La dialectique, la nature et la dialectique de la nature

par Camilla Royle

18 avril 2014

En 1873, le collaborateur de Karl Marx Friedrich Engels se lança dans une œuvre ambitieuse intitulée Dialectique de la nature1. Dans une lettre à Marx, il décrivait comment, dans son lit un matin, il était arrivé à la conclusion que les sciences naturelles dans leur ensemble se ramenaient à « la matière en mouvement ». Il demandait aussi à son ami de garder le silence sur cette idée, « afin qu'aucun imbécile d'Anglais ne s'en empare »2. Engels commençait à expliciter la pertinence d'une approche marxiste pour ses propres études approfondies dans le domaine des sciences naturelles. Développer ses idées par écrit était un projet auquel il devait revenir à diverses reprises dans la décennie suivante, mais qu'il n'eut jamais le temps de mener à bien.


La notion de dialectique de la nature est demeurée depuis lors un sujet de controverse. La dialectique, telle qu'elle s'applique à l'étude de la société, est contestée, et il existe de nombreuses interprétations de ce qu'est la dialectique et de ce à quoi elle est censée servir. Divers théoriciens, par ailleurs favorables à la compréhension dialectique des sociétés humaines, ont rejeté la notion selon laquelle on peut aussi l'appliquer à la nature. Le débat sur la dialectique de la nature soulève d'autres questions sur la philosophie marxiste et sur sa capacité à nous aider à comprendre des aspects plus fondamentaux du monde dans lequel nous vivons. Cela dépend également de ce que nous désignons sous le nom de « nature » - un sujet aussi sensible que celui de la dialectique.


Engels et la science au 19ème siècle


Engels peut être raisonnablement considéré comme un des intellectuels autodidactes les plus impressionnants de son époque (et au-delà). Il étudia non seulement les sciences sociales et la philosophie, mais aussi l'anthropologie, la chimie, les mathématiques et les arts. Il vivait à une époque qui traversait des changements révolutionnaires dans tous ces domaines. Exemple célèbre, Charles Darwin avait publié en 1859 L'origine des espèces, démontrant que les espèces organiques, loin d'être des entités fixes et distinctes, sont capables d'évoluer vers des formes nouvelles et radicalement différentes. Marx et Engels avaient lu tous deux l'ouvrage de Darwin et le considéraient comme la confirmation d'une conception de la nature changeant dans le temps – très proche de leurs propres idées sur le changement historique dans les sociétés humaines3.


Mais la biologie n'était pas la seule à être révolutionnée au cours du 19ème siècle. En physique, James Prescott Joule avait démontré que la chaleur pouvait être transformée en énergie mécanique et inversement.. En géologie, Charles Lyell avait découvert la création continue et la destruction des couches de la croûte terrestre4. Alex Callinicos considère que les intuitions d'Engels doivent être vues dans le contexte du développement réel des sciences physiques de l'époque où il écrivait. La science avait jusque-là été basée sur un modèle – lié aux lois de Newton – dans lequel les processus mécaniques étaient réversibles dans le temps. Au 19ème siècle, la science commença à prendre en compte l'existence de processus irréversibles tels que l'évolution, dans lesquels la nature ne se borne pas à changer, mais se développe5.


Le marxisme a contribué à approfondir notre compréhension des hommes de science et de leur rôle dans la société. Mais Engels ne s'intéressait pas seulement à la situation sociale de la science – il analysait également les débats en cours au sein de la communauté scientifique. Et ses écrits sur la question montrent qu'il était suffisamment instruit pour participer à ces débats. Certaines des intuitions d'Engels se sont depuis avérées correctes. Dans Le rôle joué par le travail dans la transformation du singe en homme, il explique que la station debout adoptée par les humains a libéré leurs mains et leur a permis de développer l'usage des outils, qui eut lieu en même temps que le développement d'un cerveau plus volumineux. Cette idée a suscité l'admiration de Stephen Jay Gould, qui y voit le premier exemple de ce qu'il appelle gene-culture coevolution6.


Malgré tout, l'idée de dialectique de la nature demeure controversée – ce qui est aggravé par le fait qu'Engels n'a jamais eu le temps de finir son livre, ou de défendre son projet. Karl Marx mourut en mars 1883, et Engels mit son propre travail de côté pour s'atteler à la tâche gigantesque consistant à préparer les volumes 2 et 3 du Capital pour la publication. Mais le manuscrit de la Dialectique de la nature a survécu et a été publié en russe en 1925 et en anglais en 1939. J.B.S. Haldane, le promoteur de la version anglaise, était un scientifique éminent, qui avait fait progresser notre compréhension de la façon dont l'évolution se relie à la génétique, et aussi un marxiste engagé, membre du parti communiste. Toute sa vie, il devait se persuader de plus en plus des pouvoirs explicatifs de la méthode dialectique, déclarant dans sa préface à la Dialectique de la nature que si elle avait été publiée plus tôt, elle lui aurait épargné beaucoup de « réflexion confuse » (« muddled thinking »)7. Mais publier le travail d'Engels n'était pas une tâche aisée, dans la mesure où il n'était constitué que d'une série de notes. On peut facilement imaginer qu'Engels aurait aimé raccourcir des passages, voire supprimer certaines sections de son travail.


Est-il utile de qualifier la nature de dialectique?


Pour discuter du mérite des idées d'Engels, il nous faut avoir une notion de ce qu'est la dialectique et de ce à quoi elle est censée servir. Il n'y a pas grand intérêt à étudier la dialectique si cela doit se borner à un exercice didactique – si nous l'apprenons dans des livres ou dans des conférences pour l'oublier aussitôt après parce qu'elle n'a pas d'application dans notre pratique quotidienne. Marx convenait, dans une postface au Capital, que le matérialisme dialectique était essentiellement une philosophie à l'usage de ceux qui veulent changer le monde. Il est « dans son essence à la fois critique et révolutionnaire »8. Marx a basé nombre de ses idées sur celles du philosophe idéaliste allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel, qui avait cessé d'éprouver de la sympathie pour les mouvements révolutionnaires, en particulier vers la fin de sa vie. Cela dit, je dirais que la version matérialiste, marxiste, de la dialectique n'a de véritable sens que située au centre d'un projet de changement révolutionnaire.


