Éditorial

par Dominique Angelini

6 septembre 2009

Sortir le numéro 1 de notre revue trois semaines après le référendum n’est pas des plus faciles. Parce que les sujets traités ne sont pas nécessairement dans l’actualité la plus chaude et c’est normal quand notre objectif est de mener des débats en profondeur sur le long terme. En même temps, difficile d’ignorer ce qui s’est passé, encore plus quand c’est aussi enthousiasmant ! Car malgré les difficultés auxquelles nous devrons faire face les perspectives sont ouvertes et l’enjeu de l’émergence d’une nouvelle gauche est posé.

Avec 55 % de non et 70 % de participation, le résultat du référendum est un désaveu cinglant pour Chirac. Malgré tout, cela n’a pas enrayé sa politique libérale, directement inspirée des patrons du Medef. Dirigé par l’improbable tandem Villepin/Sarkozy, le gouvernement issu de cette nouvelle crise dispose de quelques mois pour faire passer de nouvelles attaques. Après la privatisation de GDF, la suite de la liquidation d’EDF et même la mise sur le marché de participations de l’Etat dans les sociétés d’autoroutes... annoncées dès le 30 mai, c’est au tour du code du travail d’être dans la ligne de mire. Le débat parlementaire n’aura pas lieu, puisque Villepin a décidé de légiférer par ordonnances pendant l’été, écartant ainsi toute velléité de contestation y compris par l’UDF qui vient de refuser de lui voter la confiance sur son discours de politique générale.

Crise de la gauche

À gauche, les tensions sont fortes. La direction du PS, loin de faire profil bas, vient d’exclure Fabius et d’autres partisans du non de sa direction nationale. Hollande choisit ainsi de recentrer le parti sur les électeurs du oui, saisissant l’occasion d’évincer l’aile gauche du PS durablement. Pariant sur le fait que les défenseurs du non ne prendront pas le risque de quitter « la maison », cette attitude permettra au PS de terminer son tournant vers le social-libéralisme. Une autre conséquence est de ne pas permettre au PC de profiter de sa victoire en pesant davantage dans le rapport de forces. Cette stratégie si elle conforte la position du PS face aux patrons et celle de Hollande dans le PS, pourrait avoir des conséquences importantes sur les électeurs. La majorité des membres et sympathisants socialistes, pourraient se détourner non seulement du PS mais de la politique, s’ils pensent que les dirigeants méprisent leur opinion et si les Fabius, Emmanuelli, Mélenchon... se rangent à la discipline de parti pour arriver en rangs serrés aux élections de 2007.

La crise dans la gauche est donc profonde. Les appels de Marie George Buffet aux tenants du oui, n’ont pas suffi à la direction du PS. Pour le PCF, la possibilité de négocier avec le PS sur la base du non s’éloigne. La direction du PCF se trouve paradoxalement dans une position inconfortable. Renforcé par la victoire du NON, le PCF retrouve une vigueur qu’il avait perdue avec la direction de Hue. Il ne peut prendre le risque de décevoir les milliers de gens pour qui il a été le fer de lance de la bataille. Mais le déni du PS l’oblige à prendre une position difficile.

Situation instable

L’alternative devient donc baisser la tête en acceptant d’oublier le 29 ou devenir indépendant en s’appuyant sur la gauche du non. Les débats au sein du parti font rage. Entre les huistes, discrets pendant la campagne mais qui pèseront de tout leur poids pour ne pas se couper du PS et ceux qui ont fait la campagne et qui veulent continuer, la bataille n’est pas gagnée.

Dans cette situation où le PCF pourrait basculer d’un côté ou de l’autre, l’attitude de la LCR pourrait faire la différence. Nous devons faire pression à tous les niveaux pour convaincre une partie des militants et des sympathisants du PC que l’alternative ne se trouve pas dans un nouveau marché de dupes avec le PS mais dans la construction avec tous ceux qui ont participé à la campagne contre la constitution européenne d’une alternative sur la base du non.

Pour la LCR, la situation est ouverte. La campagne pour le non a été un véritable bol d’air après les défaites électorales de 2004 qui avaient démoralisé un grand nombre de militants. Tout au long de cette campagne, la popularité de nos idées et d’Olivier Besancenot, n’ont cessé que croître. Le millier de collectifs qui s’est constitué pour mener et gagner cette campagne, reste mobilisé et est prêt à aller plus loin. Les réunions qui ont suivi le 29 mai ont vu la participation de plus de monde que pendant la campagne elle-même.

Le 25 juin prochain la réunion des collectifs sera une étape particulièrement importante pour l’avenir.

