Mélanges stratégiques

par Samy Joshua

24 septembre 2009

Cet article a été publié dans le Courrier de DN de la LCR du 18 septembre 2006.

Le présent texte s’intègre dans le débat stratégique qui alimente les débats de l’organisation depuis quelques semestres. Critique Communiste en fait état, ainsi qu’une série d’autres productions ou textes internes.

Il s’agit ici d’une contribution sur une partie des questions en débat, liées entre elles, bien qu’ayant chacune une certaine spécificité. Cette contribution part de commentaires sur les préoccupations des camarades qui défendent la nécessité pour la LCR d’inscrire son action dans le cadre général de la construction d’un « parti révolutionnaire », s’étend à quelques considérations stratégiques sans lesquelles ce débat perd son sens, avant de revenir sur la question de « la nouvelle force anticapitaliste ».

A/ Quel genre de parti pour quelle révolution ?

Il y a un premier débat devenu classique avec les camarades pour qui une bonne partie de nos problèmes serait résolue si nous convenions que, révolutionnaires, nous devons lutter pour un « parti révolutionnaire ». On leur objecte avec une certaine logique que si on ne sait pas quelle sera la figure de la révolution à venir, comment pourrait-on définir a priori le type de parti qui y correspond le mieux ? Objection tellement évidente que ce serait faire injure à ces camarades de ne pas la saisir. Corollaire : on peut sans grand risque parier que la réponse qu’ils y apportent est le refus du point de départ du raisonnement. Et que, peut-être, cette révolution à venir leur est connue, sans aucune fausse piste. J’y reviens ci-après. Mais il y a une seconde question qu’en général on ne souligne pas assez, c’est la mise en discussion d’une affirmation qui a la force d’un allant de soi : « pas de révolution sans parti révolutionnaire ». Or elle est rien moins qu’évidente. Je commence par ce point.

Pas de révolution sans parti ?

Le problème se manifeste dès que, classiquement, on voit utiliser la formule au singulier (« le parti révolutionnaire »), espèce unique répertoriée dans les tables de la loi. Or l’analyse des révolutions réelles du siècle écoulé montre qu’agissent des « partis révolutionnaires » extrêmement divers. Certes, dans chaque révolution sont en mouvement des groupes d’hommes et de femmes qui agissent consciemment en vue de la destruction du système politique en place. Jusque là on peut sans que cela fasse avancer d’un seul millimètre admettre la formule « pas de révolution sans parti ». Mais la deuxième constatation est que malgré l’extraordinaire diversité de ces partis (qui renvoie à la diversité des révolutions évidemment), jamais depuis la période révolutionnaire qui a suivi la révolution d’octobre 17 des partis « comme le nôtre » (je reviens ci-après sur cette formule) n’ont été en situation de diriger une seule de ces révolutions. Un retour sérieux sur les questions stratégiques ne peut pas faire l’impasse sur cette évidence et se doit au contraire d’en faire le problème crucial.

Un parti révolutionnaire « de masse »

Est-ce une question de programme ? Certainement pas ! On peut même défendre que des « partis comme les nôtres » ont eu et ont encore des « programmes » plus adaptés à une rupture révolutionnaire que tant d’autres qui ont conduit réellement des révolutions. On peut toujours faire mieux en matière de programme, mais le fond du problème n’est pas là. Il est dans la rémanence de l’influence de la formule célèbre de Trotski selon laquelle « la crise de l’Humanité se résume à la crise de sa direction révolutionnaire ». C’est le premier débat à clarifier. Si cette formule avait un sens aujourd’hui, on comprendrait alors la logique : un groupe déterminé, doté du bon programme, prépare la jonction avec le mouvement de masse au moment où c’est possible, c’est-à-dire lors de la crise révolutionnaire. Sans aucun procès d’intention, on a du mal à se défaire de l’idée que c’est bien ce qui est sous-jacent à tant de défenses de la nécessité « du parti révolutionnaire » comme espèce dûment déposée. En dépit d’un siècle d’expériences !