Pour beaucoup de théoriciens, les aspects les plus importants de la dialectique sont le changement et la contradiction. Elle nous permet de saisir la nature d'un monde en changement constant, un élément que John Molyneux souligne et illustre dans son récent guide de philosophie marxiste9. La dialectique peut être qualifiée de philosophie critique parce qu'elle remet en question l'idée selon laquelle notre monde a toujours été le même et restera immuable dans l'avenir. Mais elle explique aussi que le changement n'est pas toujours progressif, graduel – que les choses peuvent avancer par bonds10 – ce qui peut être décrit comme un changement révolutionnaire. Dans son livre Dance of the Dialectic, Bertell Ollman compare la tentative de comprendre ce monde à sauter dans une voiture en marche – essayeriez-vous de bondir dans une voiture les yeux bandés et sans savoir dans quelle direction elle se dirige et à quelle vitesse ? Ollman proclame que le monde qui nous entoure est changeant et que nous avons besoin d'une théorie nous permettant de le comprendre11. La plupart des théories considèrent comme évident que nous pouvons considérer le monde comme s'il était statique, et tentent ensuite d'expliquer les changements auxquels nous assistons. Pour les penseurs dialectiques, c'est l'inverse qui est vrai. Le changement est l'état par défaut de l'univers ; c'est la fixité qui est inhabituelle et qui a besoin d'être expliquée.


Le géographe marxiste David Harvey proclame aussi depuis plusieurs années que la méthode dont il fait usage dans son travail de théorie sociale est de nature dialectique. On peut essayer d'expliquer la démarche d'Harvey en considérant ce qu'elle n'est pas. Il est adversaire du réductionnisme cartésien, qui est basé sur la supposition que nous pouvons étudier le monde en le divisant en « choses » distinctes. Les cartésiens prétendent que les parties ont des propriétés individuelles qui sont indépendantes de l'ensemble. Nous pouvons analyser chacune d'elles en l'isolant et en regardant comment elle se relie aux autres12. Ainsi un géographe qui essaie de comprendre une ville à l'aide d'une méthode cartésienne peut considérer Londres, et se demander qui sont les gens qui vivent à Londres, quels types de logements ils occupent, quelles sont les industries présentes dans les différentes parties de la ville, et bien d'autres interrogations. Il peut ensuite agir de même avec une autre métropole, peut-être New-York. Ce n'est que lorsqu'il a compris les attributs des deux villes comme entités distinctes qu'il peut entreprendre de les comparer.


Un penseur dialectique se tournera vers les processus qui ont constitué ces deux villes, tels que l'immigration et l'émigration, ou vers les progrès du néolibéralisme aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Ces villes seront dès lors considérées, non pas comme des choses distinctes, mais comme des ensembles de processus complexes. Harvey se demande si l'on peut analyser une ville sans prendre en compte son contexte. Pour comprendre l'immigration vers des villes, nous devons aussi comprendre ce qui se passe dans les endroits d'où viennent les migrants. Mais cela attire aussi l'attention sur les similitudes entre les villes – ainsi l'immigration à Londres et à New York peut avoir des effets semblables sur les deux villes. L'approche dialectique qui est celle d'Harvey met à l'envers notre façon de penser issue du sens commun. En fait, il dit que la « chose », ça n'existe pas. Les objets que nous considérons comme stables sont en réalité constitués par des processus. Différents processus peuvent se combiner temporairement pour produire des choses, mais celles-ci sont toujours transitoires. Les choses sont toujours en train d'être créées ou d'être détruites – tout ce qui est solide se fond dans l'air. Selon cette méthode, une chose peut être une idée ou un concept, ou exister concrètement comme une ville. C'est ce que dit Engels dans Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande: « Le monde ne doit pas être considéré comme un complexe de choses achevées, mais comme un complexe de processus où les choses, en apparence stables... se développent et meurent en passant par un changement ininterrompu... »13.


Pour Marx, et pour beaucoup de ses disciples, la dialectique c'est aussi bien la contradiction que le changement. Les deux sont reliés, les contradictions internes poussant les changements en avant et menant à la dynamique que nous pouvons observer. Sous le capitalisme, tout semble, et est, contradictoire14. Harvey explique que penser en termes de contradictions est parfaitement compatible avec sa démarche. Si les choses sont faites de complexes changeants de processus, il va de soi que certains de ces processus seront en opposition les uns contre les autres15. Prenons l'exemple du parti travailliste en Grande-Bretagne – une organisation bourgeoise, mais dont les effectifs demeurent essentiellement prolétariens. Si dire qu'il est ouvrier et bourgeois semble une proposition contradictoire, c'est parce que cela désigne une contradiction. La clé est de prendre en compte les divers processus qui ont amené le parti travailliste à voir le jour. A l'époque, l'Etat-providence devenait de plus en plus important pour certaines sections du capital, en même temps que les travailleurs étaient réceptifs aux idées et aux partis réformistes. Les besoins des ouvriers et des capitalistes sont en opposition mutuelle mais ils peuvent coexister dans une période particulière de l'histoire – pour former une organisation très contradictoire. Cette approche de la question des contradictions reconnaît leur présence dans la réalité, mais se penche sur les mécanismes concrets selon lesquels elles se développent, à travers les processus dans lesquels les choses apparaissent et cessent d'exister. Il ne suffit pas de déclarer que tout est contradictoire, il faut demander pourquoi.


Les biologistes dialecticiens


Si la dialectique aide les marxistes à comprendre quelque chose à la société humaine, peut-elle également être utile aux sciences naturelles – à des gens qui essaient de comprendre des aspects très différents du monde ? Peu de scientifiques ont déclaré de façon explicite qu'ils faisaient une science dialectique, mais il y a quelques exceptions notables. En 1985, Richard Levins et Richard Lewontin ont publié une série d'essais intitulés The Dialectical Biologist. Tous deux étaient (et sont toujours) de distingués professeurs de biologie à l'université de Harvard, aux Etats-Unis. Comme le suggère le nom du livre, Levins et Lewontin ont évité de dire qu'ils tentaient d'appliquer la dialectique à la biologie16. Ce n'est pas la dialectique de la biologie, dans la mesure où ils ne sont pas des philosophes considérant la biologie de l'extérieur. Au contraire, ils expliquent qu'ils l'ont adoptée comme méthode et incorporée à leur pratique de biologistes. Le livre était dédié à Engels, qui « s'est trompé à de nombreuses reprises mais a eu raison quand c'était important » (« got it wrong a lot of the time but got it right where it mattered »)17. Les lecteurs qui connaissent Levins et Lewontin savent qu'ils ont tous deux de vastes champs d'intérêts. Ils critiquent les méthodes statistiques utilisées en biologie, s'attaquent au déterminisme biologique (selon lequel le comportement humain est purement explicable par la génétique) et défendent les droits des travailleurs immigrés latino-américains aux Etats-Unis.


