Éditorial

Comment le NPA peut- il changer la donne ?

par Leila Soula, Rodolphe Juge

5 septembre 2009

Le NPA est né en pleine tourmente, une tourmente totalement en adéquation avec les raisons de sa fondation. Tourmente de la crise du capitalisme qui exige des perspectives anticapitalistes. Tourmente d’une séquence qui a vu la possibilité d’une lutte générale avec des millions de grévistes et de manifestant-e-s lors des journées d’action du 29 janvier, du 19 mars et du 1er mai, des grèves dures contre les plans de licenciement dans le secteur privé tandis que le secteur public était en lutte (enseignement supérieur, hôpitaux, EDF...). Tourmente d’une gauche en crise alors que se profilaient les élections européennes.

Pourtant, en apparence du moins, les attentes que cristallise le NPA, sa capacité à changer la donne ne se sont pas immédiatement réalisées.

Les directions syndicales ont encore réussi à paralyser le développement des luttes, le point d’orgue étant les manifestations du 1er mai auxquelles aucune suite n’a été donnée, laissant chaque secteur en lutte isolé.

Dans des élections désormais déconnectées de cette perspective de lutte, la crise de la social-démocratie a été confirmée mais sans que cela ne se traduise par une poussée significative du NPA ou de la gauche radicale.

Les résultats de cette séquence ne font que réactiver tous les débats, dans le NPA comme dans toute la gauche radicale, questionnant les attentes suscitées par notre fondation et nourrissant sur des bases plus concrètes que jamais les débats sur la stratégie à construire.

Plus que jamais ils veulent nous faire payer la crise

En France comme dans le monde, la crise économique s’accentue et met à nu la réalité du capitalisme.

Dans notre camp social, chacun d’entre nous en subit les conséquences directes ou indirectes. Les plans de licenciements s’enchaînent à un rythme soutenu. En France, on a atteint le sinistre record de 3 000 licenciements par jour depuis le mois de janvier. Les services publics subissent des attaques sur tous les fronts (autonomie des universités, loi Bachelot pour les hôpitaux, suppressions de postes à l’éducation nationale etc..). Le système capitaliste doit, pour se maintenir, générer des violences sociales et politiques en stigmatisant les étrangers (politique d’expulsions massives), les jeunes des quartiers populaires (loi sur les bandes, peines de prisons lourdes suite aux émeutes), le mouvement anti-guerre (répression des manifs anti-Otan), les mouvements sociaux (répression policière des rassemblements à coups de flash-bail et peines judiciaires pour les syndicalistes). Tout est mis en œuvre par les classes dirigeantes pour étouffer les contestations, anticipant de nouvelles explosions sociales. Lors des mobilisations des salariés contre les plans de licenciements, les patrons préfèrent l’autisme aux négociations, ce qui accentue l’effet de rouleau compresseur du capitalisme sur nos vies. Ce rouleau compresseur aurait pu créer une forme de fatalisme d’autant plus que les dirigeants de droite n’ont pas subi la claque électorale annoncée. Alors que la défaite des directions réformistes et le score des anti-capitalistes ne semblent pas montrer d’alternative politique.

Pourtant notre camp social résiste et résiste bien même. Si la généralisation des luttes a été paralysée, le mouvement n’a pas subi de défaite frontale. A l’exemple des Continental les luttes les plus déterminées sont celles qui obtiennent les meilleurs résultats. Le mois de juillet, pourtant peu propice aux mobilisations, a vu se multiplier des luttes au caractère dur chez Michelin, Nortel, SKF, JLG, New Fabris ou Simmons tandis que l’occupation d’un « ministère pour la régularisation de tous les sans-papiers » à Paris montre qu’il est possible de redonner des perspectives offensives à la lutte des sans-papiers.

Mais il n’y a pas de saut qualitatif qui renverse le rapport de force

Les questions restent donc plus que jamais ouvertes. Pourquoi le rapport de force ne se renverse pas ? Pourquoi un saut qualitatif n’a pas été franchi ?

Beaucoup de travailleurs attendaient que les confédérations syndicales soient à la hauteur des coups violents infligés mais aussi à la hauteur de la radicalisation des réponses que les salariés apportaient. Même les quelques journées espacées ont été largement suivies et soutenues. Les confédérations n’ont pas voulu faire converger les luttes ni développer les liens de solidarité, n’appelant pas à la généralisation de peur de perdre le contrôle.

Le Front de gauche a refusé de donner une direction conséquente dans ces luttes, laissant le champ du social aux directions syndicales et se contentant de ne proposer aux travailleurs que le bulletin de vote des élections européennes. La paralysie du mouvement rendait abstraite la perspective tracée par le NPA d’une généralisation des luttes comme point d’appui pour une Europe anticapitaliste. C’est en masse que les jeunes et les travailleurs se sont désintéressés de cette élection.

