Parti et mouvement

Illusions et dangers de l’autonomie du mouvement

par Denis Godard

14 octobre 2009

Il semble parfois qu’il n’y aurait rien de plus important à défendre aujourd’hui que l’autonomie des différents fronts de lutte vis-à-vis de la lutte de classe et l’autonomie du mouvement vis-à-vis des partis.

Alors qu’un processus de luttes de masse se développe depuis maintenant plus de dix ans, combinant de nombreux types de luttes et touchant centralement les luttes de travailleurs [1], exigeant le combat pour des perspectives et une stratégie révolutionnaire, cette position doit être contestée car elle pèsera dans la période à venir comme un obstacle au développement du mouvement et à la perspective de construction d’un parti anticapitaliste de masse.

Cette idée trouve en partie son ancrage dans l’expérience d’une période où le mouvement ouvrier était dominé par des partis communistes et socio-démocrates qui utilisaient leur hégémonie sur le mouvement ouvrier pour le détourner de toute perspective révolutionnaire. En réaction à cette hégémonie les groupes révolutionnaires étaient poussés à y chercher des substituts, substituant au rôle de la classe ouvrière le rôle de mouvements dits d’avant-garde (les étudiants, les luttes des opprimés...) et substituant à la nécessité d’un parti révolutionnaire de masse celle d’un petit groupe volontariste.

L’échec de la poussée des années 1970 a conduit à un reflux idéologique dans la gauche qui a combiné certains éléments de cet héritage (l’abandon du rôle central de la classe ouvrière dans un processus révolutionnaire - quand ce n’était pas l’abandon de toute perspective révolutionnaire) et une défiance de principe contre le rôle de tout parti au sein du/des mouvements.

Cet article n’a pas la prétention de régler en détails la question complexe des liens entre parti et mouvement mais de proposer des bases pour l’approfondir.

Maximiser la mobilisation

Dans chaque lutte, quelque soit son objet, les révolutionnaires se battent pour maximiser le potentiel de mobilisation et favoriser l’implication active de celles et ceux qui s’engagent dans la bataille.

Nous ne renions pas les actions spectaculaires qui ne peuvent impliquer qu’une minorité déterminée quand ces actions sont conçues pour permettre une mobilisation plus large. L’occupation d’American Express à Paris par une centaine de militant-e-s d’Agir Contre la Guerre en avril 2003 ne visait pas à substituer une action coup de poing aux manifestations de masse. Son objectif, outre de rappeler que l’opposition à la guerre était toujours vivante, quelques semaines après l’offensive US en Irak, était de rendre public l’appel à une manifestation unitaire le samedi suivant.

Mais nous argumenterons toujours plutôt pour un rassemblement public de rue plutôt qu’une action ’commando’, une manifestation plutôt qu’un rassemblement, si le potentiel existe, une grève plutôt qu’une motion syndicale.

Lors du mouvement des étudiants contre le CPE (puis contre la LRU) la question des blocages a suscité un débat. De la part de ceux et celles qui soutenaient les attaques du gouvernement, l’opposition à toute forme d’action était évidente. Mais le débat existait au sein même du mouvement. De la part de ceux qui étaient en faveur du blocage les arguments n’étaient pas toujours satisfaisants parce qu’ils/elles posaient cette question sur une base de principe : la grève est le moyen de lutte et, pour les étudiants, faire grève passe par le blocage de l’université. La meilleure manière de poser le problème était plutôt de savoir quelle forme de mobilisation permettait de convaincre et d’entraîner le plus d’étudiant-e-s et de personnels. Dans le cas du CPE, le blocage des facs s’est avéré un fantastique levier parce qu’une proportion importante d’étudiant-e-s avaient été convaincu-e-s les semaines précédentes par un intense travail d’explication de la nécessité de se mobiliser. Les blocages permettaient alors de lever les hésitations de ceux et celles qui subissaient (plus fortement) la pression (par ailleurs compréhensible) d’aller en cours. Dans le cas du LRU, il y a quelques mois, il s’est avéré qu’en l’absence du même travail de préparation, c’est l’impatience d’une minorité radicalisée dans la lutte contre le CPE qui a mené à utiliser la forme blocage comme raccourci échouant alors à entraîner les indécis-es dans le mouvement.

Cet exemple illustre à quel point la nécessité de maximiser la mobilisation est un guide mais en aucun cas une recette. Dans la réalité il est souvent difficile de trancher de manière définitive. Dans ce domaine l’expérience peut-être un atout. Mais en dernier ressort le test réel est dans la pratique à condition d’être prêts à rectifier rapidement une tactique qui ne fonctionne pas, à utiliser ces tests pour améliorer l’estimation que nous faisons de la réalité.