Cela dit, une des lignes de raisonnement les plus innovatrices qu'ont développées Levins et Lewontin est celle de l'organisme considéré à la fois comme sujet et comme objet de l'évolution18. Lewontin en particulier fait observer que les démarches classiques de la biologie de l'évolution ont vu les organismes comme objets passifs de forces échappant à leur contrôle, ces forces pouvant être internes ou externes à l'organisme en question19. Pour Darwin, les organismes répondaient à des changements dans leur environnement. Des individus, au sein d'une population, varient dans leur capacité à survivre et à se reproduire, mais il faut que des pressions externes de l'environnement agissent sur cette variation pour déterminer lesquels de ces individus connaîtront le plus de réussite. Ces individus passeront leur gènes à la génération suivante. Lorsque l'évolution est expliquée de cette manière, l'environnement est vu comme posant à une espèce un ensemble particulier de problèmes auxquels elle doit trouver une solution en passant par un processus d'essais et d'erreurs. Par exemple, l'environnement de la baleine à bosse est froid et regorge de plancton nutritif et de petits poissons. Elle « résout le problème » de la vie dans cet environnement en élaborant de l'huile pour survivre dans les eaux glacées, une bouche énorme et d'impressionnantes techniques pour attraper sa nourriture. La vie d'un mangeur de plancton de grande taille nageant dans des eaux froides est ce que les écologistes appellent une niche.


Là où les darwiniens classiques voient les organismes comme réagissant à des forces agissant sur eux de l'extérieur, les déterministes génétiques regardent dans l'autre direction. Ils prétendent que les plantes et les animaux répondent à des stimuli internes en provenance de leurs gènes. Richard Dawkins ne cesse de comparer les êtres vivants à des robots: « Nous sommes des machines à survie – des robots programmés aveuglément pour préserver ces molécules égoïstes appelées gènes »20. Dans cette vision de la biologie les organismes, y compris humains, se développent selon un schéma prédéterminé dont décide l'information codée dans les gènes.


Il ne s'agit pas de proclamer que ces approches sont toutes deux erronées, ou qu'elles sont mutuellement incompatibles. Dawkins a défendu avec constance la théorie de l'évolution contre les créationnistes. En fait les deux démarches, l'une mettant l'accent sur les facteurs externes et l'autre privilégiant les facteurs internes, ne considèrent qu'un aspect de la question. L'argument de Levins et Lewontin consiste à dire que les deux systèmes ignorent le rôle que l'organisme lui-même joue dans sa propre évolution21. L'organisme y est vu comme un lieu passif ou gènes et environnement interagissent. Les biologistes dialectiques proclament qu'un organisme est aussi, à sa manière, non seulement l'objet mais « le sujet de sa propre évolution »22. Les organismes définissent une niche autour d'eux en déterminant quels aspects de leur environnement immédiat sont les plus importants. Par exemple, un pic-vert peut accorder de l'intérêt à l'écorce d'un arbre donné, mais pas aux pierres qui sont à sa racine. D'autres oiseaux, qui utilisent des pierres pour briser des coquillages, vont les considérer comme importantes et les traiteront comme un élément pertinent de leur environnement23. Nous ne pouvons savoir ce qu'est une niche en l'absence de l'organisme qui l'habite. Il n'y a jamais eu une offre d'emploi non satisfaite pour quelque chose qui vit dans les eaux froides attendant qu'une baleine à bosse se développe pour s'y porter candidate. Cette niche particulière s'est développée dans un rapport avec l'évolution de la baleine.


Levins et Lewontin ont également attiré l'attention sur les nombreuses manières qu'ont les organismes d'agir sur leur environnement en même temps qu'ils y réagissent. Les castors construisent des barrages pour se rendre l'environnement plus habitable; les racines des plantes modifient la composition du sol qui les entoure afin d'en extraire plus facilement des éléments nutritifs. Les êtres vivants ont changé la planète d'une manière spectaculaire, allant jusqu'à modifier l'atmosphère de façon irréversible en y ajoutant de l'oxygène. Nous ne sommes pas seulement des objets destinés à ce que des forces extérieures agissent sur nous. Levins et Lewontin étudient comment les organismes se relient activement à leur environnement, d'une manière qui implique que ni l'organisme ni l'environnement ne peut être compris en l'absence de l'autre. Ceci est en opposition directe avec la démarche cartésienne, qui tente d'observer un organisme de façon isolée. De plus, cette relation se développe dans le temps en même temps que l'organisme croît – les animaux et les plantes ont une histoire.


Stephen Jay Gould et Niles Eldredge ont aussi appliqué une compréhension dialectique à des processus qui se développent de manière disloquée, incohérente, plutôt que régulièrement et graduellement. Dans leur théorie de l'équilibre ponctué (punctuated equilibrium), l'évolution est caractérisée par de longues périodes statiques parsemées de moments dans lesquels les espèces évoluent très rapidement24. Gould admettait que cette théorie était influencée par la philosophie marxiste et déclarait que « la pensée dialectique devrait être prise plus au sérieux par les chercheurs occidentaux »25. Mais malgré la similitude étroite entre l'équilibre ponctué et les intuitions dialectiques sur la progression graduelle et les bonds, elle a su comme théorie subsister contre vents et marées. Steven Rose, chercheur en neurologie et vulgarisateur de la philosophie de la biologie, cite la tradition dialectique comme l'une des influences qu'il a subies26. Son argument selon lequel les systèmes complexes ont des propriétés qui ne peuvent être expliquées en examinant isolément chacun de leurs éléments a un lien de parenté avec la pensée dialectique telle qu'on la voit à l'œuvre chez quelqu'un comme Harvey.


Arguments contre une dialectique de la nature


Les marxistes n'ont pas unanimement accepté l'idée des processus dialectiques agissant dans la nature comme l'ont fait les biologistes dialecticiens. Les conceptions d'Engels à ce sujet ont provoqué une vive polémique dès la parution de Dialectique de la nature, ses idées se trouvant alors « déformées à la fois par des ennemis et de prétendus amis »27. Il est possible qu'une partie de la confusion vienne de la formulation par Engels des trois lois de la dialectique. Ces lois – empruntées au philosophe idéaliste allemand Hegel – étaient considérées par Engels comme descriptives des processus à l'œuvre aussi bien dans le monde social que dans la nature. Les lois en question sont l'interpénétration des opposés (l'unité des contraires), la transformation de la quantité en qualité, et la négation de la négation. On cite souvent des exemples tirés de la science et de la nature pour expliquer ces trois lois. Pour la loi de la transformation du changement quantitatif en changement qualitatif, on mentionne souvent la transformation de l'eau en vapeur lorsque sa température atteint 100°C. Un changement quantitatif de température mène à un changement qualitatif d'un état à un autre. Il y a aussi l'exemple de la poule et de l'œuf. Lorsqu'un poussin s'extirpe d'un œuf il le détruit – il le nie – mais lorsqu'il devient un poulet qui nie le poussin, c'est la négation de la négation.


