Bureaucrates, intelligentsia et travailleurs

Les luttes de classes dans la révolution de 1989

par Volkhard Mosler

28 janvier 2011

Pendant des dizaines d’années, le soulèvement du 17 juin 1953 a été considéré en Allemagne comme un soulèvement populaire, bien qu’il se soit agi d’une révolte ouvrière. Le soulèvement eut la forme d’une grève générale des travailleurs contre la bureaucratie au pouvoir, à laquelle ni les vieilles classes bourgeoises, ni les nouvelle couches intellectuelles intermédiaires ne prirent part.

La Révolution d’automne 89 se déroula avant tout dans la rue. La masse des manifestants étaient cette fois encore, des travailleurs. Mais, contrairement à 1953, la grève générale resta absente, le soulèvement eut l’air d’un soulèvement populaire qui regroupait plus ou moins l’ensemble des couches et classes opprimées et auquel les travailleurs ne prirent part qu’en tant que citoyens, dans la rue.

Et même ni le cours ni l’issue du soulèvement ne se font bien comprendre, si nous n’appliquons pas, dans ce cas également, la loi du mouvement de l’histoire découverte par Marx selon laquelle « toutes les luttes historiques, qu’elles soient menées sur le terrain politique, religieux, philosophique ou dans tout autre domaine idéologique, ne sont, en fait, que l’expression plus ou moins nette des luttes des classes sociales » [1].

En RDA, comme ailleurs dans le bloc de l’Est, il y avait principalement deux classes antagonistes : la classe dirigeante du Parti et des bureaucrates d’État d’un côté, et de l’autre, la classe ouvrière.

Jusqu’à aujourd’hui, la bureaucratie était désignée comme « bureaucratie politique » ou « classe politique ». [2] C’est s’induire en erreur, car la puissance de cette classe n’est pas basée comme d’ailleurs celle des autres classes dirigeantes, sur la politique, mais sur le contrôle des moyens de production et l’économie. La notion de « propriété du Peuple » est un concept de combat de la Bureaucratie qui voilait ainsi les véritables rapports de production. Le peuple, c’est à dire la grande majorité des classes opprimées, ne peut pas être propriétaire de moyens de production étatisés, s’il ne possède pas lui-même l’État.

La prétendue classe ouvrière dirigeante était surtout tenue à l’écart de toutes les décisions importantes économiques ou politiques. D’après une enquête menée par des sociologues dans un Combinat en 89, 38.8% des interrogés se sentaient dans la couche la plus inférieure du collectif de travail, 82% à peine représentés au niveau du travail, 84.5% au niveau du territoire et 90.1% au niveau de la société.

Le nombreux appels des groupes pour les droits civiques contre la vente des propriétés populaires au capitalisme ouest-allemand n’ont pas trouvé l’oreille des ouvriers qui ne voulaient pas, de toute manière, défendre ce qui ne leur appartenait pas.

Dans les agglomérations du sud de la RDA, un enfant sur deux se retrouvait, à cause de la pollution, en état de maladie respiratoire.

La semaine de travail des ouvriers, 43,7 heures, était plus longue qu’en Russie ou en Hongrie. 2,8 millions de retraitées et retraités vivaient au bord du seuil de pauvreté. Des retraitées vivant seules gagnaient le plus souvent les 330 DM de la retraite minimum. Les travailleurs n’avaient que deux semaines de congés.

Les couches intermédiaires

Entre la bureaucratie et la classe ouvrière il y a les couches intermédiaires dont les conditions de vie et de travail se sont différenciées de façon caractéristique de celles de la classe dominante comme de celles des travailleurs. Les couches intermédiaires auxquelles appartiennent les prêtres, médecins, avocats professeurs, artistes, techniciens, sportifs de haut niveau, ingénieurs, scientifiques et employés à un niveau élevé, mais non à une fonction de décideur, étaient privilégiées en RDA, à la différence des travailleurs . Ils ne souffraient pas de la même façon des pénuries d’approvisionnement, des salaires faibles, et des retraites basses, des logements misérables, des conditions de travail malsaines. Ainsi par exemple, il y avait une « assurance-vieillesse spéciale de l’Intellectuel » pour des techniciens, médecins et ingénieurs choisis comme pour des « citoyens de l’État particulièrement méritants »

Pour les membres des services de l’État, il y avait aussi des rémunérations exceptionnelles ou supplémentaires.

Mais les couches intermédiaires ont évidemment souffert aussi des conditions matérielles et encore plus de l’esclavage intellectuel.
Il ne faut cependant pas s’imaginer que les médecins, les techniciens et les spécialistes administratifs allaient entrer en scène pour leurs intérêts égoïstes de classe. Comme les autres classes, la couche moyenne adopte aussi ses représentants, orateurs et organisateurs, dont la formation et la situation individuelle peuvent être à des années-lumières de la leur.