La démocratie fondée sur l’action

Nous nous battons pour que les débats sur la tactique et les objectifs du mouvement soient menés au sein du mouvement lui-même, et non simplement dans des cercles restreints.

Le mouvement lui-même est un puissant facteur contre la passivité qui domine en temps normal parmi les jeunes et les travailleurs. Si l’impulsion de départ est souvent donnée par des militants syndicaux ou politiques, le mouvement entraîne des individus qui, jusque là n’étaient pas organisés. Cette composante permet par ailleurs de combattre les routines et les conservatismes qui peuvent continuer de peser sur les militants organisés alors que le mouvement a créé une situation nouvelle.

La mise en place de structures propres au mouvement (assemblées, comités de grève...) est essentielle pour impliquer largement dans les débats, unir sur la base du mouvement lui-même et refléter sa réalité.

Cependant, là aussi, la réalité impose de ne pas concevoir cette nécessité de la démocratie comme un schéma plaqué sur le mouvement...

Il faut convaincre de la nécessité, pour le mouvement lui-même, de la mise en place de structures démocratiques. Ce n’est pas automatique (et pas seulement du fait de manœuvres de la part de directions bureaucratiques). L’idéologie dominante et l’expérience quotidienne de millions de travailleurs les poussent à penser qu’ils/elles ne sont pas capables et à déléguer en permanence, et de manière passive, la défense de leurs intérêts à des élus, des délégués syndicaux, des experts... Le mouvement est lui-même une base pour mettre au test ces ’dirigeants’ et pour donner confiance aux individus en leurs propres capacités de jugement et d’initiative.

Proclamer, souvent au nom du principe de l’autonomie du mouvement, des structures ’démocratiques’, peut amener à substituer une direction à une autre sans avoir convaincu de ses aptitudes, de sa nécessité. Dépourvue de réel appui et de légitimité politique dans le mouvement, cette nouvelle ’direction’ risque fort d’être incapable de le ’diriger’, c’est-à-dire de le faire avancer.

Ensuite cette bataille pour mener les débats au sein du mouvement suppose elle-même l’implication la plus active de ses acteurs. Le pouvoir de ceux et celles qui sont, par définition, sans pouvoir réel réside dans leur capacité à perturber l’ordre capitaliste, dans la rue et de manière beaucoup plus efficace par la grève. C’est cette mobilisation réelle (et non les proclamations) ou, parfois sa menace (encore faut-il que la classe dirigeante estime que la menace est réelle) qui est effective. L’implication la plus large des acteurs et actrices d’une lutte est donc une nécessité incontournable pour l’efficacité du mouvement. Mais elle joue un autre rôle. Hors de cette implication, la majorité des acteurs et des actrices d’une lutte ont toute chance de rester extérieurs aux débats du mouvement monopolisé alors par les ’spécialistes’.

Lors du mouvement de grève de décembre 1995 j’étais allé au centre de tri occupé de la gare Saint-Lazare. A ma grande surprise je n’y avais trouvé que les délégués des différents syndicats. Ils m’avaient expliqué qu’ils avaient conseillé aux salariés de rester chez eux (les transports étaient en grève). Tenus à l’écart du processus, des questions pour généraliser le mouvement (de nombreux bureaux de poste de l’arrondissement n’étaient pas en grève), il est évident que ces salariés ont repris le boulot lorsque les directions syndicales en ont décidé ainsi.

C’est une tradition dans le mouvement ouvrier que lors d’une grève, les assemblées soient ouvertes à tous les travailleurs mais que seul-e-s les grévistes votent. Cette tradition n’est pas une règle imposée hors de l’expérience des travailleurs. Elle en est le produit. Dans certains cas elle peut se perdre et nécessiter de refaire l’expérience pour convaincre et reconstruire cette tradition. Je me souviens ainsi d’une amie enseignante, sans aucune tradition militante, qui au début d’une grève dans son collège du 93 il y a quelques années défendait le droit des non-grévistes de participer aux décisions. Après 10 jours de grève elle avait changé de position faisant le constat que cette position ne permettait ni de donner confiance aux grévistes ni de convaincre ceux et celles qui ne l’étaient pas.

L’expérience d’une minorité militante peut permettre de raccourcir les stades de développement de la conscience, elle est irremplaçable pour fournir une alternative face aux obstacles mais, en aucun cas, elle ne peut remplacer l’appropriation individuelle et collective de l’expérience passée et présente des luttes de notre classe.