En choisissant ces exemples, nous considérons souvent comme allant de soi que les processus dialectiques existent dans la nature. Mais cette hypothèse est rejetée par de nombreux commentateurs marxistes. La banalité de certains de ces exemples est une des raisons pour lesquelles certains ont remis en question la notion de dialectique de la nature. Ian Birchall fait remarquer avec raison que « faire une révolution... est tout de même plus complexe que faire une tasse de thé – ou même élever des poulets »28. La dialectique de la nature a aussi été critiquée comme tentative de fournir une preuve commode à l'appui d'un ensemble de lois plus ou moins arbitraires. Il doit être possible de trouver dans le monde « naturel » la preuve de lois telles que la négation de la négation si on est suffisamment observateur et si on sélectionne avec soin les exemples qu'on choisit. Ce qui a suscité chez Jean-Paul Sartre le commentaire selon lequel « on ne trouve dans la Nature que la dialectique qu'on y a mise »29.


D'autres proclament qu'Engels était fondamentalement dans l'erreur, qu'il n'avait pas compris la méthode dialectique de Marx, ou qu'il l'avait corrompue en l'étendant au delà des questions sociales ou historiques. George Lichtheim, qui écrivait au début des années 1960, alors que de nombreux penseurs marxistes tentaient de nettoyer la doctrine de toute association avec le stalinisme, disait que c'était Engels le problème. Pour Lichtheim et d'autres gens de gauche, l'idée qu'il y eût des « lois » dans la nature était inconciliable avec le socialisme par en bas. Les lois impliquent que la nature – et par conséquent l'histoire humaine – suit un cours prédéterminé. Et si l'histoire est déjà écrite, il n'y reste plus aucun rôle pour l'action consciente de la classe ouvrière. Si nous tentons de distiller la dialectique en un ensemble de trois lois, nous courons le risque de rompre ses liens avec la réalité concrète dont elle est censée émaner. Appliquer des lois à la nature suggère une distinction dualiste entre la pensée et la réalité dans laquelle l'une détermine l'autre. Comment cela peut-il être concilié avec une conception du marxisme qui proclame l'unité de la théorie et de la pratique? Il devint courant, dans les années 60 et 70, de considérer, chez certains universitaires de gauche de diverses tendances, que les idées d'Engels étaient à la racine de l'interprétation stalinienne du socialisme – c'est-à-dire comme pouvant être apporté aux travailleurs par une élite située au sommet de la société. Certains ont même utilisé les commentaires d'Engels sur la nature pour rejeter totalement sa contribution à la tradition marxiste30. Plus récemment, d'autres auteurs ont trouvé plus facile d'accepter la position « nuancée » de Marx, les idées d'Engels se trouvant qualifiées de « scientistes » ou de « déterministes »31.


En fait, il semble peu probable que Marx et Engels aient été de leur vivant en désaccord sur les questions relatives à la science et à la nature. Ils avaient fini par mettre en place une espèce de division du travail, dans laquelle Engels s'occupait de la science pendant que Marx se concentrait sur la rédaction du Capital, mais ils se rendaient souvent visite, en particulier après qu'Engels se fût installé à Londres en 1870, et discutaient régulièrement et dans le détail de leurs travaux respectifs. Rien, dans la correspondance de Marx et Engels, ne suggère le moindre désaccord. Cela ne revient pas à dire que Marx était ignorant en matière scientifique. En fait, il citait souvent des exemples tirés de la chimie et de la physique pour illustrer certaines argumentations du Capital. Il cite notamment l'exemple du mouvement elliptique en physique pour expliquer la contradiction32 et se réfère à la chimie organique. Marx explique qu'apporter des changements quantitatifs à la structure chimique d'un composé – en ajoutant du carbone, de l'oxygène et de l'hydrogène dans des proportions différentes – peut amener ces substances à acquérir des propriétés qualitativement différentes33.


Il n'en reste pas moins que la Dialectique de la nature a été très influente en Union soviétique après y avoir été publiée en 1925. La version de la dialectique qu'utilisaient les staliniens était liée à une application rigide des trois lois d'Engels. Les lois étaient martelées par Staline et ses partisans acceptaient le concept d'une dialectique de la nature, de façon semble-t-il totalement non critique. Des professeurs qui avaient jusque-là dirigé des institutions se trouvaient remplacés par de jeunes collègues qui avaient proclamé leur allégeance au matérialisme dialectique, du moins à sa version stalinienne. De nombreux scientifiques jusque là respectés étaient emprisonnés et même exécutés. Trofim Lissenko, qui rejetait la génétique comme une déviation bourgeoise, fut nommé directeur de l'Institut de génétique. Ces attaques contre la science faisaient partie d'une grande opération de « bolchevisation » de tous les domaines de la vie intellectuelle. C'était, en partie, un effort pour contraindre la science à s'adapter aux besoins spécifiques de l'Union soviétique pour se maintenir comme puissance mondiale. Il ne pouvait plus être question de science pure. Les scientifiques devaient justifier leur travail en démontrant sa pertinence dans le cadre du Plan quinquennal de développement économique de Staline. Mais c'était aussi un effort idéologique pour justifier l'existence de l'Union soviétique, tant aux yeux de ses propres citoyens que pour les sympathisants d'Occident, comme une société totalement organisée selon les intérêts du prolétariat34.


Ainsi Engels a-t-il pu inconsciemment jouer un rôle dans cette étonnante tentative de contraindre la science à se montrer plus « dialectique ». Mais une approche dogmatique de la dialectique était à mille lieues des intentions d'Engels. Et bien sûr, la Dialectique de la nature était un ouvrage inachevé – une série de notes, qu'Engels aurait peut-être considérablement révisée s'il l'avait publiée lui-même. Helena Shehan, dans Marxism and the Philosophy of Science, assure que son travail devrait être davantage considéré comme pointant vers des domaines qui nécessitaient une étude plus approfondie plutôt que comme le dernier mot sur la question35. Cette approche est également suggérée par les propres commentaires d'Engels sur la science, à nouveau dans Ludwig Feuerbach, où il traite de l'utilité potentielle de la philosophie de Hegel, dont il a extrait les trois lois, et rejette certaines interprétations conservatrices de celle-ci. Engels déclare: « … on proclame comme étant la vérité absolue tout le contenu dogmatique du système de Hegel, ce qui est en contradiction avec sa méthode dialectique, qui dissout tout ce qui est dogmatique; voilà comment le côté révolutionnaire de la doctrine de Hegel est étouffé sous le foisonnement de son aspect conservateur »36.