Ceux qui étaient employés à la production et à la diffusion des idées, à l’enseignement, aux illusions et à la fantaisie se sont faits les représentants de la classe moyenne.

Parmi eux, les prêtres, artistes, écrivains, avocats mais aussi un grand nombre de marginaux qui dans les années 80 avaient survécus dans des niches quelconques en menant une existence toute autre que celle des classes moyennes.

Les 4 000 ecclésiastiques de la RDA ont été proportionnellement plus actifs dans les groupes de droits civiques que les 40 000 membres des unions de médecins, d’artistes et d’écrivains comme initiateurs de manifestations et d’organisation.

Ces groupes professionnels désignés comme « intelligentsia » ont toujours été dans les sociétés de classe modernes les serviteurs du pouvoir dominant. Cela faisait 40 ans qu’ils avaient cette fonction sociale dans la RDA aussi.

Bien sûr, il y a toujours eu des écrivains, des musiciens, des artistes, des prêtres, etc... qui se rebellaient contre leur employeur. Mais un véritable mouvement d’opposition de l’intelligentsia ne se révèle réellement pour la première fois au milieu des années 80, parallèlement à l’ère Gorbatchev en Russie.

La situation sociale médiane des intermédiaires correspond à ce que Marx prouve dans sa caractérisation de la petite-bourgeoisie de son temps, une position politique de force de conciliation, de médiation, entre les deux pôles de la société, qui aspire à gommer les contradiction entre la base et le sommet, entre la classe dominante et les travailleurs et à les transformer en harmonie.

Les représentants politiques de la petite bourgeoisie démocratique « s’imagine être au-dessus des antagonismes de classe » écrit Marx, parce qu’ils représentent une classe-transition, « au sein de laquelle s’émoussent les intérêts de deux classes opposées » [3]

Marx sait donc pour ainsi dire que c’est un trait naturel de la petite-bourgeoisie que de faire passer ses intérêts pour des intérêts populaires interclassistes et d’agir au nom de la politique du droit du peuple.

En RDA les groupes de droits civiques ne se présentaient pas comme les représentants politiques des couches moyennes et de leurs intérêts particuliers mais en tant que porte-parole du peuple entier. Le mot d’ordre d’octobre, « nous sommes le peuple ! » dévoilait que même au sein du peuple opprimé il y avait des classes et des intérêts différents. Quand la classe ouvrière a surgi, à Leipzig en Novembre puis partout ensuite avec ses propres mots d’ordre, exigences et méthodes de lutte, les représentants auto proclamés des groupes de droits civiques en ont été humiliés

La force politique dominante de ces couches intermédiaires était le Nouveau Forum, fondé en septembre 89. Une enquête faite à Berlin fin 89 auprès des membres du NF a donné comme résultat « l’image de la prédominance de l’intelligentsia et des diplômés du supérieur (la moitié), alors qu’un huitième d’entre eux seulement se décrivait comme "travailleur". » [4] Pourtant l’ambition du NF était d’être un mouvement de tous les citoyens.

À la montée fulgurante au début de la révolution correspond une extinction aussi fulgurante dans les mois suivants, ce qui montre seulement que les travailleurs ne se laissaient pas consoler par les maigres mots d’ordre démocratiques que leur proposaient le NF et les autres groupes de droits civiques.

Solution chinoise ?

La condition de l ’apparition de la révolution en RDA était comme pour toute révolution que la classe dirigeante ne pouvait plus comme auparavant, qu’elle était en fin de course, et que les classes opprimées ne voulaient plus continuer

En Pologne, Russie, Tchécoslovaquie et en Chine, on en était arrivé au printemps et en été 89 à des grèves de masse de travailleurs et à des désordres étudiants. En Chine seulement, la classe bureaucratique a eu encore assez de confiance dans sa propre force et son pouvoir pour écraser dans le plus pur style stalinien, avec chars et mitrailleuse, un tel mouvement. Plus de 2000 morts, dix mille blessés, en furent le prix sanglant.

Le fait que le représentant et plus tard successeur d’Honecker ait félicité le gouvernement chinois pour son succès aurait dû intimider sa propre opposition.

Mais il apparaît que la classe bureaucratique de la RDA à la différence des autres pays de l’Est n’était pas prête à suivre le cours de Gorbatchev et de sa perestroïka. Elle voulait à tout prix empêcher une ouverture politique du régime dans le but d’empêcher une transformation contrôlée du pouvoir politique.

En Pologne et en Hongrie, cette transformation était déjà bien avancée en septembre 89. L’opposition démocratique de Solidarnosc en Pologne était déjà un parti au pouvoir. Naturellement, la classe bureaucratique s’était fait attribuer auparavant des assurances pour la protection de ses privilèges sociaux.