Clarifier

L’expérience des derniers mois pousse du coup le NPA à clarifier son orientation. Elle montre qu’il n’y aura pas de raccourci. La contestation légitime des directions syndicales ne peut se substituer à un travail coordonné visant non seulement à construire et renforcer les syndicats existants mais aussi à structurer les plus combatifs en leur sein. La crise ne fait pas naître mécaniquement une conscience révolutionnaire chez ceux et celles qui résistent. La colère contre les conséquences de la logique capitaliste continue de cohabiter, chez une très grosse majorité de nos collègues, de nos amis, de nos voisins avec l’idée qu’on ne peut pas faire plus qu’éviter le pire, que ce qu’il faudrait ce sont de bons dirigeants, vraiment à gauche, pour diriger autrement les institutions, etc. Bref l’idée que nous, collectivement, ne sommes pas vraiment capables de prendre toutes nos affaires en main. Cette idée ne peut reculer, à une échelle de masse en tous cas, qu’au travers des expériences même partielles d’un pouvoir collectif mis en œuvre dans et par les luttes.

C’est pourquoi l’unité d’action, y compris quand c’est possible avec les réformistes organisés, est nécessaire. Elle permet d’implanter des réflexes d’organisation et d’actions collectives. Il s’agit donc de construire un parti capable de combiner la prise d’initiatives en vue d’impulser la résistance la plus large sur des questions précises avec une détermination dans l’action pour faire face aux reculs des directions réformistes. Les tests menés par le NPA, comme l’organisation du contre-sommet de l’OTAN, la mobilisation pour la régularisation des sans-papiers et dans la construction d’une campagne de boycott d’Israël, notre implication dans les manifestations, ont donné des exemples de cette méthode d’intervention qu’il s’agit désormais de généraliser.

De la résistance à la riposte

Mais le NPA doit aussi construire, au sein de ces résistances, la perspective d’une riposte et les bases d’une autre logique à opposer au capitalisme. Le caractère de classe des attaques actuelles dévoile le rôle des institutions au service de la classe dirigeante. Dans le combat d’aujourd’hui, il est important que notre camp social développe la construction de ses propres institutions à travers des assemblées de quartiers, des assemblées de travailleurs et d’autres types de cadres à imaginer. Les militants peuvent œuvrer en ce sens en impulsant des pratiques d’auto-organisation sur les différents lieux d’activité Dans une telle période de confrontation, l’émergence de formes d’institutions alternatives peut commencer à poser la question du pouvoir sur d’autres bases, donnant à voir et à expérimenter le potentiel d’un pouvoir exercé par les travailleurs eux-mêmes. Le NPA devrait être en capacité de jouer un rôle moteur dans ce processus. La combinaison d’une activité syndicale conséquente, de classe, avec l’expérimentation de l’auto-organisation à de plus larges échelles doit lancer une dynamique qui permette aux mouvements de revendiquer le contrôle démocratique de l’ensemble des champs de la société (production, services publics, vie de quartier, etc.). C’est pour cela que dans cette revue nous avons développé des analyses du syndicalisme, de l’expérience du LKP en Guadeloupe et l’exemple des conseils ouvriers.

Pour commencer à changer la donne

Les campagnes des derniers mois ont commence à initier la formation de traditions communes pour les camarades du NPA. De même, notre première campagne électorale a été un test collectif pour les militants, certes avec des limites. Même si nous n’avons pas connu une percée électorale, la clarté de notre profil a été positive dans le processus de construction des bases du NPA. En effet, notre orientation a été de combiner la mise en avant de revendications anticapitalistes, le rôle des luttes de masse comme centre de gravité dans la construction d’une société alternative et la question de institutions avec comme discriminant le refus de s’allier au social-libéralisme.

Il s’agit maintenant de tirer des bilans collectifs de ces expériences pour développer à la foi l’homogénéisation du NPA, ses fondements et de stratégies pour les interventions à venir.

Nous savons que le programme du NPA n’est pas un projet de société clef en main. Plus que jamais il s’agit de rester ouvert à l’émergence de nouvelles directions pour que le NPA soit le creuset où les anticapitalistes s’organisent, débattent et testent les stratégies pour révolutionner la société.


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    Site web du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).

  • contretemps.eu

    Revue indépendante d’analyse stratégique anticapitaliste.

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    Actualité politique internationale de la revue Inprecor sous reponsabilité de la Quatrième internationale.

  • isj.org.uk

    International Socialism, Revue mensuelle théorique du Socialist Worker Party.

  • lcr-lagauche.be

    Le site web de la LCR Belge contient de nombreux articles de théorie marxiste très intéressants.

  • marxists.org

    Base de données de référence pour les textes marxistes.

  • npa-formation.org

    Le site de la commission nationale formation du NPA.


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