Che Guevara : quelle actualité ?

par Antoine Boulangé

5 octobre 2009

Che Guevara est resté, 40 ans après sa mort, un symbole de la résistance sans concession au système capitaliste. Son effigie s’affiche sur des tee-shirts, aussi bien chez les manifestants antiguerre aux USA qu’au Liban ou en Palestine. Chavez, un des principaux leaders anti-impérialistes, n’hésite pas à afficher sa filiation avec le combat du Che. Il reste un de ceux qui n’a pas trahi ses idéaux, qui n’a jamais « retourné sa veste », alors qu’on ne peut pas dire que la fidélité aux idéaux de justice sociale soit ce qui caractérise la gauche actuelle. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui, afin de retrouver une boussole stratégique pour changer le monde, on retourne aux idées de militants qui n’ont eu de cesse de se battre pour la révolution. Car il est clair que nous n’allons pas vers des années de paisibles réformes sociales mais au contraire vers une intensification et une multiplication des conflits inter-impérialistes à l’échelle de la planète et vers des affrontements de classes à l’intérieur des plus grandes puissances industrielles et militaires. D’une certaine manière, le Che a trouvé des héritiers aussi bien au Moyen-orient, où la guérilla a fait de l’Irak un nouveau Vietnam pour les Etats Unis, mais également dans les banlieues françaises au cours du plus vaste mouvement de révolte urbaine depuis les années 1960 aux USA, où des milliers de jeunes n’ont pas hésité, cocktails molotov à la main, à affronter les milliers de CRS venus « pacifier » les quartiers au nom d’une loi, l’État de siège, héritée de la guerre d’Algérie.

Olivier Besancenot et Michael Löwy viennent de publier « Che Guevara, une braise qui brûle encore ». On ne peut que soutenir une démarche défendant l’idée que la fin du communisme « officiel », avec la chute de mur de Berlin en 1989, doit nous permettre de redécouvrir et reconstruire un projet communiste qui vise réellement à l’émancipation de l’être humain. Si Guevara est resté une telle figure, c’est qu’il a incarné dès le début des années 1960 une voie alternative au stalinisme. Il est un de ceux qui ont tenté de refondre le marxisme en rompant avec Moscou, à une époque où le stalinisme était très puissant (donc très différente de la nôtre…).

Ce livre a le mérite de repartir des débats stratégiques posés lors de la grande vague anticapitaliste et anti-impérialiste, qui se traduira en « France » par la guerre d’Algérie et Mai 68. Il permet de poser la question de changer le monde d’un point de vue révolutionnaire, socialiste. On peut cependant regretter que le choix de ne traiter que certains thèmes, les «  idéaux de Che Guevara », selon les mots de Michael Löwy, ne permette pas de dégager les limites de la stratégie du Che, et laisse des questions fondamentales en suspens. Certes, il est précisé que «  Ernesto ‘Che’ Guevara n’était ni un saint, ni un surhomme, ni un chef infaillible : il était un homme comme un autre, avec ses forces et ses faiblesses, ses lucidités et ses aveuglements, ses erreurs et ses maladresses », mais à la fin du livre, on retient seulement le côté « héroïque » indéniable du Che.

D’autant que la sortie du livre n’est pas sans importance. Les auteurs font le choix de faire de Guevara une figure « clé » de notre tradition, en l’opposant à Trotsky. Au moment où la LCR s’engage dans la construction d’un nouveau parti, dont certains dans la ligue voudraient qu’il soit « mi-guévariste, mi-libertaire », nous souhaitons, avec ce dossier, engager un débat qui permette de redéfinir un certain nombre d’idées qui ne sont pas clairement définies, des concepts qui peuvent devenir abstraits comme l’anti-impérialisme, la question du socialisme, le pouvoir… Ce dossier ne peut être exhaustif, vu l’ampleur du sujet. Nous avons donc choisi de partir de quelques points qui nous semblent clé pour comprendre la stratégie du Che.

Le premier aspect soulevé par l’ouvrage est d’une actualité brûlante puisqu’il s’agit de définir une stratégie contre l’impérialisme. Plus que jamais, «  il faut un, deux, trois Vietnam, une multitude de Vietnam ». Mais avec quelle stratégie ? On ne peut éviter de discuter de la stratégie guévariste du « foco » (« foyer »). La question n’est pas militaire mais politique. En effet, les moyens étant indissociables de la fin, la stratégie guevariste mène en pratique, comme on le verra, au substitutisme, c’est à dire une stratégie fondamentalement élitiste.

Le second porte sur la nature socialiste de la révolution cubaine. Comme le disent les auteurs, « la propriété c’est le pouvoir ». Effectivement, mais propriété d’État n’équivaut pas à socialisme car qui possède l’Etat ? Or, s’il existe un problème fondamental dans la révolution cubaine, c’est bien l’absence de pouvoir des travailleurs, organisé par en bas. Quel est en fait le sujet, l’acteur central du processus révolutionnaire ? Cette seconde partie sera publiée dans le prochain numéro de la revue, ainsi qu’une conclusion sur Guevara et l’État. Même incomplet, nous vous invitons à réagir à ce dossier et à envoyer vos contributions pour le prochain numéro de « Que faire ? ».

Dans ce numéro, une analyse des stratégies de lutte contre l’impérialisme à travers les combats et les conceptions du Che ouvre ce dossier. Dans l’article suivant, la théorie de la révolution permanente de Trotsky est interrogée à la lumière de la révolution cubaine. Dans une perspective plus actuelle, il s’agit ensuite d’analyser les rapports contradictoires entre les dynamiques substitutistes et la véritable auto-organisation ouvrière dans les processus en cours au Venezuela. Enfin, en conclusion de ce dossier, la question du double pouvoir est reposée à partir des expériences passées et récentes.


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