La Nomenklatura de la RDA savait que cela conduirait à la chute de la RDA et donc à la fin de son propre règne et que la RDA ne pourrait survivre comme État Socialiste

Non-violence

Les représentant politiques de la classe moyenne estiment jusqu’à aujourd’hui que ce sont eux et leur intelligente tactique de « non-violence » stricte qui ont mis la STASI à genoux. Ils exigent donc les gains historiques de la libération pour eux.

« La non-violence stricte était le levier » écrit un membre fondateur du NF, Jens Reich, « qui a fait s’effondrer le système et élégamment empêché la riposte de la Nomenklatura ». [5]

C’est une pieuse illusion qui cette fois encore ne résiste pas à l’examen.
Qu’est ce qui a empêché un Krenze et un Mielke d’avoir recours à la force armée comme en 53 ?

Le compte rendu enregistré de la réunion de crise des chefs locaux de la STASI du 31 août 89 donne la réponse. Il en ressort que Mielke ne considérait pas les groupes de droits civiques comme une force de renversement. « Et quelle est l’ambiance dans les usines ? » — demande t’il à ses directeurs locaux. Il interrompt au milieu de l’exposé— « en sommes-nous à la possibilité d’un 17 juin demain ? » [6]

Le 17 juin 1953 était un souvenir traumatisant, non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour la bureaucratie. Les travailleurs avaient subi une amère défaite. Leur grève générale n’avait pourtant pu être écrasée qu’avec l’aide des troupes soviétiques.

La dénonciation de la doctrine Brejnev par Gorbatchev avait créé une situation nouvelle sur la quelle la direction du SED était claire dès le départ. Les félicitations de Krenz à la Chine en juin étaient un chèque sans provision, un bluff.

Les fondateurs du NF voyaient instinctivement les travailleurs comme des partenaires d’une alliance. Après tout, les grèves de mass en Pologne et en URSS quelques semaines auparavant avaient de nouveau montré que les appareils de répression étatiques avaient reculé justement devant les grèves ouvrières.

Barbel Bohley, membre fondatrice du NF fit remarquer dans une interview au Spiegel avant que n’éclate la révolution, que par exemple en Pologne, la classe ouvrière « disposait d’un puissant lobby » et que c’était intéressant pour l’opposition en RDA. Elle mettait en garde en même temps contre l’idée de « reprendre simplement le chemin polonais » parce que cela pourrait menacer l’existence-même de la RDA. [7]

Dans ces propos de Barbel Bohley apparaît tout le tourment et le caractère hésitant du Nouveau Forum et du mouvement des droits civiques en RDA.

Quand on voit le grand pouvoir de la classe ouvrière, on s’adresse instinctivement à elle et on sait que sans ses forces, le pouvoir ancien est réduit à rien ; on craint toutefois aussi que les travailleurs ne se contentent pas de jouer les fantassins pour un mouvement de réforme démocratique, qu’ils utilisent les droits démocratiques gagnés pour lutter pour leurs droits sociaux.

Les groupes des droits civiques se prononçaient pour le droit de grève, mais étaient d’accord avec la direction SED pour dire que des grèves politico-économiques dans la situation d’alors en RDA aurait gêné sa stabilisation économique.

Le Nouveau Forum ne voulait pas faire tomber l’ancien pouvoir mais le forcer à des réformes par des pressions limitées. Jens Reich a formulé ce programme dans son discours du 4 novembre devant un demi million de personnes à Berlin : « Nous devons exercer une pression pour que ça avance enfin.... Nos mouvements citoyens ont un devoir de contrôle. Personne de chez nous ne veut gouverner mais chacun doit être vigilant pour que rien ne se passe sous la table. » Et Rolf Heinrich (NF) de dire : « On ne va pas administrer la faillite, qu’ils assument jusqu’au bout. » [8]

La peur de la radicalisation du mouvement par une grève générale des travailleurs, un nouveau 17 Juin, n’a pas seulement refréné l’action de la direction SED. Elle a aussi refréné l’action des groupes de droits civiques, ceux-là même qui se réclamaient théoriquement, comme la Gauche Unie, de la classe ouvrière et du marxisme.

Le développement ultérieur devait montrer que les représentants de l’intelligentsia se sont placés du côté de la bureaucratie dirigeante devant la radicalisation croissante des travailleurs dans le Sud industriel de la RDA et ont régressé d’une force révolutionnaire sans enthousiasme à une force contre-révolutionnaire sans enthousiasme, pour autant qu’on puisse encore ici parler de force.