Une pratique fondée dans la théorie

Ces axes pour développer le mouvement ne sont pas des recettes fondées sur des principes abstraits. Ils sont fondés sur une théorie de l’histoire et de la transformation sociale synthétisée dans la phrase de Marx sans doute la plus connue « l’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ». Ce n’est pas par l’action d’un parti, pas par l’État, pas, plus généralement, par l’action d’une minorité mais par l’activité consciente d’une majorité des travailleurs que le capitalisme pourra être renversé.

Pour justifier cette position l’insistance est souvent mise sur le pouvoir des travailleurs. Face au pouvoir de la classe dirigeante, les travailleurs ont collectivement un pouvoir potentiel sans équivalent : après tout ce sont les travailleurs qui produisent tout ce qui fait fonctionner la société (y compris les moyens de répression).

Mais l’autre aspect crucial de l’affaire est souvent moins pris en compte ou en tous cas sans en tirer toutes les conclusions. Les traditions stalinienne et social-démocrate ont développé une vision mécanique des choses considérant la classe ouvrière comme un simple objet, un moyen de pression sur les patrons ou l’État, eux-mêmes s’occupant sur cette base de négocier.

Marx n’envisage pas la classe ouvrière comme un objet de l’histoire mais comme le sujet central d’une transformation révolutionnaire de la société. Le processus de développement des luttes n’est pas seulement nécessaire pour transformer les structures sociales il est aussi indispensable pour changer les structures mentales des travailleurs eux-mêmes.

Combattant l’idée d’une simple manipulation des consciences par l’idéologie dominante, Bourdieu a décrit en détail l’incorporation (au sens y compris physique du terme) chez les opprimés des conditions sociales, des structures de domination qui concourent à leur reproduction [2].

Mais l’opposition de Bourdieu au marxisme l’empêche de voir comment les contradictions de classe créent en permanence (de manière plus ou moins globale et explosive) des conflits qui ouvrent des contradictions dans la conscience des travailleurs entre les idées qu’ils/elles ont incorporées et l’expérience née de la lutte. Plus la crise créée par ces conflits est importante, plus le mouvement touche un nombre important des secteurs de la société et plus les transformations sont susceptibles d’être importantes dans la conscience des travailleurs [3].

Centralité de la lutte de classe

Mais cette théorie a une autre conséquence pour l’intervention des révolutionnaires dans le mouvement. La vision dominante conduit à considérer les différents champs sociaux comme des champs largement indépendants. Cela a des conséquence sur la politique menée dans les mouvements. Le réformisme, qui prône une transformation graduelle de la société, ne nie pas forcément la réalité de la lutte de classe mais il reflète l’idée dominante d’une séparation entre les luttes économiques (luttes pour les salaires, les conditions de travail..) qui seraient le domaine de l’entreprise et du syndicat et les luttes politiques menées par le parti dans le cadre des institutions. Dans ce cadre les mobilisations sont, au mieux, considérées comme un appui, le moyen essentiel étant l’élection de représentants du parti dans les institutions.

Cette vision, classique dans l’histoire des partis socio-démocrates, s’accommode par ailleurs fort bien d’y ajouter un troisième champ appelé, étrangement d’ailleurs, mouvement social, domaine réservé d’associations spécifiques, séparé des luttes économiques et politiques.
Il y a une réalité des différentes formes de la domination et des spécificités à chacune d’elles, spécificités qui ont une histoire et donc une évolution. Elles ne sont pas de simples constructions idéologiques qu’il suffirait de dévoiler. Le sexisme n’est pas qu’affaire de préjugés, il est un rapport social. A ce titre il affecte concrètement les femmes, affectant aussi bien leurs conditions de vie que leur confiance. Il n’est pas porté seulement par toute une logique sociale, il est transmis par le comportement individuel de la majorité des hommes. Il en va de même du racisme et de toute forme d’oppression.

Pour autant nous repoussons toutes les analyses qui font des différentes oppressions des rapports sociaux indépendants de la division de la société en classes [4]. Les oppressions font partie intégrante des structures permettant le maintien et la reproduction des rapports d’exploitation. Elles évoluent historiquement en relation avec les évolutions du mode de production.

Cela nous oppose au principe d’une autonomie des mouvements de lutte contre l’oppression vis-à-vis de la lutte de classe, position qui a des conséquences dans la stratégie que nous défendons dans ces luttes :

- Ces fronts ne sont pas secondaires, ils font partie intégrante de la lutte contre le capitalisme.

