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15 septembre 2009
Au moment où nous publions cette revue, le mouvement anti-CPE dont le moteur a été la mobilisation des étudiants est dans une phase de généralisation. La généralisation aux lycées lui donne le caractère d’une mobilisation de toute la jeunesse, celle des centre-villes comme celle des banlieues. La généralisation aux travailleurs, dont l’ampleur sera décisive pour l’issue de ce mouvement, pourrait aussi être décisive pour toute la période à venir.
L’article qui suit est un simple exposé de l’expérience de développement du mouvement dans une Université (Censier à Paris). Il faudra, dans les mois qui viennent s’habituer à développer ce type de travail, partout où des expériences sont faites pour donner accès à tous et à toutes à cette connaissance. Tout d’abord parce que, dans l’explication générale avec le système qui s’amorce, nous aurons besoin de généraliser le meilleur de chaque expérience.
Ensuite parce que nous vivons une de ces périodes où, non seulement la théorie devient une force (et non plus un enjeu abstrait de connaissance) mais où nous pouvons l’enrichir dans sa confrontation avec l’expérience des luttes, avec l’exigence de trouver des réponses soulevées par tout mouvement dans sa marche en avant...
Un des aspects du prochain numéro de Que faire ? devrait être de commencer à tirer parti des expériences qui ont été faites à différents niveaux dans ce mouvement et entamer ce travail de confrontation avec la théorie marxiste. Nous invitons tous ceux et celles qui désirent y participer à contacter la rédaction.
Le travail de mobilisation sur le CPE avait commencé environ 1 mois avant à travers l’UNEF.
Avant le 23 février nous avions eu deux assemblées générales qui regroupaient environ 80 personnes à chacune d’elle. C’est finalement à la fin d’une assemblée générale assez massive sur la question de la vente de Censier qu’une vingtaine de personnes se sont regroupées pour discuter de comment s’organiser contre le CPE. Ces personnes se sont formées en comité de mobilisation, non élu en assemblée générale mais qui a donné la base, le noyau motivé qui a mobilisé pour l’AG du 23 février qui a réuni 200 personnes. A cette assemblée générale a été voté la grève et le lendemain a commencé l’effervescence : barrage filtrant, banderoles, affiches, accueil des étudiants pour les convier à une assemblée générale l’après midi. 400 personnes ont reconduit la grève et le blocage de l’université a cette AG. Le blocage a été effectif à partir du vendredi 24 février après midi.
Dès ce moment beaucoup de questions ont émergé : comment élargir ? Toucher le plus d’étudiants possible, comment gérer les tribunes, la présidence…aux premières assemblées générales régnaient un climat assez fortement anti-syndical, dû notamment au fait de combats entre les différents syndicats, FSE, CVSE, UNEF (TTE et TRS), ce climat c’est dissipé au fur et à mesure et n’existe quasiment plus aujourd’hui. Cela s’explique notamment par l’implication de plus d’étudiants dans la grève.
Nous avons insisté dès le début sur l’importance de toucher le plus d’étudiants possible. La première commission qui s’est créée a été information/ accueil : table avec textes de loi, argumentaire contre le CPE puis au fur et à mesure, grosse banderole ‘point info’ café, gâteaux, espace de discussion dans le hall d’entrée. Le but était que chaque étudiant qui arrive à la fac et voit qu’il ne peut aller en cours puisse être sensibilisé sur le CPE et sur nos modes d’action.
La commission blocage évidemment regroupait aussi dès le début bon nombre d’étudiant, avec essentiellement deux zones de blocage : à la fin du hall des amphis avant les escaliers pour laisser le hall et les amphis comme point de discussions et d’information (il n’y a que deux amphis à Censier) et blocage au niveau des portes du parvis (le parvis sert aussi de point d’accueil infos). Les autres entrées n’ont pas nécessité de blocage car elles étaient fermées par l’administration et le vice président dès le début pour nous faciliter le blocage car ils soutiennent le mouvement.