Le début

La vague de fuite d’août et septembre par Prague et la Hongrie vers la RFA était de par sa composition sociale un mouvement prolétarien, c’est à dire qu’il s’agissait en majorité de jeunes ouvriers et employés qui n’étaient plus prêts à vendre leur force de travail pour des bas salaires et des conditions de travail et de vie infra-humaines.

Déjà ici, à l’heure de la naissance de la Révolution, se profilait la division à venir entre l’intelligentsia et la classe ouvrière. Le NF critiquait les émigrants avec mépris dans son appel fondateur (« Le mouvement d’émigration est causé par la misère, la faim et l’oppression. Ce ne peut donc être notre discours. ») En même temps à Plauen, Dresde et dans les villes situées sur la voie ferrée empruntée par les trains d’émigrants de Tchécoslovaquie qui passent en RDA pour aller à l’ouest , il se produit de plus en plus de mouvements de solidarité avec les réfugiés. Un ouvrier de Plauen parle de « rencontre effrayante avec des hommes qui sont libres... Nous applaudissons, nous leur faisons signe..pourquoi ? Oui, nous avons le sentiment qu’ils y sont arrivés  » [9]

La vague d’émigration d’août fut aussi le signal du début du soulèvement intérieur. Le choc des images de l’occupation des ambassades par les fuyards de la RDA à Varsovie et Prague, qui avait fait faire un saut qualitatif à une majorité de gens. Le fil était cassé, la patience des gens était à bout.

« Les représentants de l’intelligentsia prétendent encore aujourd’hui que ce sont eux qui ont lutté pour la la liberté des autres. Le changement dans la composition des cortèges est perceptible..En octobre et début novembre, la scène alternative, les étudiants et les jeunes intellectuels ont donné le ton alors qu’en Décembre les jeunes travailleurs maîtrisent la situation dans la rue et mettent aussi d’autre revendications en valeurs » [10]

La réalité semble cependant différente.

Le 2 octobre 20 000 manifestants à Leipzig, le 7, 20 000 à Plauen, et le 9 octobre, 80 000 à Leipzig. La grosse majorité de ces manifestants n’étaient ni artistes ni écrivains, ni « alternatifs », mais de véritables travailleurs. Ni à Plauen ni à Leipzig, les étudiants ne jouèrent un rôle actif dans la formation du mouvement.

Le risque personnel que des milliers de jeunes travailleurs prennent à Dresde dans la nuit du 3 au 4 octobre, en livrant autour de la gare des affrontements de guerre civile avec les forces armées de l’État des heures durant n’était certainement pas plus faible que celui des auteurs des appels et manifestes à Berlin.

Il est seulement correct de dire que la direction politique du mouvement se trouvait début novembre dans les mains des groupes de droits civiques, surtout le NF, auquel en peu de semaines 200 000 personnes de toute la RDA ont adhéré par leur signature.

Les groupes de droits civiques désignaient les orateurs, donnaient le ton politique. Le moteur de leurs actions était le souci de l’indépendance de la RDA. (Nous nous engageons, au NF, parce que nous somme soucieux de la RDA... tract NF 1/10/89) La préoccupation principale était le maintien de l’indépendance de la RDA, pas le socialisme.) Dans les programmes et les discours des militants des droits civiques en automne 89, cette ligne ne s’exprime pas vraiment. La lutte pour un socialisme réformé prend dans une certaine mesure le rang de justification morale de l’indépendance.

Cela sevoit bien dans le fait que la grosse majorité des militants civiques « socialistes » se sont détournés du socialisme quand la perspective d’une réelle unification a pris forme pour de bon. Une partie du mouvement, les prêtres, et la fraction des juristes de « Démocratie maintenant ! », « Réveil démocratique » mais aussi des parties du NF sont passés drapeaux en tête dans le camp conservateur de Kohl.

Ils se s’assuraient ainsi de pouvoir continuer dans leur fonction sociale de serviteurs du pouvoir.

D’autres semblent se souvenir avec difficulté aujourd’hui de leurs mots d’ordre socialistes de l’automne 89. Ainsi Jens Reich écrivait dans Nachhhinein : « Nous n’aurions rien atteint (peut-être seulement Tien An Men) si nous avions d’abord parlé de dépasser le socialisme et la RDA » [11] La fidélité au socialisme et à la RDA n’auraient été que tactiques.

Effectivement, le souci du maintien de la RDA a fait que le mouvement des droits civiques a cherché à massifier la lutte et cherché le compromis avec l’appareil STASI-SED du pouvoir, plutôt que sa chute.

Le SED, qui a compris très rapidement cette faiblesse du mouvements des droits civiques, a continué encore en octobre une politique de dialogue avec eux et fait adhérer en masse des indicateurs de la STASI à leur organisation, pour que le mouvement s’oriente dans la voie d’une collaboration constructive avec les anciens dirigeants.