- Nous ne transigeons pas sur les revendications susceptibles de diviser le mouvement sur des lignes de classe (comme par exemple la revendication de l’augmentation des salaires des femmes sans baisse des salaires des hommes ou le développement des services publics de la petite enfance et de la vieillesse plutôt que les chèques-emploi ou le salaire maternel).

- Nous ne faisons pas que combattre l’autonomie des mouvements contre le racisme ou le sexisme vis-à-vis des organisations syndicales (et inversement), nous nous battons (dans le mouvement contre l’oppression comme au sein de nos syndicats) pour leur implication dans ces luttes.

Ce combat, qui n’est jamais un préalable à la lutte contre l’oppression mais en fait partie prenante, est crucial pour cette lutte elle-même. D’abord parce que le pouvoir collectif des travailleurs est un pouvoir objectif que n’a aucun mouvement contre l’oppression. Et ensuite parce que la centralité du rôle révolutionnaire des travailleurs, en tant que classe, vient du fait que le pouvoir potentiel dont ils disposent à travers la grève (voire de la prise du contrôle de la production) ne peut s’exercer que collectivement. Seul un travailleur n’a aucun pouvoir. Son pouvoir potentiel dépend de sa capacité à s’unir avec les autres travailleurs quelque soit leur genre, leur sexe, leur nationalité, la couleur de leur peau...

Mais c’est aussi un combat crucial pour la classe ouvrière. D’une part parce que les divisions en son sein sont un obstacle à toute lutte. Mais aussi parce que c’est à travers ces luttes, extérieures au cadre des rapports de production, que peut se développer une conscience politique de classe. « Pour réaliser l’unité entre travailleurs blancs et noirs, le travailleur blanc doit aller vers les travailleurs noirs et faire plus de la moitié du chemin. Pour réaliser l’unité entre travailleurs hommes et femmes, le travailleur homme doit faire un détour pour prouver qu’il n’est pas du côté des oppresseurs. Lénine a exprimé cela de façon très simple en 1902. Il a écrit que lorsque les travailleurs se mettent en grève pour des augmentations de salaires ils sont des syndicalistes ; ce n’est que lorsqu’ils font grève pour protester contre les violences faites aux Juifs ou aux étudiants qu’ils sont véritablement socialistes. » [5]

Pas de mouvement sans lutte des partis

Les mouvements de lutte ne sont pas des mouvements autonomes de la société dans laquelle ils se développent, c’est-à-dire des idées qui y dominent, de l’ensemble des rapports sociaux qui la façonnent et des organisations qui la structurent. Aucun mouvement de lutte, quelque soit son objet, n’est donc vierge d’analyses et de stratégies. Il est plutôt le résultat dynamique de la confrontation entre différentes analyses et stratégies, qu’elles soient conscientes ou non, organisées ouvertement ou pas. Nier cela c’est nier la réalité du mouvement.

Ces différentes analyses et stratégies, peuvent, temporairement converger ou du moins ne pas se contredire, mais elles ne se valent pas. Certaines conduisent le mouvement à la marginalisation. Certaines le canalisent dans des limites acceptables par le système. Exclure les partis du mouvement c’est comme briser le thermomètre (de l’évolution des idées au sein du mouvement), cela évite de connaître la température mais n’a aucun impact sur elle.
Dans ses premières phases (et tant qu’un processus révolutionnaire réel n’est pas engagé cela reste au moins partiellement le cas) les idées qui dominent dans un mouvement continuent d’être fondamentalement les idées de la classe dominante. Accepter l’autonomie du mouvement vis-à-vis des partis signifie de fait une abdication devant la domination de ces idées et en définitive des partis qui les reflètent. Le principe de l’autonomie vis-à-vis des partis se retourne donc paradoxalement en une impuissance devant la domination des partis réformistes. Ce n’est pas l’exclusion des partis que nous devons soutenir mais la possibilité d’expression et de représentation de ceux et celles qui construisent le mouvement et l’élection en assemblées générales (et la possibilité de révocation) de toutes les instances de coordination et de direction.

Même si le mouvement est la base du développement d’une conscience révolutionnaire, celle-ci ne se développe pas de manière ni homogène, ni totale. D’une part parce que quelle que soit l’ampleur d’un mouvement il touche à des degrés et des rythmes divers les différents secteurs de la société. D’autre part parce qu’une hétérogénéité importante préexiste au mouvement. C’est cette hétérogénéité qui explique la nécessité de réunir au sein d’un parti ceux et celles qui se battent, au sein des différents mouvements, pour une stratégie capable d’unir tous les travailleurs [6]. C’est dans ce cadre qu’ils/elles peuvent commencer à forger et offrir une direction alternative aux directions traditionnelles [7].