Au fur et à mesure les AG sont devenues plus massives, le blocage combiné au travail énorme d’accueil et d’information a permis ça. L’enjeu était vraiment que le moins d’étudiant possible repartent chez eux en voyant la fac bloquée.
Nous avons insisté sur le fait que les AG devaient se tenir tous les jours pour informer le plus d’étudiants possible sur le CPE et décider chaque jour de manière démocratique de la reconduite de la grève et du blocage contre les gauchistes ( FSE, CVSE) qui veulent des AG tous les deux jours voir moins. Au début les AG commençait toujours par un point d’information sur le CPE et au bout d’une semaine ce point s’est transformé en point sur la loi sur l’égalité des chances. Dès le début les revendications étaient sur CPE/ CNE puis loi sur l’égalité des chances. Aujourd’hui le ‘schéma’ des AG est : 1) point sur l’état de la mobilisation, 2) point sur les commissions, 3) point sur la loi sur l’égalité des chances si des étudiants le demandent, 4) débat qui englobe revendications, perspectives, 5) vote. Cette manière de tenir les AG et de faire un point débat qui englobe toutes les questions nous permet de réduire la durée des AG qui pouvaient aller jusqu’à 4h mais aussi que chacun puisse intervenir ‘quand il le veut sur ce qu’il veut’ : revendications ou préparation de la manif, commission…chaque proposition émergeant du débat étant noté au tableau et voté à la fin. On essaye de faire que le président de séance change régulièrement car c’est une tâche importante qui forme énormément.
Au bout d’une semaine de blocage, les profs et les personnels de la fac nous ont rejoint de manière organisée. Certains nous soutiennent depuis le début mais c’est au bout d’une semaine que le soutien s’est transformé en participation active : des AG d’un peu plus de 100 profs et personnels qui votent non seulement la grève mais aussi la participation au blocage de l’université avec les étudiants. Puis la participation avec les étudiants à l’organisation de débats. Même si dans les faits ce sont quelques profs et personnels qui tiennent effectivement le blocage et sont très actifs.
Leur implication permet que le mouvement s’élargisse et tiennent. Lorsqu’une prof de LEA (c’est en LEA qu’il y a le plus d’étudiants anti-blocage)vient intervenir en AG des étudiants pour dire qu’elle est en grève, soutient le blocage, que les étudiants grévistes ne seront pas pénalisés et qu’on apprend plus en s’organisant et en débattant dans le mouvement qu’en étant passif à écouter un discours en cours ça compte énormément.
Leur implication permet aussi de se rendre compte de leurs conditions de travail. De découvrir des gens à côté desquels on passe tous les jours sans même les voir comme les travailleurs du ménage de la fac. C’est parce que la fac est redevenue notre fac et que nous nettoyons les amphis et salles que nous avons occupé la journée que nous avons discuté avec eux.
Ils soutiennent le mouvement car leurs enfants sont sur une fac mais surtout car ils savent ce qu’est la précarité. En effet, la plupart des travailleurs du nettoyage de Censier ont, en plus du travail qu’ils ont à la fac, un autre boulot tout aussi précaire. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ne peuvent venir en AG.
Ils auraient pourtant beaucoup à nous apprendre, non seulement sur leur conditions de travail mais aussi sur l’organisation d’une grève ; deux d’entre eux ont participé à des grèves importantes, un à l’aéroport de Roissy, un autre à la grève de H&M.
La question s’est posée très vite de faire de la fac un lieu de vie et de débats et que chaque étudiant ait une tâche qui permette de convaincre toujours plus de gens et faire avancer le mouvement. De là se sont créées plusieurs commissions. Les commissions existantes aujourd’hui sont : blocage, accueil/information, animation, réflexion, action, commission externe, presse, intendance, affichage, commission lien profs/étudiants.
Chaque commission a un rôle défini et en fonction des besoins est plus ou moins grosse. Au bout d’une semaine des référents ont été élus dans chaque commission. Ces référents forment le comité de grève qui se réuni tous les jours de manière ouverte et qui prépare notamment les assemblées générales, décide des tribunes… On essaye que chaque commission se réunisse à heure fixe chaque jour pour faire que tous ceux qui veulent s’y greffer puisse le faire. Cette manière de fonctionner de la base au sommet a permis d’impliquer largement et de former une direction large du mouvement.