Ainsi se met progressivement en place un nouveau bloc de coopération entre bureaucratie et classes moyennes, SED et mouvement des droits civiques, qui en décembre, passe à la politique de la table ronde et aboutit à l’entrée au gouvernement fin janvier.

La grande manifestation du 4 novembre à Berlin fut le premier succès de ce nouveau cours du SED. Devant un demi-million de personnes, le chef-espion Markus Wolf et d’autres dirigeants du SED apparurent aux côtés des orateurs de l’Opposition.

Le mot d’ordre de l’Opposition à Berlin était : « SED tout seul, cela ne doit pas être ».

Deux jours plus tard, le chef régional du SED de Leipzig se vit refuser la parole devant des centaines de milliers de manifestants aux cris de : « SED, adieu ! » et « trop tard, trop tard ! », scandés par les masses..

La bataille suivante se déroula autour de la liberté de circulation et de voyager.

L’attitude des groupes des droits civique fut aussi ambiguë dans ce domaine. Après la manifestation autorisée du 4 novembre à Berlin, aucune avancée vers l’ouverture du Mur ne s’était produite. Cinq jours plus tard seulement, il fut emporté par les masses.

Le SED et le NF s’accordèrent sur de nouvelles réglementations de voyage, même si le NF exigeait des réglementations plus généreuses. Barbel Bohley demandait que la RFA reconnaisse la citoyenneté est-allemande plutôt qu’une liberté de circulation contrôlée, de façon à ce que les émigrants de la RDA ne puissent s’installer en RFA que comme demandeurs d’asile.

L’ouverture du mur

Le jour après l’ouverture du Mur Barbel Bohley critiquait l’ouverture du Mur « sans préparation, » et Jens Reich commentait : « C’était honnête, mais dévastateur du point de vue politique. Ce fut le point de rupture de notre courbe de popularité. » [12]

Un tract du groupe d’initiative Neues Forum sur la chute du Mur déplorait que « le peuple n’ait pas été plus consulté sur l’ouverture du Mur que sur sa construction ». C’est faux, car son ouverture s’est déroulée au contraire de la construction, à la suite d’une large et massive pression populaire.

L’ouverture du Mur eut pour conséquence que des millions allèrent à l’ouest et firent eux-même l’expérience des écarts de prospérité.

Barbel Bohley parle de « ruée consommatrice », l’écrivain Stefan Heym de « mercredi des Cendres en RDA ». Le peuple est vu comme « des hordes de furieux, se poussant les uns contre les autres, Hertie et Bilka se bousculant à la chasse à la camelote clinquante ». [13] L’écrivaine Monika Manon écrit que ce type de railleries montre « l’arrogance des ventres pleins » qui se scandalisent des manières de table des affamés.

Ces arguments critiques anti-consommation étaient largement partagés dans le mouvement d’opposition en RDA. Ils étaient liés en partie à une critique écologiquement fondée du « Konsumdenken » ouest-allemand.

Ainsi chez « Démocratie maintenant ! » « Le socialisme ne doit pas aller à sa perte parce que l’humanité menacée qui recherche des formes possibles de survie, une coexistence humaine alternative à la société de consommation occidentale en a besoin.... » Dans un tract du NF sur l’ouverture du Mur, on promet aux travailleurs la pauvreté dans la dignité : «  longtemps encore nous resterons pauvres, mais nous ne voulons pas avoir une société où trafiquants et escrocs prennent la crème. »

Les travailleurs se sont méfiés de ce socialisme de la pauvreté dans la dignité qui sortait de la bouche de prêtres et d’écrivains. Ils se méfiaient d’eux car ils savaient que quand ceux qui parlaient de pauvreté ne parlaient pas de la leur.

En Juin 90 lors de la réforme monétaire, on a su, au moment du change de l’épargne financière, que quatre millions d’épargnants (20%) possédaient 120 milliards de DM, (en moyenne 30 000 chacun) et 12 millions (80%) en possédaient 50 milliards (en moyenne 4166 par personne).

Les mises en garde contre les magouilles du capitalisme ne pouvaient pas les effrayer. Il y avait tous les jours des dénonciations au sujet des escrocs et des magouilleurs dans leur propre État, sous des mots d’ordre socialistes « prenaient la crème ».

Grève générale

Dans les premiers jours de décembre commence la lutte contre la STASI. Dans quelques villes comme Schmalkalden et Suhl se déroulent des occupations de masse des locaux de la STASI. Quand les masses, à Suhl, le 5 décembre font irruption dans les locaux de la STASI aux cris de « Sortez les cordes » et « embarquez tout ça ! », empêchent les hommes de garde d’utiliser leurs lacrymos, quand un officier effrayé se suicide avec son arme de service, les jours de la dictature sont comptés.

