fait de la conscience une conscience sociale déterminée par le processus de vie réel et de la nature une nature sociale. Le fait d’envisager la conscience comme socialement déterminée, c’est aussi voir la conscience comme un facteur de transformation de la réalité sociale. Ainsi, « [l]’histoire cesse d’être une collection de faits sans vie […] ou l’action imaginaire de sujets imaginaires ... » [34].

Pour Marx, la forme des relations humaines mais aussi toutes les productions théoriques, idées, représentations ou formes de conscience, nous l’avons déjà dit, trouvent leurs origines dans la production matérielle. La pratique ne peut donc pas s’expliquer d’après les idées, mais la formation des idées s’explique d’après la pratique matérielle. Par conséquent «  toutes les formes et produits de la conscience peuvent être résolus non pas grâce à la critique intellectuelle, […] mais uniquement par le renversement pratique des rapports sociaux concrets… » ; « Ce n’est pas la critique, mais la révolution qui est la force motrice de l’histoire…  » [35]. Or, les éléments matériels d’une révolution sont l’état du développement des forces productives existantes et, fait lié à ce qui précède, la formation d’une masse révolutionnaire qui fasse la révolution [36]. La question de la conscience est donc déterminante, elle est une des conditions nécessaires à la transformation de la société.
« Une transformation massive des hommes s’avère nécessaire pour la création en masse de cette conscience communiste, comme aussi pour mener la chose à bien elle-même ; or, une telle transformation ne peut s’opérer que par un mouvement pratique, par une révolution ; cette révolution n’est donc pas seulement rendue nécessaire parce qu’elle est le seul moyen de renverser la classe dominante, elle l’est également parce que seule une révolution permettra à la classe qui renverse l’autre de balayer toute la pourriture du vieux système qui lui colle après et de devenir apte à fonder la société sur des bases nouvelles. » [37]

Pour la première fois, les conditions extérieures qui semblent dominer l’homme sont vues comme des rapports sociaux sur lesquels il est possible d’agir.

Unité de la théorie et de la pratique

La conséquence fondamentale du fait de concevoir la conscience comme une partie de l’Être, c’est que la théorie marxiste se voit elle-même comme un élément de la pratique. La théorie devient pratique à travers le mouvement ouvrier marxiste et, dans le même temps, la pratique devient consciente. La théorie marxiste devient un levier du bouleversement ; elle « critique théoriquement les institutions et les représentations de la bourgeoisie que le prolétariat attaque et « critique » pratiquement dans la lutte des classes » [38]. et devient elle-même une « puissance matérielle dès qu’elle s’empare des masses » [39]. C’est pourquoi le socialisme marxiste est tourné vers les masses prolétariennes et cherche en premier lieu à s’y implanter afin de préparer la révolution pratique qui est l’aboutissement de sa critique théorique et de l’activité «  pratiquement-critique  » (c’est-à-dire révolutionnaire) du prolétariat.

Il ne s’agit pas de remplacer la théorie contemplative par de la pratique pure, ni de donner une somme de recettes que la pratique devrait appliquer à la lettre et encore moins d’apporter clefs en main une théorie de la future société sans classes. Le marxisme, en tant qu’expression du mouvement de la classe ouvrière, critique les rapports existants du point de vue de cette classe, en liaison avec la lutte de celle-ci et il ne peut en être autrement si l’on veut préserver l’unité réelle de la théorie et de la pratique – c’est-à-dire du socialisme et du mouvement ouvrier marxiste. C’est pourquoi le communisme, dit Marx, « n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se réglée. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel » [40].

Notes

[1Polémique menée essentiellement dans les Thèses sur Feuerbach de Karl Marx (1845) et dans L’idéologie allemande de Karl Marx et Friedrich Engels (1845-1846). (seule la première partie de L’Idéologie allemande – consacrée à Feuerbach – se trouve sur Internet en français. On peut lire toute l’œuvre en allemand sur http://www.mlwerke.de/me/me03/me03_009.htm )

[2Nous reprenons ici les caricatures que fait Marx dans la préface de L’idéologie allemande des positions respectives de Ludwig Feuerbach, Bruno Bauer et Max Stirner. L’idéologie allemande, Marx-Engels, Éditions sociales, Paris, 1976, p. 9.

[3Thèses sur Feuerbach, L’idéologie allemande, Marx, op. cit., p. 4.

[4On retrouve l’essentiel de ce dépassement dans la Contribution à la Critique de la philosophie du droit de Hegel (1844-1845), les Thèses sur Feuerbach (1845) et L’idéologie allemande (1845-1846).

[5L’idéologie allemande, Marx-Engels, op. cit., en note, p. 14. C’est en vertu de cette contribution de Feuerbach que Marx et Engels vont lui opposer les remarques générales qui précèdent à la critique des divers représentants de l’idéologie allemande (op. cit.).

[6Hegel était parvenu théoriquement à situer la Conscience et l’Être dans une unité alors qu’ils étaient jusque là opposés, mais il faisait de la Pensée le sujet et de l’Être son attribut.

[7Ibid., p. 20.

[8Ibid., p. 21.

[9On pourrait résumer ainsi ce que sont les forces productives : il s’agit d’une part des conditions ou forces naturelles – c’est-à-dire des ressources naturelles et de la force de travail humaine, et d’autre part des conditions sociales – c’est-à-dire de l’organisation du travail et des rapports sociaux qui en découlent. À noter : les forces naturelles ne deviennent des forces productives que dans leur utilisation par le travail humain pour des buts humains.

[10Les richesses naturelles en moyens de subsistance (fertilité des sols, eaux poissonneuses, etc.) et en moyens de travail (chutes d’eau, bois, métaux, etc.).

[11Ibid., p. 15.

[12Ibid., en note, p. 28.

[13Ibid., p. 26.

[14Ibid., p. 15.

[15Ibid., p. 27.

[16Ibid., p. 27.

[17Ibid., p. 19.

[18Ibid., p. 39.

[19Ibid., p. 15.

[20Ibid., p. 49.

[21Ibid., p. 29.

[22Ibid., p. 21.

[23Ibid., en note, p. 19.

[24Ibid., p. 44.

[25Ibid., p. 20.

[26Ibid., p. 30.

[27Thèses sur Feuerbach, L’idéologie allemande, Marx, op. cit, p. 1.

[28Ibid., p. 24.

[29Ibid., p. 25.

[30Ibid., p. 26.

[31Ibid., p. 26.

[32Ibid., p. 43.

[33Ibid., p. 24.

[34Ibid., p. 21.

[35Ibid., p. 39.

[36Avec le développement des forces productives naît une classe, le prolétariat, qui supporte tout le poids de la société bourgeoise alors même qu’elle en est la négation, puisque l’apparence d’humanité de ses membres se dissout dans le processus de travail au point que les travailleurs doivent se vendre eux-mêmes comme des marchandises. Mais c’est justement de cette position inhumaine que le prolétariat est capable de connaître réellement la société bourgeoise et d’où peut surgir la conscience de la nécessité de la révolution.

[37Ibid., p. 37.

[38Les superstructures idéologiques dans la conception matérialiste de l’histoire, Franz Jakubowski, Études et documentation internationales, Paris, 1976, p. 120.

[40L’idéologie allemande, Marx-Engels, op. cit., en note, p. 33.


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