Or cette « jonction » s’est révélée impossible, et ceci pour des raisons plus matérielles qu’idéologiques. Un parti sans influence peut être aussi révolutionnaire qu’il veut : il ne servira à rien dans la révolution effective s’il ne dispose pas de relais de masse suffisants. Il faut donc un parti révolutionnaire de masse. Souvent l’idée qui découle d’une très mauvaise analyse d’octobre 17 est que le défaut d’implantation peut se surmonter dans le cours même de la révolution. C’est en partie vrai bien entendu. Il ne peut y avoir de parti révolutionnaire « majoritaire » dans une période qui ne l’est pas, révolutionnaire, et c’est bien l’accélération des conflits de classe qui permet possiblement un changement de statut. Mais tout le bilan du dernier siècle montre qu’une trop grande faiblesse initiale est irrattrapable dans le cours même du processus révolutionnaire. Les exemples abondent de tels cas, dans des situations révolutionnaires ou prérévolutionnaires (France en 36, en 45, en 68, Portugal en 75, Argentine hier, etc.) Quand je parle de « partis comme les nôtres », c’est cela qu’il faut entendre : des groupes trop faibles, indépendamment de la justesse de leur politique, pour influer vraiment sur le cours des choses (le seul cas d’espèce à discuter qui sort de ce cadre est celui du POUM en Espagne, peut-être du MIR chilien). Quand des camarades insistent sur le fait qu’il faut « un parti révolutionnaire » sans discuter comment il pourrait être d’influence suffisante (« de masse »), ils parlent pour régler leur compte à de supposés opportunistes dans nos rangs. Toujours bon à prendre. Mais il ne font pas avancer d’un pouce le problème à résoudre.

Mais comment donc nous diront-ils ? Bien sûr qu’il faut un parti « de masse » ! Justement : donnons-nous du temps, évitons de papillonner à tort et à travers, creusons le sillon avec ténacité et construisons brique après brique. Cela vaudrait toujours mieux que des révolutionnaires bien enfouis dans des organisations « larges », de masse certainement mais réformistes tout aussi sûrement, au seul profit de ces derniers en définitive. Mais si c’était si simple, comment se fait-il qu’en un siècle la question n’ait été résolue nulle part pour des « partis comme les nôtres » ? Que l’on trouve des myriades de groupes plus « solides » et « révolutionnaires » les uns que les autres, mais inutiles en définitive aux moments cruciaux ? Ces camarades s’étonnent avec raison de la difficulté à faire citer la nécessité d’un « parti révolutionnaire » dans nos textes de référence, mais ils devraient commencer par interroger le contenu de ces termes et leurs propres rapports à eux à ce contenu. Dans un texte à la DN Construire la LCR, ni comme une fin en soi… ni par défaut »), Olivier Besancenot soulignait avec raison cette chose simple mais capitale : à la source de nos difficultés et de nos divergences répétées, il y a le fait que nous sommes des révolutionnaires sans horizon révolutionnaire immédiat. C’est effectivement l’essentiel du problème, et il serait bon de centrer nos débats là dessus. Mais il faudrait que lui et ses camarades poussent le raisonnement plus loin. La difficulté de construire un parti révolutionnaire à base de masse fait partie de la même contradiction de fond qui ne se laisse pas ramener à de simples choix d’implantation et de fonctionnement, même si ceux-ci ont leur importance. C’est une tension permanente entre des pôles presque antagoniques.

Les figures de la révolution

On peut penser y échapper en gagnant de l’influence pour, patiemment, « préparer la révolution » à venir. Mais cela suppose inévitablement que cette révolution se présente comme une promesse claire même si elle ne doit se réaliser que dans le futur. Le problème principal dans ce cas est que la révolution est imprévisible pour l’essentiel. Ou du moins une seule prévision est certaine : c’est celle qui annonce que la révolution future ne ressemblera pas aux révolutions du passé. Il ne s’agit pas ici de sacrifier aux délices de « la nouveauté », inévitablement tellement plus belle. Mais de comprendre que la révolution découle toujours de conditions spécifiques, complexes et globales, nationales et internationales. La nature de toute révolution en général est pourtant bien de remplacer un système de domination par un autre. Inévitablement, cela suppose le passage par une phase de « double pouvoir », où s’affrontent deux légitimités incompatibles, phase dont l’issue est un dénouement brutal de l’épreuve de force. Toute révolution « d’en bas » (pas seulement la révolution prolétarienne) est de ce type (que l’on songe à la Grande Révolution, mais aussi aux effondrements plus récents des dictatures staliniennes). La différence est que la révolution prolétarienne ne peut être que « d’en bas », alors que les révolutions bourgeoises peuvent être aussi « d’en haut » (sans « double pouvoir »). Cela étant acté, la figure de la dite révolution, elle, est une création de chaque cas d’espèces.