Les groupes de droits civiques lancent des appels à la non-violence et contre la haine, forment des chaînes humaines autour des centres de la STASI, pour protéger les dossiers de la destruction par la fureur populaire. Ce sont eux qui ont protégé l’appareil de la STASI de la destruction par les masses.
Dans les centres industriels du sud de la RDA, des pans des groupes de droits civiques passaient de plus en plus sous l’autorité des masses ouvrières.

Ainsi un représentant du NF de Leipzig fit un rapport à un congrès de la Gauche Unie à Berlin, disant qu’environ 30 groupes d’entreprise avaient rejoint le NF local.

Le 1er décembre, le conseil du NF du district méridional de Karl-Marx-Stadt lançait un ultimatum pour une grève générale le 6 décembre. L’appel venait de l’initiative de travailleurs qui s’étaient adressés au NF. Les exigences les plus importantes des travailleurs étaient la dissolution immédiate de la STASI, le retrait du SED des entreprises, et un référendum sur la réunification.

Barbel Bohley a rejeté immédiatement l’appel à la grève au nom du NF à Berlin. Aussitôt, une campagne médiatique se déchaîne contre l’appel à la grève. La Berliner Zeitung d’écrit l’appel comme monstrueux, parle d’aventurisme. Le deuxième président du SDP (plus tard SPD), Markus Meckel, s’oppose aussi à une grève générale. « Nous sommes aussi contre une grève générale totale parce qu’elle décomposera encore plus notre économie ». [14]

Malgré tout, le 6 décembre, à Plauen et dans les environs, plusieurs grandes entreprises débrayent deux heures à titre d’avertissement, pour un référendum sur la réunification,. Il y a aussi des grèves contre les manoeuvres de la STASI à Suhl, Rostock et dans ces villes, comme le dit Der Spiegel du 11 décembre 1989, « l’ambiance dans les usines était toujours explosive ».

Partout dans le pays se formaient des comités de citoyens pour surveiller la dissolution de la STASI. Les entreprises étaient prêtes à exempter de travail les membres des comités de droits civiques pour des missions définies. Les centrales policières locales furent fermées et sécurisées par un partenariat entre les groupes de droits civiques et le pouvoir d’État.

Table ronde

L’appareil de la STASI était affaibli mais en aucune façon brisé. Dans cette situation qui s’aggravait, le SED fit un recul tactique. Il cherchait une couverture politique par une coopération plus étroite avec les groupes de droits civiques.

Le 7 décembre, on en arriva à une « table ronde » entre les groupes de droits civiques et le pouvoir déjà bien affaibli de la bureaucratie. La table ronde devait être un organe de contrôle du gouvernement. Au lieu de cela, c’était un salon de bavardages qui donnait une nouvelle légitimation à un pouvoir affaibli.

Ainsi le « réformiste » Modrow a occupé la table ronde avec un rapport de six semaines sur la dissolution de la STASI. La seule décision concrète de la table ronde fut la date des élections générales pour mai 1990.

La table ronde s’est installée en tampon entre le pouvoir vieillissant et les travailleurs radicalisés. On a essayé de calmer l’ambiance offensive des rues et des usines de Leipzig. Le 4/12, le dirigeant du NF à Leipzig, Jürgen Tall, récolte un concert de sifflets de la part de 150 000 personnes pour sa demande de laisser à la maison les affiches exigeant la réunification. Le 13 décembre, les représentants des églises et des groupes de droits civiques de Leipzig proposent que la dernière manifestation du lundi avant Noël se déroule sans banderoles ni slogans et qu’il y ait une pause dans les manifs pendant la période de Noël et du Nouvel An. Continuer les manifs au Nouvel An dépendrait de «  la situation politique  ».

La situation semble se calmer suite à la pause dans les manifs. Aussitôt, le vieux pouvoir utilise la situation et la contre-révolution passe à l’offensive. Elle le fait sous le manteau idéologique de l’antifascisme.

Partout en RDA, dans les premiers jours de janvier, se déroulent des manifestations « antifascistes ». La plus forte, 250 000 personnes, se déroule à Berlin. Toute la manoeuvre sert à sauver de la dissolution l’appareil de la STASI. On a prétendument besoin d’un service de sécurité pour combattre les nazis.

La tentative du SED/PDS de décrire le mouvement des masses ouvrières pour la réunification comme faisant partie d’une conspiration fasciste a contribué à discréditer l’antifascisme aux yeux des jeunes travailleurs et agrandi en effet la marge de manoeuvre des groupes nazis dans la phase finale de la RDA

Le mensonge de la manoeuvre fut évident : les attaques néonazies contre la Gauche en 1988 à Berlin avaient été tolérées avec bienveillance par la STASI et la police. Le gouvernement Krenz avait encore en novembre suscité de façon ponctuelle la haine contre la Pologne en publiant une loi qui n’autorisait l’achat par les étrangers de certains biens de consommation rares que sur présentation du passeport et suggérait ainsi que les « acheteurs sauvages polonais » étaient coupables des goulots d’étranglement dans l’approvisionnement.