Il semble bien que ce qui est dit ici, c'est que les lois de Hegel devraient elles-mêmes rester ouvertes à réévaluation et réinterprétation. Elles ne sont pas un ensemble de règles fixes. Malgré tout, cela ne revient pas à dire qu'il destinait la dialectique à n'être qu'une méthode. Il semble également clair, du moins en ce qui concerne Engels, que les façons de penser le monde ne peuvent être séparées de la nature véritable du monde qu'il s'agit d'étudier.


Lukács et la dialectique de la société


Le travail du marxiste hongrois Georg Lukács a constitué un outil particulièrement puissant dans la polémique contre la dialectique de la nature. Lukács se souciait de l'interprétation pratique de la philosophie marxiste, la dialectique étant un véhicule de la révolution. Il est notoire que les idées de Lukács ont changé au cours de sa vie, et il ne serait pas possible de couvrir sa pensée dans le détail ici. Cela dit, sa première approche de la philosophie dialectique apparaît clairement dans son œuvre classique Histoire et conscience de classe, publiée en 1923 pendant qu'il était en exil à Vienne. Lukács était un membre dirigeant du parti communiste de Bela Kun, alors que la gauche était dominée par un parti social-démocrate bien plus grand. Il avait été contraint à fuir la Hongrie après la prise du pouvoir par l'amiral Horthy, qui avait interdit les communistes et exécuté et emprisonné des milliers de leurs partisans37.


Lukács prétendait que nous ne pouvons saisir immédiatement la nature véritable du monde qui nous entoure. Nous vivons et pensons dans une société bourgeoise qui déforme nos idées. Sous le capitalisme, beaucoup de choses qui nous sont essentielles prennent la forme de marchandises qui sont échangeables contre de la monnaie. Les propriétés matérielles des marchandises, et leur origine sociale, sont ainsi obscurcies en même temps qu'une seule de leurs propriétés devient pertinente: leur prix sur le marché. Marx expliquait que l'échange capitaliste de marchandises suit sa propre logique – et peut donner une impression d'inévitabilité. Comme dit Lukács dans Histoire et conscience de classe :


Objectivement, un monde de choses achevées et de relations entre choses (le monde des marchandises et de leur mouvement sur le marché) surgit, dont les lois sont, certes, peu à peu reconnues par les hommes, mais qui, même dans ce cas, leur sont opposées comme autant de puissances insurmontables produisant d'elles-mêmes tout leur effet38.


Et donc nous pensons que le système capitaliste est constitué de séries d'objets qui se relient les uns aux autres, mais cela obscurcit une réalité bien plus complexe. Lukács disait que la classe ouvrière peut comprendre le système capitaliste d'une manière unique, qui n'est pas accessible à la classe bourgeoise. Ceci est dû au fait que nous sommes nous-mêmes essentiels au fonctionnement du capitalisme. Nous vendons notre force de travail au capitaliste pour un certain prix, ainsi notre capacité à travailler est, d'une certaine manière, elle-même objectivée et transformée en marchandise. Le prolétariat ne se borne pas à observer le fonctionnement du capitalisme de l'extérieur, mais agit au sein même du capitalisme. Lukács suivait les traces de Marx en considérant la théorie comme un outil de la lutte des classes, inséparable de la pratique: « la dialectique matérialiste est une dialectique révolutionnaire »39, une façon de comprendre les processus à l'œuvre dans la société mais aussi un outil pour changer cette société. Lukács se concentrait sur le rôle de la classe ouvrière démasquant la réalité de la société capitaliste. Mais il n'avait pas grand-chose à dire sur le chapitre de la nature, montrant un « intérêt presque exclusif pour la dialectique dans la société »40. Les aspects du monde naturel – les animaux, les plantes, les minéraux, etc. - ne jouent pas le rôle simultané de sujets et d'objets de l'histoire qui est celui de la classe ouvrière dans la société capitaliste, selon Lukács. Ils ne connaissent pas la lutte des classes.


On pense souvent que Lukács avait complètement rejeté le concept de dialectique de la nature, une supposition qui doit beaucoup au passage suivant d'Histoire et conscience de classe: « Les malentendus qu'a suscités la manière engelsienne d'exposer la dialectique viennent essentiellement de ce que Engels — suivant le mauvais exemple de Hegel — a étendu la méthode dialectique à la connaissance de la nature »41. Cependant, John Rees ne pense pas que Lukács ait complètement rejeté l'idée de dialectique de la nature. Lukács critiquait Engels pour avoir mis le signe « égale » entre les méthodes que nous utilisons pour étudier la société et celles qui nous servent à étudier la nature. Pour Lukács, nous ne pouvons approcher l'étude de la société de la manière distanciée, objective dont nous usons (en principe) envers la nature. Nous faisons partie de la société que nous observons de l'intérieur. Il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il n'y ait pas de dialectique de la nature. Toutefois, tout processus dialectique intervenant dans la nature sans l'intervention consciente des humains diffère nécessairement de ceux observés dans la société42. Il est par ailleurs important de rappeler qu'en 1923 Lukács ne pouvait avoir lu Dialectique de la nature et ne répondait donc pas à ce texte particulier, qui n'avait pas encore été publié.


Que désignons-nous par nature ?


Des commentateurs plus récents ont contesté l'idée qu'il soit possible de couper le cordon de la société humaine et de la traiter comme séparée du monde naturel, comme Lukács semble l'avoir fait. Antonio Gramsci a dit de Lukács que « si son affirmation présuppose un dualisme entre l'homme et la nature, il a tort »43. Pour évaluer ce que peut apporter l'idée de dialectique de la nature il semble que nous devrions au moins nous mettre d'accord sur une idée quelconque de ce que « la nature » signifie réellement. Cette question est souvent absente des discussions telles que celle-ci. Le débat est généralement centré sur ce qu'est la dialectique – et il est toujours en cours. Mais le concept de nature est tout aussi difficile à cerner. Raymond Williams en parle comme « le mot qui est peut-être le plus complexe de tout le langage »44. Poser une définition une fois pour toutes dépasse l'objet du présent article, mais nous pouvons au moins contester certaines des plus réactionnaires parmi les acceptions attribuées au mot nature.