Regroupement à gauche

Les conditions sont réunies pour un regroupement à gauche. L’aspiration à l’unité et la volonté de peser dans la vie politique sont probablement les caractéristiques majeures de cette campagne. Les milliers de gens qui se sont mobilisés restent à l’écoute de ce que nous avons à leur proposer. Ils ne comprendraient pas que chacun se remette à prêcher pour sa chapelle.

En outre, le référendum constitue un véritable vote de classe avec une majorité d’ou vriers et d’employés qui ont voté non. Et le regroupement à gauche doit se faire sur la ligne de fracture que constitue ce vote. La seule gauche qui peut représenter une alter native au monde dans lequel nous vivons est celle qui émergera de cette mobilisation. Pour autant, la voie du regroupement n’est pas un boulevard sans aucun obstacle où il suffirait de s’engager pour entraîner derrière nous tout le non de gauche.

Ainsi, il ne faut pas sous-estimer les diffi cultés auxquelles nous serons confrontés.
L’occasion de fonder une nouvelle gauche se heurte aux résistances identitaires des différentes organisations. C’est vrai pour le PCF, pour ceux du PS qui ont défendu le non, mais également pour notre organisation. Comme l’ont montré les votes très partagés lors de la DN des 4 et 5 juin, les suites à donner au référendum, sont loin de faire l’unanimité.
Dans cette situation, il ne s’agit pas de décréter une nouvelle force contre les mili tants de la LCR, du PC, voire d’Attac. Mais il nous faut la construire à travers les débats et les mobilisations. En nous appuyant sur les membres des collectifs les plus mobilisés.

Dans cette bataille, notre attitude sera déterminante. Nous devons agir de manière unitaire et défendre nos idées. Depuis le référendum, la ligue a recommencé à attirer de nouveaux et d’anciens militants. Et quoi qu’il arrive, et même si nous ne parvenons pas à transformer cet essai vers une nouvel le force, nous devons envisager la situation comme un processus à construire. Les mili tants que nous convaincrons sur cette base seront bien plus aptes à reprendre la bataille. A condition que nous n’oubliions pas que nous voulons également construire un parti révolutionnaire qui défende les idées marxistes. C’est sur cette base que nous constituerons un pôle révolutionnaire dans la nouvelle gauche.

Que faire ?

Six mois déjà que nous présentions le n°0 de notre revue trimestrielle... toutes les imperfections de ce n°0 n’ont pas été réso lues dans le n°1. Le retard dans sa réalisa tion, notamment, est le signe de la difficulté à élaborer collectivement nos analyses en nous appuyant sur la réalité de notre activité militante quotidienne. Néanmoins le bon accueil du numéro précédent et l’attente qui existe pour celui-ci nous confortent dans l’idée que cette revue a une place dans l’or ganisation.

Ainsi, les questions de regroupement ren dent encore plus vitale la détermination de ce que doit être notre organisation. C’est pourquoi nous avons choisi de publier une traduction légèrement réduite d’un article de Chris Harman écrit pour International Socialism avant le dernier Forum social européen. Il y analyse les différentes tendances poli tiques qui se confrontent dans le mouvement anticapitaliste et défend l’idée que les révolu tionnaires ont le devoir de s’impliquer dans le débat pour y défendre leurs positions. Ce n’est qu’à cette condition que le mouvement n’ira pas dans le mur.

La nouvelle force et la manière de la construire sont au coeur de la contribution des camarades du courant Avanti ! qui réagissent à certains articles de notre numéro 0.
L’analyse du Manifeste de la LCR que fait Emmanuel Eydoux, est une approche qui permet de prendre la mesure de ses forces et de ses limites, notamment sur la question de l’Etat et de son rôle.

Il est parfois difficile de mener certains débats au moment où ils sont le plus d’actua lité. Ainsi, les questions du racisme, de l’islamophobie ou des Indigènes de la République ont provoqué dans la LCR de nombreux débats. Nous espérons que les articles qui se trouvent dans ce n°1 permet tront de les enrichir avec un peu de recul. En effet, si ce sujet n’est pas sur le devant de la scène aujourd’hui, nous savons que la ques tion du racisme restera une question clé dans les mois qui viennent. Les déclarations de Sarkozy concernant l’immigration sont nous l’ont rappelé encore récemment.

Comme le développe l’article de Jean-Louis Marchetti, que nous publions cette question doit être reliée avec l’internationalisme aujourd’hui, d’autant plus que nous sommes dans un pays doté d’une lourde histoire coloniale.


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  • lcr-lagauche.be

    Le site web de la LCR Belge contient de nombreux articles de théorie marxiste très intéressants.

  • marxists.org

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