La manoeuvre du SED/PDS découverte, la colère des masses s’enflamma doublement. Le 15 janvier, survint la prise d’assaut de la centrale de la STASI, Normannenstrasse, à Berlin.

Sous la pression d ela base, le NF appela à des manifs anti-STASI partout en Allemagne.

Dans les premiers jours de janvier, l’idée de grève générale se retrouva dans l’air : partout dans le pays, les grèves se multipliaient. À Zwickau, fin janvier, les conducteurs de bus et de tram se mirent en grève pour l’augmentation des salaires et la dissolution de la STASI.

Fin janvier, le gouvernement Modrow se retrouvait au bord du gouffre.

« La direction du SED avait retenu du traumatisme du 17 juin qu’elle pouvait sde retrouver à la lanterne ». Ces mots de Katja Havemann dans le Spiegel du 9/10/89 prennent une signification actuelle.

Placée devant le choix entre la potence et Kohl, la classe bureaucratique fit le choix de se jeter dans les larges bras de Kohl. L’offensive ratée de janvier n’eut pour seule conséquence possible que Modrow dut se prononcer le 31 janvier pour « une seule patrie l’Allemagne ».

Ni Kohl, ni les industriels allemands rassemblés derrière lui n’avaient intérêt à ce que Modrow tombe avant les élections du 18 mars. Il devait faire son travail de syndic de faillite de la RDA, de telle sorte que la transition de pouvoir puisse s’effectuer avec le moins de troubles possibles.

Les partis du Bloc, CDU et LDPD cherchaient dans l’élection législative à venir une nouvelle base de légitimation. Le SED/PDS avait également besoin d’une attestation de transformation démocratique.

Avec l’entrée des groupes de droits civique dans le « gouvernement de responsabilité nationale  » début février, tout le monde était servi : Modrow et le PDS, et les partis retournés du Bloc, avant tout la CDU qui maintenant se présentait devant le peuple bras dessus bras dessous avec les démocrates. Des membres des groupes de droits civiques entrèrent même à la CDU, rebaptisée cependant comme « coalition électorale Alliance pour l’Allemagne  ».

Les serviteurs du pouvoir qui se présentaient pour un socialisme rénové de la RDA cherchaient aussi instinctivement en grand nombre la proximité du nouveau pouvoir qui maintenant viendrait s’établir en Allemagne de l’Est.

Les groupes de droits civiques ont légitimé leur entrée au gouvernement en disant qu’ainsi seulement, le pays serait préservé du chaos et les élections du 18 mars pourraient se tenir dans des conditions d’ordre.

Travailleurs

La classe ouvrière de la RDA voyait dans la réunification la seule façon d’améliorer ses conditions sociales. Ses soucis et ses besoins, ses intérêts de classe ne se retrouvaient pas dans les programmes des groupes des droits civiques, ou seulement, comme dans la « Böhlener Platform » de la Gauche Unie sous forme abstraite.

Dans les discours des écrivains et des intellectuels, le socialisme était toujours décrit comme « rêve » ou « utopie », par exemple dans le discours de Christa Wolf le 4 novembre « Imagine, c’est le socialisme et personne ne s’en va ».

Les travailleurs sentaient bien que dans ce socialisme des prêtres et des écrivains, ils n’avaient qu’un rôle passif.

L’outilleur Hans Teschnau dit devant un quart de million de gens de Leipzig qu’il avait enduré quarante ans de socialisme et qu’il n’avait pas envie de nouvelles variantes. « Plus d’expériences, nous ne sommes pas des cobayes ! »

Dans les conditions existantes de chute de l’économie et de banqueroute du « socialisme réel », une transition directe à un véritable socialisme par en bas n’était pas possible. Cela vaut pour toute l’Europe de l’Est et cela valait encore plus pour la RDA.

Après quarante ans, soixante ans en Russie, les travailleurs avaient été soumis à l’oppression la plus dure et à l’exploitation.

Au lieu d’insister à tout prix sur l’indépendance de la RDA, les socialistes auraient eu pour devoir de mettre en avant les véritables luttes ouvrières. Une grève générale contre la STASI et pour un référendum de réunification aurait été possible en début décembre.

Un gouvernement de transition révolutionnaire issu d’une grève générale aurait eu pour tâche de dissoudre totalement la STASI et l’ancien appareil du pouvoir et de négocier avec le gouvernement Kohl les conditions pour une réunification.