Certaines idées parmi les plus pénétrantes au sujet de la nature ont été développées dans ma propre discipline, la géographie. Cela est sans doute dû à l'histoire du sujet. Les géographes sont traditionnellement des gens qui parcourent le monde en observant différentes sociétés humaines et en suggérant comment les environnements dans lesquels vivent les gens influencent ces sociétés. Par exemple, les premiers géographes propageaient le mythe raciste selon lequel les gens des climats chauds tendaient à être plus pauvres parce que les conditions climatiques encourageaient la paresse. Aujourd'hui, tous les géographes (ou presque) critiquent la notion selon laquelle l'environnement influence la société d'une manière aussi simple et unidirectionnelle. Mais l'intérêt apporté à la relation entre la société et la nature subsiste. La géographie est souvent décrite comme une discipline hybride, en partie science sociale, en partie science naturelle45.


L'un des grands géographes à prendre une position explicitement marxiste sur ces questions était le regretté Neil Smith (dont la thèse de doctorat a été publiée sous le titre Uneven Development)46. Neil proclamait que nombre de nos idées au sujet de la nature peuvent être reliées à l'idéologie des sociétés de classe, et au capitalisme comme forme spécifique de société de classe. Son œuvre se proposait d'ajouter de la substance aux avancées partielles de Marx dans son approche de la nature. Nous avons tendance à considérer la nature comme extérieure à l'humanité. Le monde « naturel » est constitué par les étendues sauvages au delà des murs de nos cités, un paradis non souillé par la main de l'homme. Ces représentations de la nature sont centrales dans l'idéologie de nombreux penseurs environnementaux passionnément écologistes. Bien sûr, beaucoup de gens qui se considèrent comme environnementalistes sont également soucieux du bien-être des humains. Cela dit, l'idéologie de la protection de la nature considérée comme externe peut être politiquement nuisible. Elle nourrit la croyance selon laquelle les besoins des humains sont en opposition avec ceux du monde naturel, que l'on retrouve dans l'opinion tenace selon laquelle nous devrions limiter la croissance démographique pour protéger la nature. On en trouve une démonstration dans les récents propos de David Attenborough considérant les humains comme « la plaie de la terre »47. L'idéal d'une nature pouvant être abritée de la société humaine est également soutenu par des gens qui ont beaucoup moins d'intérêt à sa protection. Les penseurs technocratiques prétendent que nous pouvons prendre le contrôle de la nature. Ils suggèrent que nous parviendrons à résoudre tous nos problèmes environnementaux en développant une technologie encore plus sophistiquée. Nous pouvons gérer nos sociétés sur la base des mêmes règles économiques que par le passé, en traitant simplement la nature comme une externalité qui doit être maîtrisée48. Que la nature soit un paradis ou une ressource à exploiter, elle est toujours définie comme externe à la société. Ces approches sont toutes basées sur l'affirmation de ce dualisme nature-société.


Le dualisme nourrit aussi l'idée d'une nature inchangée ou universelle. Les penseurs bourgeois disent que comme la nature existe indépendamment de la société, ce qui est « naturel » ne doit jamais changer. Des appels à l'autorité de la nature peuvent servir à justifier les idées les plus conservatrices sur la société. La nature humaine ne change jamais. Des institutions telles que le mariage, en tant qu'entreprise exclusivement hétérosexuelle, sont également considérées comme faisant partie de l'ordre « naturel » des choses. Le capitalisme explore le monde à la recherche de nouvelles façons de détruire les ressources naturelles, mais ses apologistes exigent que leur mode de vie soit préservé pour l'éternité.


Si la pensée bourgeoise veut voir la nature comme une étendue sauvage inviolée, c'est que cela lui sert à obscurcir la situation réelle. Les êtres humains ne se limitent pas à vivre dans le monde, ils ont aussi un impact sur le monde. Différents types de sociétés traitent la nature de différentes manières. Le capitalisme a tendance à traiter tous les aspects de la nature comme susceptibles de se transformer en marchandises échangeables sur le marché. Aucun monde naturel n'échappe à son influence. Même en pensée, nous sommes contraints de nous relier à la nature d'une manière qui est basée sur les besoins du genre de société dans laquelle nous vivons. En général, nous ne nous bornons pas à contempler l'environnement, mais nous cherchons de nouvelles façons de le transformer en source de profit ou en zone d'épandage pour nos ordures. Smith disait que « sous la forme d'une étiquette de prix, toute valeur d'usage reçoit une invitation au processus de travail, et le capital – par nature la quintessence du socialisme – est poussé à honorer toutes les invitations »49.


C'est devenu frappant avec le développement des marchés du C02, qui donnent une valeur monétaire à l'air que nous respirons. Pour Smith et d'autres, la théorie de la production de la nature était un antidote aux hypothèses dualistes. Proclamer que la nature est produite ne signifie pas que nous, humains, en créons des aspects au sens littéral; nous ne construisons pas des montagnes. Cependant, nous produisons bel et bien de nouveaux organismes (par manipulation génétique) et de nouveaux écosystèmes tels que les landes résultant de la déforestation. On pourrait dire que nos actes produisent une nouvelle nature au sein de l'ancienne. Peu de parties du monde ont échappé à l'action des hommes. Marx proclamait déjà, à son époque, qu'il restait très peu d' « étendues sauvages »50.


Marx considérait la séparation idéologique entre la société et la nature comme un aspect de la société de classe, et non comme ayant toujours existé. Pour citer Smith : « La domination de l'idée de nature commence avec la séparation de la nature et de la société en deux domaines séparés et les tentatives pour les unir. Chez Marx, nous voyons la procédure inverse. Il commence avec le rapport à la nature comme unité et en déduit un résultat historique et logique simultané quelle que soit la séparation qui existe entre elles »51.


Cette approche de la nature peut aussi, en elle-même, être décrite comme dialectique. Dans la méthode que Marx a développée et utilisée dans le Capital, il utilise ce qu'Ollman appelle des degrés différents de généralisation52. L'univers dans son ensemble est à la fois complexe et en changement constant. Tout est lié à tout le reste. Mais il serait impossible de tenter de penser tout l'univers en une fois. Marx utilise par conséquent la dialectique comme méthode pour attirer l'attention sur différents aspects du monde. Parfois il se réfère à des processus à l'œuvre au sein de la société capitaliste, d'autres fois plus généralement à la société de classe. A d'autres moments il élargit encore plus le champ de son argumentation en suggérant que ce dont il parle se relie à l'ensemble du monde naturel. Cela a souvent un sens de se borner à ce qui se passe parmi les humains pour établir un point de vue, par exemple pour expliquer le rapport entre le capitaliste et le salarié. Il est parfois signifiant de se référer à la façon dont les capitalistes et les ouvriers se relient les uns aux autres dans la société capitaliste, mais cette relation n'existe pas en dehors de son contexte général. Pour Ollman, cela confirme que Marx, comme Engels, entendait appliquer la dialectique aussi bien à la société qu'à la nature, et pas seulement à la société. En considérant l'ensemble du monde naturel, dont fait partie la société humaine, on voit les choses à un degré de généralisation différent de celui qu'on pourrait utiliser pour parler de la société.