De nombreux débats ont lieu sur la fac, sur la précarité par exemple en faisant venir des gens extérieurs : inspecteurs du travail, assistante sociale, travailleurs précaires, intermittents, médecin…Ces débats organisés le matin sur la fac en lien avec un prof très actif dans le mouvement regroupe autour de 100, 150 étudiants.
Un débat a aussi eu lieu sur le code du travail avec Gérard Filoche, ainsi qu’un débat sur mai 68 avec Daniel Bensaïd qui a regroupé autour de 150 étudiants.
Des animations de type théâtral, jonglage, percussions ont eu lieu sur la fac.
L’initiative d’organiser un concert le vendredi soir à la fac « Grève en fête » a été un succès lorsque Jolie Môme y a participé ainsi que des groupes de musique de la fac ou d’ailleurs.
Comme dans tous mouvement les gens généralisent et sont en attente de politique.
C’est ce qui est notre point faible, nous sommes restés assez mouvementistes et ce sont les étudiants et les nouveaux camarades qui ont rejoint les JCR qui nous poussent aujourd’hui à redresser la barre et à faire de la politique dans le mouvement.
Mi décembre nous avons été à l’initiative de la création d’un collectif pour une alternative au libéralisme sur la fac. Le collectif n’est intervenu que très tard dans le mouvement. C’est le vice président de la fac qui est membre du collectif pour une autre Europe sur le 5e arrondissement qui est venu nous chercher pour organiser un meeting sur la fac en lien avec le collectif du 5e contre le libéralisme. Nous avons donc organisé avec le comité de grève de Censier, le collectif de la fac et du 5e un meeting qui a regroupé 70 personnes : étudiants, gens du quartiers. La démarche des collectifs, les assises du 13 mai et la charte ont été présentés. Depuis nous avons diffusé dans le mouvement le canevas de charte antilibérale et des discussions sont prévus sur ce texte. Nous avons une réelle possibilité de développer le collectif à une échelle très large sur la fac.
De même 5 personnes ont rejoint les JCR à Censier depuis le début du mouvement. Ils ont rejoint sur la base de ce qu’on défend comme orientation dans le mouvement. Notre grosse faiblesse est que la plupart de nos cercles jusqu’ici tournaient autour de ce qu’on pousse dans le mouvement, nous ne vendons pas le journal que ce soit à la fac ou en manif. Nous avons cependant commencé à corriger ça, car ce sont les nouveaux camarades qui nous demandent de la politique, il y a vraiment une exigence des nouveaux camarades qui nous ont montré qu’on ne faisait pas assez de politique dans le mouvement en disant en gros : « j’ai rejoint une organisation révolutionnaire pas le mouvement j’y suis déjà, alors maintenant qu’est ce que c’est qu’être révolutionnaire aujourd’hui ? C’est quoi vos idées ? »
Nous avons organisé une réunion du cercle des JCR sur Parti et Classe où nous étions 13 de Censier dont 3 personnes qui ne sont pas aux JCR mais qui ont déjà assisté à des réunions. Le débat et les questions des nouveaux étaient très intéressants. Une autre discussion est prévue autour de Mai 68 et des textes ont été donnés pour préparer le débat.
C’est cette discussion politique qui a permis qu’on organise la semaine pour commencer à préparer la réunion du collectif notamment et organiser notre intervention politique dans la manif de mardi 28 mars.
Site web du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).
Revue indépendante d’analyse stratégique anticapitaliste.
Actualité politique internationale de la revue Inprecor sous reponsabilité de la Quatrième internationale.
International Socialism, Revue mensuelle théorique du Socialist Worker Party.
Le site web de la LCR Belge contient de nombreux articles de théorie marxiste très intéressants.
Base de données de référence pour les textes marxistes.
Le site de la commission nationale formation du NPA.