D’une manière sous jacente à ce débat sur « le parti révolutionnaire », il n’est pas impossible qu’il y ait au contraire l’idée que l’on saurait à peu près à quoi se préparer, et, par exemple, que dans un pays comme le nôtre, la figure de la révolution sera celle de la grève générale insurrectionnelle. On ne peut bien entendu pas exclure cette possibilité. Mais force est de constater qu’aucune révolution victorieuse n’a pris cette forme « pure ». Et pas seulement, ni principalement « parce qu’il manquait un parti révolutionnaire ». Il y a dans ce débat deux niveaux bien distincts à discuter. Le premier est celui où la grève insurrectionnelle est prise comme un exemple ou un modèle d’une question plus vaste, celle qui voit la révolution comme une phase particulière d’une « guerre de mouvement » (selon la formule de Gramsci), autrement dit un moment concentré dans le temps où la confrontation est à son paroxysme. À ce niveau, on peut effectivement avancer que toutes les expériences révolutionnaires (réussies comme celle de 17, ou portées à une étape majeure de la confrontation) montrent que, dans des pays comme les nôtres à forte densité prolétarienne, cette étape « concentrée » est inévitable. Ce qui s’oppose aussi bien à d’autres options stratégiques révolutionnaires (celle de la « guerre prolongée » chinoise par exemple) qu’à des options réformistes même « radicales » (addition de réformes « profondes » étalées dans le temps, encerclement ou pire « ignorance » du pouvoir central, etc.). Mais il y a un autre niveau de débat qui porte sur l’adhésion trop étroite à la forme exacte de la grève insurrectionnelle. Certes il est difficile d’imaginer une insurrection se dérouler alors qu’une partie majoritaire du prolétariat vaque tranquillement à son travail… La mobilisation exige d’évidence un état exceptionnel où la grève est un minimum. Mais la grève de masse insurrectionnelle n’est qu’un exemple, rare, de réalisation réussie de la confrontation. Elle ne fut pas décisive au moment précis d’octobre 17 ! De plus – et c’est ce point qui est capital ici, elle n’intervient jamais seule. La victoire castriste en 59 (issue d’un autre « modèle » comme on le sait) s’accompagne d’une grève des villes, mais ce n’est qu’un ingrédient dans un ensemble.

On peut même aller plus loin. La grève insurrectionnelle « pure » est irrémédiablement liée à l’échec de la révolution. Parce que toute confrontation « classe contre classe », bloc contre bloc avec deux camps solides sur leurs bases est vouée à l’échec. Les exemples historiques abondent en ce sens ! Si la bourgeoisie dispose d’une unité de classe serrée, d’une fermeté idéologique, de l’ensemble de son dispositif répressif, la défaite est certaine. Il faut pour qu’il en soit autrement qu’elle soit divisée, que son appareil de répression soit paralysé au moins en partie, qu’elle soit affaiblie, contestée publiquement, dévalorisée ; que l’incertitude gagne ses rangs ou au moins ceux de ses alliés (couches intermédiaires, couches supérieures du salariat). Il en est souvent ainsi quand ce sont les catégories politiquement extrêmes de la droite qui prennent l’initiative d’un coup d’État, et dans ce cas la résistance populaire peut utilement prendre la forme de la grève générale défensive. Mais c’est la défense qui prédomine. Si celle-ci est couronnée de succès, les conditions d’une offensive peuvent être données. Mais dans les deux cas, c’est parce qu’alors on peut présupposer une certaine division de la bourgeoisie et de ses alliés.

D’une certaine manière, on peut même avancer que c’est « d’en haut » que le processus commence. Il n’y a pas de possibilité révolutionnaire si ceux d’en haut ne sont pas, affaiblis indépendamment à la limite du combat d’en bas. C’est ce que dit Lénine dans des phrases d’une immense portée stratégique. Il n’y a pas dit-il de révolution sans « grande question nationale », qui traverse les classes et les divisent. Les prototypes connus sont la guerre entre impérialistes, les luttes de libération nationale ou au moins l’existence d’une résistance à un impérialisme dominant, la chute d’une dictature ou la résistance à un coup fasciste. D’autres sont imaginables (une catastrophe écologique majeure par exemple, une crise économique qui toucherait le coeur du système), et nous surprendrons probablement. C’est cette « grande question nationale » qui ouvre et fonde une période révolutionnaire et peut déboucher sur « une guerre de mouvement ». Donc, c’est imprévisible sur le moyen terme : il faut que « ceux d’en bas » ne veuillent plus vivre comme avant et que « ceux d’en haut » ne puissent plus le faire. Seule l’histoire réelle décide des cas où il en est ainsi.

Plus précisément il faut distinguer dans ce débat « les orbites » et « les trajectoires ». Une planète du système solaire se déplace (en première approximation) sur une orbite stable, répétée, prévisible. Pour passer d’une planète à une autre un projectile humain suit une trajectoire donnée. Une infinité de trajectoires est possible pour relier deux orbites. La mécanique rationnelle donne les moyens de calculer laquelle est la plus courte. Mais rien de tel en politique ! Dans ce cas aussi pourtant il existe des constantes (des « orbites »). En l’occurrence le dénouement par la force de l’incompatibilité de deux « droits » incompatibles appuyés sur des « pouvoirs » opposés ; l’existence d’une dialectique entre réformes et révolution (dont la démarche transitoire et celles de front unique sont des exemples). Mais c’est en nombre limité. Les trajectoires effectivement suivies par une révolution sont fantasques, font du surplace ou accélèrent brutalement. Elles ne se répètent jamais d’une révolution à une autre et il n’existe aucune théorie pour les prévoir.