Et donc la question, pour Marx et les marxistes, n'est pas tant de savoir comment la société et la nature se relient l'une à l'autre, mais de se demander pourquoi et comment ces deux aspects de l'ensemble ont été séparés au départ. C'est ce dont se préoccupe John Bellamy Foster, qui a redonné vie au concept élaboré par Marx de rupture métabolique53. Marx disait que les êtres humains interagissent métaboliquement (métabolisme: dépenses énergétiques, échanges, nutrition...-NdT) avec le monde environnant. C'est notre capacité de travailler – d'utiliser notre force de travail – qui facilite cette interaction. Le capitalisme transforme la force de travail en une marchandise qui devient une source de profit. Il crée en même temps une rupture métabolique entre l'humanité et la nature. Ainsi la rupture est historiquement contingente et proviendrait du développement du capitalisme. Dans un passage du volume 3 du Capital , Marx décrit comment les conditions produites par le capitalisme « provoquent une rupture irréparable du métabolisme de l'échange social des matières tel qu'il est commandé par les lois naturelles de la vie »54. Marx affirme dans ce passage que la nature existe bel et bien (et va jusqu'à suggérer qu'il y a des lois naturelles). Il n'aurait pas considéré la nature comme entièrement construite socialement, comme on le dit parfois en poussant les choses à l'extrême. Ce serait complètement incompatible avec la démarche de Marx et d'Engels d'être entièrement concentré sur la nature/biologie comme si elle était séparée de la société. Mais si les deux sont inséparables, il serait tout aussi problématique de limiter son attention à l'aspect social de l'équation, et de considérer la nature comme uniquement déterminée par la société.


Si nous produisons la nature, notre rapport avec elle est beaucoup plus compliqué que s'il se limitait à la domination ou à la gestion. Mais cela signifie aussi que nous pouvons changer la façon dont nous produisons la nature. Nous devrions continuer à tenter de prévenir des processus tels que le changement climatique et l'extinction des espèces, mais sans nous imaginer que ce que nous faisons consiste à restituer l'environnement à un stade naturel imaginaire, tel qu'il aurait été avant l'apparition des humains. Au contraire, nous devons nous intéresser aux voies et moyens par lesquels la nature est produite, dans quels buts et au service de quels intérêts. Neil Smith rejette l'argument pessimiste selon lequel l'humanité exploitera toujours l'environnement. Il défend l'idée d'un socialisme basé sur un contrôle exercé par les gens ordinaires sur la production de la nature. Si nous considérons la dialectique comme existant seulement dans la société, nous risquons de renforcer l'idée que la nature est un domaine entièrement séparé, ce qui est le type de dualisme que Neil Smith, John Bellamy Foster et d'autres ont contesté. Peut-être est-ce à cause de ce dualisme que des gens comme Gramsci ont critiqué la tendance de Lukács à tenter de séparer la nature de la société. Cela dit, si Lukács avait tort sur la nature, cela ne signifie pas que ses idées sont inutiles pour une politique environnementale progressive. Des penseurs récents, en particulier des géographes, ont appliqué les idées de théoriciens marxistes comme Lukács, Gramsci et le philosophe marxiste français Henri Lefebvre à des questions relatives au monde naturel55.


Les débats sur Dialectique de la nature ont une signification plus large pour la théorie marxiste que la relation entre Marx et Engels ou même que la question importante de notre approche de la nature. Ils touchent aux racines de questions comme: quel genre de philosophie est le marxisme, et à quoi est censée servir cette philosophie. Il semble qu'Engels essayait de comprendre quelque chose de fondamental sur la façon dont le monde fonctionne. Il voyait la dialectique comme décrivant des processus matériels réels. Quand il dit que le changement quantitatif mène au changement qualitatif cela ne signifie pas seulement que c'est utile comme méthode de traitement du monde comme lieu où cela se passe, ou de penser le monde de cette manière. Les philosophes ne sont même pas tous d'accord pour dire que le monde existe en dehors de l'esprit de la personne qui pense. Et tenter de comprendre quelque chose à la façon dont ce monde fonctionne n'est pas un rôle universellement reconnu à la philosophie56. Pour de nombreux penseurs, il est bien trop ambitieux de prétendre qu'il existe des lois ou des processus sous-jacents gouvernant la réalité, et que nous pouvons les comprendre.


Cela dit, cette conception matérialiste de la philosophie est conforme à l'approche des questions sociales qui était celle de Marx. Celui-ci convenait, dans ses Thèses sur Feuerbach, que « le débat sur la réalité ou l'irréalité de la pensée isolée de la pratique est une question purement scolastique »57. Si notre but est de changer le monde, il va de soi que nous devons admettre que le monde existe. Et nous devons prendre au sérieux le projet de tenter de comprendre ce monde. La raison d'être du marxisme, bien évidemment, est l'intervention dans le monde, et non pas sa seule compréhension. Nous interprétons le monde en y intervenant et notre intervention se base sur notre interprétation.


Pourquoi n'y a-t-il pas davantage de penseurs dialectiques ?


Mais s'il y a effectivement des processus dialectiques à l'œuvre dans le monde naturel, cela pose la question de savoir pourquoi seulement une infime minorité des scientifiques qui étudient la nature le reconnaissent ouvertement. Pourquoi n'y a-t-il pas davantage de scientifiques dialecticiens ?


Nous supposons souvent que la science est neutre. En d'autres termes, nous avons tendance à penser que lorsque les scientifiques observent le monde naturel leurs méthodes d'investigation leur apportent une compréhension objective du monde inaccessible au commun des mortels. Mais les scientifiques ne vivent pas en dehors de la société. Leurs théories, de même que le genre de questions qui leur semblent dignes d'intérêt, reflètent le type de société dans laquelle ils vivent et travaillent. Ainsi on peut dire des scientifiques qu'ils observent le monde réel, mais à travers un prisme social qui déforme leur vision58. Le capitalisme, comme le reconnaissait Lukács, a besoin de transformer des éléments du monde naturel en marchandises destinées à être échangées sur le marché. Les chercheurs qui travaillent sur l'accélération du taux de photosynthèse chez les végétaux ont isolé un enzyme de la feuille des plantes appelé rubisco. Ils essayent de faire travailler cet enzyme de façon plus efficace afin de pouvoir fabriquer une plante qui produira des récoltes plus abondantes, pour l'agriculture, que les variétés existantes59. On peut voir comment un tel système peut encourager la science à considérer le monde de manière réductionniste plutôt que dialectique. Phil Gasper pense que la tendance au réductionnisme dans la science capitaliste reflète la domination de l'individualisme dans la société capitaliste60. Il n'est pas vraiment utile à ces scientifiques de considérer l'enzyme qu'ils tentent d'améliorer comme un complexe de processus, ou de le situer dans une relation évoluant historiquement avec son environnement. Il leur est beaucoup plus facile de travailler sur cet enzyme s'ils peuvent le traiter séparément du reste de la plante.