La conception fondamentale que nous défendons des liens entre parti et mouvement n’est pas celle de l’enseignant à l’enseigné, ni celle du chef et du soldat. C’est celle du dialogue permanent :

Le parti, par conséquent, n’invente pas des tactiques à partir de rien, mais pose comme son premier devoir d’apprendre des expériences du mouvement de masse et de généraliser en se basant sur elles. Les grands événements de l’histoire de la classe ouvrière ont suffisamment démontré cela pour qu’il ne reste aucune place pour le doute. Les travailleurs de Paris, en 1871, ont mis en place une nouvelle forme d’État – un État sans armée permanente et sans bureaucratie, dans lequel tous les fonctionnaires percevaient le salaire moyen d’un ouvrier, avec la possibilité de révoquer à tout moment les représentants, etc., avant que Marx ne commence à généraliser sur la nature et la structure d’un État ouvrier. A nouveau, les travailleurs de Pétrograd, en 1905, mettaient en place un soviet indépendamment du parti bolchevik, en fait en opposition avec la direction bolchevique et face, au minimum, à de la suspicion, sinon de l’animosité, de la part de Lénine lui-même. Dès lors on ne peut qu’être d’accord avec Rosa Luxemburg, qui écrivait en 1904 :
Les principales caractéristiques de la tactique de lutte de la social démocratie [qui se revendiquait à l’époque du marxisme et de la révolution socialiste - DG] et ne sont pas « inventées » mais sont le résultat d’une série continue de grandes actions créatives de la lutte des classes élémentaire. Ici aussi l’inconscient précède le conscient, la logique du processus historique objectif vient avant la logique subjective de celui qui la porte.
Le rôle des marxistes est de généraliser l’expérience vivante, en pleine évolution, de la lutte des classes, de donner une expression consciente à la poussée instinctive de la classe ouvrière vers la réorganisation de la société sur des bases socialistes. [8]

Notes

[2Voir le livre très utile de Charlotte Nordman Bourdieu/Rancière La politique entre sociologie et philosophie, Éditions Amsterdam, Paris 2006.

[3Les «  commémorations  » de Mai 68 sont l’occasion d’illustrer cela. Deux livres classiques sont précieux aussi dans ce domaine, celui de John Reed Dix jours qui ébranlèrent le monde (sur la révolution russe) et celui d’Orwell Hommage à la Catalogne (sur la révolution espagnole).

[4Pour poser ces débats, présenter les différentes théories et recenser l’état des connaissances, il faut absolument lire le dernier livre de Roland Pfefferkorn, Inégalités et rapports sociaux - Rapports de classes, rapports de sexes. Tout en argumentant dans le sens d’une articulation entre les différents types de rapports sociaux dans une logique systémique, il reste cependant dans le cadre général d’une autonomie entre ces différents types de rapports plutôt que d’intégrer les rapports d’oppression dans le cadre plus large des rapports de classe.

[5Tony Cliff, Marxisme et oppression. Cliff fait ici référence à la brochure Que faire  ? écrite par Lénine qui est une contribution essentielle dans la réflexion qui nous occupe ici.

[6C’est d’ailleurs ce qui rend problématique les définitions du NPA comme débouché politique des luttes ou correspondant des luttes, qui définit un champ politique extérieur aux luttes. Bien meilleur est le parallèle parfois utilisé par Olivier Besancenot avec le délégué syndical en parlant de délégué politique.

[7Pour une présentation de ce que peut signifier ce lien entre direction et classe, comment la classe sélectionne sa direction voir Léon Trotsky, Classe, parti et direction.

[8Tony Cliff, Trotsky et le substitutisme. Par ailleurs lire aussi le texte de Duncan Hallas, Vers un parti socialiste révolutionnaire.


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Liens

  • npa2009.org

    Site web du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).

  • contretemps.eu

    Revue indépendante d’analyse stratégique anticapitaliste.

  • inprecor

    Actualité politique internationale de la revue Inprecor sous reponsabilité de la Quatrième internationale.

  • isj.org.uk

    International Socialism, Revue mensuelle théorique du Socialist Worker Party.

  • lcr-lagauche.be

    Le site web de la LCR Belge contient de nombreux articles de théorie marxiste très intéressants.

  • marxists.org

    Base de données de référence pour les textes marxistes.

  • npa-formation.org

    Le site de la commission nationale formation du NPA.


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