Si l’on revient à la « grève insurrectionnelle » il faut se garder encore d’un autre effet d’optique, peut-être le plus dérangeant dans le débat qui nous occupe. Croire que l’on se « prépare à la grève insurrectionnelle » par le « mouvement d’ensemble », par la grève générale interprofessionnelle, est très sujet à caution. Entre les deux situations, il y a une solution de continuité, ce sont deux niveaux qui n’ont aucun rapport direct. Nous luttons pour « un mouvement d’ensemble » parce que nous luttons en permanence pour unir le prolétariat, et que cette union ne se construit vraiment que dans la mobilisation. Amélioration du rapport de forces entre classes, progression de la conscience de classe, école de l’auto-organisation : on peut espérer tout ceci de la grève généralisée. Et donc l’amélioration des conditions générales dans lesquelles le prolétariat aborderait une éventuelle future situation révolutionnaire. Mais il ne faut pas confondre la forme (la grève de masse) avec le contenu. Dans le cadre même de la réflexion en termes de « guerre de mouvement », la situation révolutionnaire est inévitablement spécifique (ou, si l’on veut, est un concentré d’une multitude d’éléments, où les expériences de grève de masse antérieures ne sont qu’un aspect, parfois secondaire).

On peut encore aller un peu plus loin dans la critique de l’interprétation trop littérale du choix stratégique de la « grève insurrectionnelle ». Dans des pays de vieille tradition de démocratie bourgeoise comme le nôtre, on peut parier qu’une situation révolutionnaire mêlerait aspects électoraux et mobilisations extra-parlementaires. Ces dernières mêmes sont variées (il y a de bonnes indications que la grève de masse n’est qu’une de ces formes, certainement la plus productive, mais qui ne doit pas conduire à ignorer les nouveautés, comme le rôle récent des « blocages » et des manifestations de rue, en France, mais aussi en Argentine, des occupations de centre-ville dans le cas des mouvements à l’Est de l’Europe). Enfin, cela signifie que la forme du double pouvoir est elle-même à peu près imprévisible, même si, comme je l’ai dit plus haut, l’existence de ce double pouvoir est le signe général et la condition d’une révolution : quelle aurait été l’efficacité de la « forme soviétique » en Russie sans les « soviets de soldats », eux-mêmes dépendants du cours de la guerre inter-impérialiste ?

Pour aujourd’hui ou pour demain ?

Ceci invalide à nouveau toute stratégie de construction d’un « parti révolutionnaire » en terme de « creuser le sillon », lequel sillon conduirait en droite ligne à une révolution pré-définie. Cela signifie qu’à la contradiction principale qui consiste à construire un projet révolutionnaire de masse dans une situation qui ne l’est pas, s’ajoute alors un autre problème encore. C’est qu’il faut s’attaquer à cette contradiction alors que l’un de ses termes (la révolution) est tout sauf clair, sauf dans des principes extrêmement généraux.
De ceci il découle que le combat d’un parti révolutionnaire ne peut pas être dominé par la « préparation » d’un avenir dont on ne connaît rien ou presque. Faire de ce « but » inexistant une condition de ce qu’est « être révolutionnaire » est donc impossible. « Préparer la révolution » c’est pour aujourd’hui, pas pour demain.

Dans ce sens (et tant que « la crise nationale » n’est pas présente, et encore moins mûre), la « préparation » de l’épreuve de force a certes plusieurs versants (rapports de force courants entre les classes, niveaux d’organisation, accumulation d’expériences, confiance en soi), mais un niveau en général négligé à tort à mes yeux est le niveau directement idéologique. Toute révolution est précédée d’un travail de délégitimation de la société (c’est le cas y compris de la révolution de 89, précédée du grand mouvement des Lumières). C’est aussi dans la délégitimation de la société actuelle que nous exerçons un rôle de « préparation ». C’est l’élément le plus constant, appuyé bien entendu matériellement sur l’amélioration du rapport de force de classe, organisationnel, etc.

Dans ces conditions, être révolutionnaire ce n’est pas « préparer » concrètement une révolution dont on ne sait rien de précis sur ses conditions de déroulement. C’est travailler à la croissance d’un camp opposé au système en place dans tous ses aspects (exploitation comme oppressions), un camp « irréconciliable », appuyé sur les grands principes d’une alternative socialiste (lesquels sans verser dans l’utopie sont plus accessibles que la définition de la figure de la révolution à venir).