Cependant, au lieu de s’attaquer au pouvoir, les groupes de droits civiques ont négocié la date des élections à la Table Ronde !

Le choix préféré du 18 Mars a favorisé le vieux pouvoir bureaucratique et le nouveau pouvoir bourgeois de l’Ouest, avec leurs puissants groupes médiatiques et leurs machineries électorales bien huilées.

Le vieux pouvoir de la bureaucratie d’État n’était ainsi pas du tout seul, et pas seulement représenté par le SED/PDS. Dans la mesure où la défaite du « socialisme réel » se dessinait et où la réunification devenait inéluctable sous la pression violente des travailleurs, la Bureaucratie a changé d’attitude politiquement. Sur les 300 directeurs de combinats, il n’en restait début janvier que cinq au SED. On changeait la chemise, mais le corps restait le même. La CDU ne reconnaissait plus le SED comme parti dirigeant.

Il ne s’agissait plus pour la bureaucratie que de sauver le plus possible de ses privilèges dans la nouvelle Allemagne réunifiée. Les partis du Bloc, CDU et LDPD se présentaient à la pointe du mouvement d’unité et gagnèrent ainsi la majorité des travailleurs...

La gauche, le SPD compris, ne voyait dans le mouvement d’unification que le futur danger d’un nouveau nationalisme allemand et non pas les aspirations de la classe la plus inférieure de la RDA à une vie meilleure. Dans leurs programmes et leurs professions de foi, il écrivaient que l’unité, si elle venait, devrait se faire plutôt lentement.

Le SPD qui d’après les enquêtes sur les manifestations du lundi de Leipzig en Décembre, n’était pas contesté dans sa direction perdit ainsi sa base naturelle chez les ouvriers de Saxe et de Thuringe, qui allèrent vers la CDU.

L’escamotage de la question du pouvoir au jour de l’élection conduisit à ce que le vieux pouvoir était toujours aux commandes du pouvoir, maintenant sous la forme des partis devenus antisocialistes du Bloc, CDU et LDPD (FDP).

Ce n’était pas un hasard si à leur tête il y avait De Maizière, un collaborateur de la STASI.

Jürgen Habermas écrivait en novembre 1989 : « L’alternative n’est pas "deux États" ou "annexion", mais une orientation sans réserve vers une démocratisation radicale, que ceux qui subissent les conséquences puissent décider  ». [15]

Cette démocratisation radicale ne s’est pas produite, le vieil appareil d’État de la bureaucratie était affaibli, mais pas détruit complètement. Il restait intact, suffisamment pour pouvoir conduire et orienter dans son sens le processus de réunification.

Sans l’aide de l’intelligentsia sous la forme du mouvement des droits civiques, la bureaucratie n’aurait probablement pas atteint la rive salvatrice du 18 mars, qui donna à ce qui restait de son pouvoir une base de légitimation.

Toutefois, le mérite historique des masses ouvrières anonymes reste d’avoir fait tomber la dictature bureaucratique. La révolution n’ a pas seulement amené la réunification des classes dirigeantes, elle a aussi réunifié la classe ouvrière. La lutte continue !

P.-S.

Texte original traduit par Yannalan.

Voir en ligne : « Klassenkämpfe in der Revolution 1989 », Sozialismus von unten, n°2 Novembre/Décembre 1994

Notes

[1Préface d’Engels au 18 Brumaire de Napoléon Bonaparte de Karl Marx

[2Sozialgeschichte der DDR, hersg. von H. Kaelble ..., S.346f. (non disponible en français)

[318 Brumaire de L.N Bonaparte, Marx

[4G.Haufe, K.Bruckmeier (Hrsg), Die Bürgerbewegungen in der DDR und in den ostdeutschen Ländern, Opladen 1993, S.46 (non dispo en français)

[5Jens Reich, Rückkehr nach Europa, 1991, S.182 (non dispo en français)

[6Hartmut Zwar, Die DDR auf dem Höhepunkt der Staatskrise 1989, in Sozialgeschichte der DDR, herausgegeben von H.Kaelble, J. Kocka, H.Zwahr.

[7Der Spiegel, 40/1989.

[8Ibidem., S.182

[9Es war das Volk. Die Wende in Plauen. Eine Dokumentation, Plauen 1991, S.118 (non dispo en français)

[10H.Bahrmann, Ch.Links, Chronik der Wende, Berlin 1994, S.188 (non dispo en français)

[11Jens Reich, Op.cit., S.139

[12Jens Reich, Op. cit.., S.201.

[13Der Spiegel, Nr.49/1989.

[14Bahrmann, Links, Chronik der Wende, S.175 (non dispo en français).

[15Jürgen Habermas, Die nachholende Revolution, Frankfurt 1990, S.157


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