Guerre de position et guerre de mouvement

Ce combat « contre-sociétal » (qui donc mélange les aspects idéologiques et organisationnels) est le versant principal de la « guerre de position » selon le terme de Gramsci. C’est ce qui donne le sens précis du concept « d’hégémonie » qu’il avance appuyé de plus sur la fonction centrale qu’il donne à l’instance politique (le parti, pas l’État) comme ciment de l’ensemble. Ce concept cherche la possibilité de tenir compte des spécificités du combat révolutionnaire dans les pays à forte présence du prolétariat et à forte tradition démocratique bourgeoise. On peut ajouter à ces caractéristiques la question plus délicate qui est la nôtre d’être des « révolutionnaires sans révolution », qui nous place qu’on le veuille ou non de fait dans une « guerre de position ». Même s’il demande à être repris, discuté, critiqué, ce concept fournit un cadre général qui, quand on se limite à l’aspect « contre-sociétal » et à la lutte pour « l’hégémonie », ne pose pas de problème stratégique majeur. Mais l’autre versant de la même « guerre de position » est la présence dans les institutions même de la bourgeoisie, en particulier ses institutions étatiques. Cet aspect est relativement peu présent chez Gramsci, ce qui n’est guère étonnant quand on se souvient que toute son élaboration est contemporaine de la dictature Mussolinienne, qui laissait peu de place à un quelconque jeu dans les institutions. Mais on sait bien que plusieurs courants réformistes (en particulier en Italie) ont prolongé cette référence pour justifier d’une collaboration prolongée dans les institutions bourgeoises.
Cependant il n’y a pas là qu’une perversion de la pensée gramscienne. La question « institutionnelle » se pose aussi. Elle nous est devenue peu à peu étrangère, sans qu’il soit facile de faire la part dans cette situation de ce qui relève de choix stratégiques et de ce qui relève de notre petitesse, de notre marginalité et de combinaisons de tout ceci avec les effets de tel ou tel système électoral.

Or cette question est directement liée à celle de la construction d’un parti à implantation de masse. Hors période révolutionnaire, il est impossible d’avoir un parti populaire de masse (ou quelque chose qui s’en rapproche un peu) sans base institutionnelle. D’un certain point de vue, c’est bien là l’une des « positions » majeures de la « guerre de position ». Je sais bien que ce point est très conflictuel chez nous, mais justement autant l’aborder de front. Dans les débuts du mouvement ouvrier, les organisations de classe à impact de masse se sont développées dans une relative distance par rapport aux institutions bourgeoises. Mais elles étaient portées par une force presque messianique, elle-même ancrée sur la croyance en la proximité de la révolution. D’ailleurs les secousses révolutionnaires respectaient à peu près la succession des générations. L’horizon était prévisible. Quand ce rythme s’est perdu, le débat s’est inévitablement traduit en fortes divisions stratégiques (c’est l’époque du débat Rosa/Kautsky/Bernstein). En même temps d’ailleurs, la véritable croissance du mouvement ouvrier en mouvement de masse est allée de pair avec des conquêtes institutionnelles massives sans lesquelles la social-démocratie allemande n’aurait pas été le centre du mouvement ouvrier de l’époque. Or il est clair que d’un côté l’aspect « messianique » s’est perdu dans les tourmentes du stalinisme et que, d’un autre côté, le « crétinisme parlementaire » a été un signe annonciateur de la faillite de la SD, comme des partis post-staliniens aujourd’hui. Le problème demeure donc entier.

Cela dit répétons qu’en-dehors d’une phase conçue à tort ou à raison comme immédiatement révolutionnaire, il est impossible de bâtir une implantation prolétarienne de masse hors de tout appui institutionnel. Cela est l’effet de la situation dominée et exploitée du prolétaire moyen. C’est d’ailleurs entre autres dans la suite directe de cette constatation (qui plus est en régime de dictature dans le cas du tsarisme) que Lénine demande une rupture forte avec cet état de chose, la constitution d’une « avant-garde » distincte des masses. Il faudrait une réflexion spéciale pour discuter du bilan de cette position théorique (de ses dangers massifs, de ses succès aussi, des conditions particulières qui ont permis au parti bolchevik de résoudre tout de même le problème d’une implantation de masse). Mais il n’empêche : il est très difficile pour nous, pour ne pas dire impossible, de bâtir une implantation de masse sans se confronter aux institutions.

Pour ceux et celles qui en douteraient, il faut d’abord pour les en convaincre élargir la perspective. Si on quitte le niveau des appareils centraux de l’administration de l’État, on en a pas fini pour autant avec la présence institutionnelle. Un excellent exemple de ceci est l’utilisation des grands média. Nous sommes régulièrement attaqués par des franges de la gauche radicale pour notre « compromission » avec eux. Et cette « compromission » est réelle. D’un certain point de vue, notre participation contribue à la légitimation du système, c’est indéniable. Mais comment imaginer une influence de masse sans cela ? Le cas est aussi patent dans notre militantisme syndical. D’un certain point de vue, le mouvement syndical constitue une partie des institutions qui font tenir le système de domination, même s’il ne s’y limite pas. Déjà le financement des confédérations doit largement à l’État et au patronat. Bien entendu, on peut présenter cela (à juste titre), comme des « acquis » de la lutte passée. Il n’empêche : que serait le syndicalisme aujourd’hui sans les délégations payées par le patronat ? Tout ceci pour dire que la « contre société » absolue est une fiction. Même l’anarchiste le plus déterminé contribue à légitimer la société bourgeoise dès qu’il met son enfant à l’école primaire…

La « contre société » est encore dans la société. L’incompréhension de ce caractère « total » de la domination bourgeoise peut tout aussi bien d’ailleurs entretenir une naïveté cent fois renouvelée au cours de l’histoire sur la possibilité de ruptures stables qui demeuraient durablement partielles. La lecture de certains articles issus de nos propres rangs montrent que cette naïveté ne nous épargne pas toujours. « L’hégémonie » se construit certes à partir de pratiques sociales en rupture partielle avec les principes directeurs de la société bourgeoise. Lesquels ne se résument jamais aux questions vécues comme directement « politiques », ni même d’ailleurs à des rapports d’exploitation. La société bourgeoise repose évidemment sur ces rapports, mais aussi sur la construction et la re-définition d’autres rapports de pouvoir qui ont leur propre temporalité et fonctionnalité qui débordent le cadre purement capitaliste. Mais ces pratiques émancipatrices ne peuvent garder durablement un caractère subversif et encore moins converger vers une nouvelle société par simple addition sans s’intégrer à une stratégie politique unificatrice où la question du pouvoir central occupe la place d’un centre d’organisation du combat global. La réflexion de Gramsci est essentiellement consacrée aux possibilités et aux conditions de construction de cette « hégémonie » de classe hors période immédiatement révolutionnaire.

La question n’est donc finalement pas d’échapper par la « contre-société » à la société réelle et à son système de domination, mais de savoir jusqu’où on peut aller dans le sens d’une présence « institutionnelle » sans tuer le refus global du système. Question évidemment encore plus compliquée pour les institutions directement étatiques. Justement : on ne peut pas traiter toutes ces institutions sur le même plan. Toute l’expérience historique, ainsi que les exemples plus récents (dont celui du Brésil) montrent qu’il y a à ce propos une spécificité de la question gouvernementale centrale, évidemment. Certains textes récents dans notre débat stratégique semblent considérer que nous devons nous poser la question de notre participation gouvernementale, et pas seulement pour des raisons de présentation « pédagogique », mais comme couronnement effectif d’une stratégie de « guerre de position ». Je considère qu’il s’agit là d’une nouveauté dans nos débats, très contestable. Que resterait t-il d’une stratégie d’hégémonie contre-sociétale si nous étions au gouvernement de la société bourgeoise ? Si on ne peut pas exclure une telle possibilité, ce ne peut être que dans le cadre d’un rapport de force qui nous rendrait proche du basculement dans une « guerre de mouvement ». Cela ne signifie nullement qu’on ait à ce propos une position « fermée ». Il est tout à fait possible qu’une victoire électorale d’une gauche réformiste se radicalise (les exemples ne manquent pas), et on ne doit pas traiter tous les gouvernements bourgeois de la même façon, mais en fonction du cadre exact où ils se présentent. Tout un éventail de tactiques et de positionnements divers peuvent s’envisager (et l’ont été dans l’histoire). Mais on ne peut prendre le risque d’en être partie prenante « à l’origine » sans un rapport de force particulièrement conséquent.

Cela dit il est impossible d’étendre cette position à tous les échelons de l’État, sinon il n’y a aucune base « institutionnelle » possible. C’est en particulier le cas des municipalités. Dans le cadre restreint de l’autonomie qui sont les siennes, peut-on lutter pour y faire une vie meilleure pour les masses ? Cela signifie élaboration de programmes de gestion locaux, de cadre d’alliances pour ce faire et d’une discussion sur les modalités de partage du pouvoir avec les masses comme du contrôle de leur part (salaires des élus, non cumul, etc.). D’un certain point de vue, ceci fait partie de la « contre-société », à l’instar de toutes les autres pratiques alternatives issues du mouvement de masse produisant et expérimentant du changement partiel. Il y a des risques, c’est sûr. Comme on le sait tous, le réformisme est historiquement d’abord un réformisme municipal. Et il n’y a pas de doute que la gestion municipale « révolutionnaire » est moins proche du rêve utopique que de la dure réalité. On peut faire remonter peut-être l’évolution de certains de nos camarades brésiliens à ce « municipalisme ». Mais on ne peut pas juger de ceci seulement à partir de la fin du film de la participation au gouvernement Lula. Il y a du risque, mais pas d’automaticité, et à ma connaissance nos camarades qui ont rejoint le PSol insistent bien sur la rupture et non sur la continuité entre les deux cas.

B/ Quelles conséquences pour la nouvelle force anticapitaliste ?

Compte tenu de l’écart grandissant des positionnements internes sur la question de la force anticapitaliste, il est utile pour la comprendre de remonter aux origines de la réflexion sur ce thème. Dans les textes du débat de 87 (avant donc l’effondrement du mur !), et dans le mien en particulier (les « 10 thèses sur le parti »), le nouveau parti est conçu comme une force radicale, de transformation sociale, anticapitaliste, et clairement favorable à une alternative socialiste. C’est donc une force très « délimitée », contrairement à ce qui se dit dans de plus en plus de textes pour la contester ou la soutenir. L’expression « parti large » qui est utilisée par ces textes comme un synonyme est particulièrement pernicieuse. Que la « nouvelle force » soit conçue comme « plus large » que la LCR seule, ça va de soi. Mais c’est une « largeur » contenue par l’anticapitalisme ! Dans certains secteurs de l’organisation s’est même développée peu à peu l’idée d’une frontière de principe durable entre cette « nouvelle force » et une force « révolutionnaire » visant au changement complet du système capitaliste. En particulier, dans les années récentes a vu le jour une version singulièrement affadie de la « nouvelle force » comme « force antilibérale », ce qui n’a rien à voir avec les textes de l’époque. En contrepoint, d’autres camarades ont été confortés dans leur méfiance la nouvelle force » et demandent alors à ce que la perspective « révolutionnaire » soit maintenue de manière séparée en tout état de cause, à l’intérieur même de ce nouveau parti s’il voit le jour.

On confond ici plusieurs niveaux. L’antilibéralisme est la frontière concrète de la plupart des luttes de classe actuelles. On peut parfaitement imaginer des fronts de mobilisation sur ces thèmes avec d’autres forces qui ne sont pas anticapitalistes, ou pas d’une manière conséquente. On peut pousser la réflexion jusqu’à imaginer un front politique et social antilibéral relativement stable sur une période donnée (et ses conséquences y compris en terme d’accords électoraux), voire même un front « organique » antilibéral durable. Si ce front voyait le jour (comme l’exemple en a été donné en pointillés à plusieurs reprises dans les années récentes), il participerait de la bataille globale pour « une nouvelle force ». Mais il ne la représenterait pas. Ceci est décisif : en aucun cas la « nouvelle force » ne peut être limitée à l’antilibéralisme. Encore plus depuis la chute du stalinisme, nous visons à construire de « nouveaux partis », correspondants à la nouvelle période et à un nouveau programme. Mais ces nouveaux partis doivent être entièrement « antisystème ». Pas au sens étroit que lui donnent certains camarades (mais aussi de très nombreux en dehors de notre organisation), le terme « révolutionnaire » étant manifestement réservé pour eux à une tradition particulière, à une stratégie particulière (rien moins qu’évidentes, comme je l’ai développé ci-dessus). C’est sur ce point, et seulement sur ce point, que cette force n’est pas « délimitée » (vérification faite, ces mots, « non délimitée » ne sont d’ailleurs pas dans aucun des textes de 87, et pas plus dans le mien). Mais sur le reste bien entendu il y a à mes yeux forcément des « délimitations », et notables ! En particulier, pas plus ce parti que nous-mêmes ne devront participer au gouvernement central de l’État bourgeois sans un rapport de forces exceptionnel ! Cette « nouvelle force », si elle voit le jour et si elle est définie de cette manière serait pour nous non un parti transitoire en attendant « le vrai », mais bien « notre parti ». C’est le sens profond des termes « nouvelle période, nouveau programme, nouveau parti », lesquels d’une manière encore plus générale qu’en 87, enregistrent après la chute du mur, la fin du stalinisme, l’évolution de la social-démocratie et le fait que « des partis comme les nôtres » n’ont nulle part conduit au succès. Avant leur fusion dans la LCR, les camarades de VdT avaient une excellente formule pour en rendre compte, « prendre le meilleur de Jaurès, de Rosa, et de Lénine ». On peut y ajouter la nécessité de métisser le rouge de notre drapeau avec le noir des libertaires, et d’autres couleurs encore. Ce n’est pas loin de ce qu’avance Olivier Besancenot dans une autre partie de son texte. Mais ceci veut dire justement que les voies stratégiques révolutionnaires sont à construire et non pas pré-délimitées. Comme dit l’autre, « il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père ». Cela signifie qu’en dynamique pourraient cohabiter dans cette « nouvelle force », plusieurs stratégies pour en finir avec la société actuelle, à condition que ce soit bien le but. Pas à partir de la figure imprévisible de la révolution à venir (ou pas principalement), mais dans les conséquences visibles dans le combat présent, c’est-à-dire dans la compréhension - qui peut être diverse et conflictuelle - de « la guerre de position ». Ou encore dans la manière précise d’aborder la manière d’être « révolutionnaire sans révolution ». Ces stratégies peuvent à l’évidence être menacées de réformisme de fait ou à l’opposé de gauchisme archaïque. Il y a donc des risques à prendre, ceux du débat dans une organisation nouvelle. Mais une organisation pour le renversement du capitalisme, pas une autre.

Une fois ceci rappelé, tirer le bilan de notre lutte pour cette « nouvelle force anticapitaliste » est devenu indispensable. On ne peut pas continuer à proclamer sa nécessité dans des résolutions de congrès sans rendre compte du fait patent que si la LCR s’est développée à l’aide de cette ligne (et notablement), la nouvelle force espérée n’a pas vu le jour. Ce qui, inévitablement et régulièrement, conduit à des déchirures internes, des camarades estimant que c’est la « frilosité » de secteurs de la direction qui explique cette non réalisation. Cela provoque une fragilité constitutive pour la LCR, qui est peut-être la seule organisation qui cherche à se développer tout en expliquant à qui veut l’entendre qu’il faut en construire une autre ! Et oscille en conséquence entre une fierté d’organisation parfois exagérée et une dévalorisation systématique accompagnée d’un statut par définition subalterne…
Voici quelques éléments à ce propos que je soumet à la discussion.

La « nouvelle force » doit être anticapitaliste, « antisystème », socialiste. Il s’avère que des secteurs avec lesquels nous collaborons dans le combat antilibéral sont souvent moins « radicaux » que ce niveau. Il faut en prendre acte tranquillement et sans ultimatisme inutile. Il est possible (mais peu probable) que ces secteurs finissent par donner naissance à un parti qui corresponde à ce sentiment moyen (sur le mode allemand). Il faudrait voir alors quelle serait notre attitude en fonction de la dynamique éventuellement créée, et ne rien exclure par avance. Mais ce genre de parti n’est pas « la nouvelle force » que nous souhaitons, et éventuellement le combat en ce sens s’y poursuivrait d’une manière organisée.

La LCR a elle-même désormais certaines caractéristiques de la « nouvelle force ». Une option possible serait alors d’accentuer cette évolution de manière à ce que la mutation de la LCR la constitue elle-même en cette « nouvelle force ». Pour que ceci soit possible, il faudrait que la décantation des forces anticapitalistes éparses soit plus développée qu’elle ne l’est et qu’elle pourrait l’être dans une avenir prévisible. De plus, même s’il y une certaine variété des options stratégiques qui s’y manifestent comme le montre le débat récent, la LCR reste globalement attachée à des « orbites », qu’à juste titre il ne faut pas abandonner. La mutation de la LCR est indispensable, et elle est en retard (changement de nom, de mode de fonctionnement) pour aider au regroupement de tous les révolutionnaires au sens large. Elle ne pourra pas résoudre l’équation à elle seule.

Ceci est lié entre autres à la crise des relations à l’engagement politique partidaire qui est loin de s’atténuer et peut même se développer si la crise du PC s’accentue. En tout cas, il est difficile d’imaginer une évolution positive rapide dans le sens de cet engagement directement politique (quel qu’en soit la forme) de la part de toutes celles et tous ceux qui se pensent à partir « du mouvement social », les syndicalistes en particulier, mais pas seulement.

Tout ceci explique sans doute la constatation suivante. Des chocs sociaux et politiques d’une grande ampleur, comprenant y compris le surgissement d’une nouvelle génération militante, n’ont pas suffi pour bâtir la nouvelle force anticapitaliste. Mais attendre la solution de chocs encore plus forts nous conduirait à l’immobilisme (si ces chocs ont lieu, à la hauteur d’un 68 par exemple, c’est de bien d’autre chose qu’il faudra s’occuper !).

Il faut sans doute imaginer des étapes intermédiaires. Puisqu’il paraît difficile de miser sur un dépassement rapide des formes d’organisations actuelles, il faut songer à la manière de regrouper les anticapitalistes même si ces formes organisées (partidaires ou non, nationales ou locales) subsistent, dont la nôtre, la LCR. Alliances formelles, fédérations, unions organiques, etc. La possibilité que ceci soit autre chose que groupusculaire ne dépend pas entièrement de nous, mais de l’évolution générale (entre autres des contradictions PC, de la constitution ou non d’un nouveau gouvernement socialiste et de l’attitude des uns et des autres face à lui, des radicalisations sociales, etc.). Mais c’est sans doute la manière de traduire de manière autrement que fantasmatique notre position générale.


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