John Parrington dit la même chose lorsqu'il reconnaît que le réductionnisme, « la croyance qu'un système est mieux compris en le disséquant en ses parties constitutives et en étudiant celles-ci individuellement », a produit un outil efficace dans sa propre recherche sur la biologie moléculaire de la fertilité humaine61. Mais le réductionnisme touche aux limites de son utilité lorsqu'il s'agit de situer des découvertes dans un ensemble plus large. Et il est particulièrement problématique lorsqu'on l'utilise pour essayer d'interpréter les implications sociales de la recherche biologique – lorsqu'il cesse d'être une méthode pour devenir une idéologie.


Les biologistes dialecticiens – Levins et Lewontin, ainsi que quelques autres comme Steven Rose – peuvent être accusés d'utiliser une version édulcorée de la dialectique. Ils ne prennent pas explicitement en compte les trois lois tant décriées de la dialectique. Chris Harman disait que si nous ne reconnaissons pas la présence de ces lois hégéliennes dans la nature, en particulier la négation de la négation, nous passons à côté de « quelque chose de central »62. Harman expliquait que les organismes ne se bornent pas à se relier à leur environnement, mais sont « niés » par cet environnement. La façon dont ils réagissent à l'environnement peut être vue comme un cas de négation de la négation. Pour Harman, la capacité d'agir sur l'environnement est commune à de nombreux types d'organismes vivants. Mais, à l'inverse de Levins et Lewontin, il proclame que seuls ceux qui ont développé une conscience – les êtres humains – peuvent être considérés comme passant de l'état d'objets à celui de sujets. Seuls les humains sont capables de contrôler le monde qui les entoure, plutôt que d'y réagir par une « réponse aveugle »63.


Christof Niehrs, embryologiste allemand, a noté de façon explicite, dans un récent article scientifique, les similitudes formelles entre les processus biologiques et les lois de Hegel64. Niehls examine la façon dont les embryons animaux se développent dans les tout premiers stades, bien avant d'être passés d'une boule de cellules à un fœtus identifiable. Des substances chimiques appelées morphogènes sont produites par des cellules situées sur un côté de l'embryon. Ce côté commence à se transformer en ce qui va devenir, chez les vertébrés, le côté où se situe la moelle épinière (le côté dorsal). Puis elles déclenchent l'émission de divers corps chimiques, du côté opposé, qui vont agir contre la production de ce premier groupe de morphogènes (les nier). Celles-ci sont à leur tour niées sur le côté dorsal. C'est là un des stades les plus importants du développement animal. Il déclenche le processus qui va finalement mener à la formation d'un animal avec une tête et une queue plutôt qu'à une masse homogène de cellules. Et il ne pourrait pas ressembler davantage à la négation de la négation.


En tous cas, noter des exemples intéressants des lois de Hegel dans la « nature » ne nous renseigne pas beaucoup sur le point de savoir comment les scientifiques peuvent les utiliser, et s'ils le peuvent. Si on attend des scientifiques qu'ils partent de l'idée qu'ils doivent se mettre à chercher des exemples de ces lois dans leur travail (ce que Chris Harman n'a pas suggéré), cela risque de transformer la dialectique en un exercice purement scolastique. Tous les biologistes mentionnés ici déclarent que lorsqu'ils entrent dans un laboratoire ils utilisent les mêmes méthodes scientifiques que les autres. La dialectique est pour eux un moyen d'interpréter les résultats de leurs expériences, et non une excuse pour ne pas faire ces expériences. Connaître les lois de la dialectique n'est pas un substitut à une compréhension scientifique basée sur la connaissance de phénomènes matériels spécifiques.


Conclusion


Nous expliquons souvent la dialectique en utilisant des exemples tirés de la science et de la nature – mais l'idée que la dialectique peut s'appliquer dans ces domaines n'est pas universellement acceptée. De nombreux marxistes rejettent complètement la notion de dialectique de la nature. Mais il y a aussi une tradition marxiste qui considère la séparation entre la nature et la société comme typique de l'idéologie capitaliste. Si nous remettons en question la division entre société et nature, et si nous sommes d'accord pour dire que la dialectique nous éclaire sur la société, pouvons-nous prétendre de façon vraisemblable qu'elle n'a rien à nous dire sur la nature ?


La dialectique de Marx et Engels est une philosophie matérialiste. Elle traite le monde comme changeant parce qu'il change réellement, et comme contradictoire parce qu'il est réellement contradictoire. Le monde « naturel » est changeant. Dans la période récente, la concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère a dépassé 400 parties par million pour la première fois depuis que les mesures ont commencé en 1958. Le niveau des gaz dans l'atmosphère est fluctuant, mais il est possible qu'il atteigne prochainement un stade à partir duquel se produiront des changements irréversibles. Si le permafrost sibérien commence à fondre, les scientifiques prévoient que cela pourrait libérer le méthane contenu dans la couche gelée. Le méthane est aussi un gaz à effet de serre, et il est plus puissant que le dioxyde de carbone, et donc il provoquera davantage de réchauffement – provoquant encore plus la fonte du permafrost. Cela ne signifie pas que la terre n'a jamais été aussi chaude par le passé – ce n'est pas anti-naturel – mais que cela comporte des conséquences dévastatrices pour les gens qui devront en subir les effets. Ce sont les humains qui causent ces changements dans notre environnement, et ces mutations ne peuvent être comprises de façon significative sans faire référence à nos sociétés.


La dialectique est un outil pour comprendre la réalité du monde dans lequel nous vivons. Comme disait Engels, elle nous parle de la matière en mouvement. Si nous essayons de traiter le monde comme s'il pouvait être divisé en éléments séparés, et que tout ce qu'il contient reste inchangé, nous risquons de laisser quelque chose d'important échapper à notre compréhension. Mais les marxistes ne se bornent pas à interpréter le monde; nous changeons également la réalité. L'approche dialectique considère le problème de la rupture actuelle avec la nature comme un aspect de la société de classe – et, avec tout le reste, comme quelque chose qui peut être changé.



(traduit de l'anglais par Jean-Marie Guerlin)




Copyright International Socialism, 2014

1Engels, Ed. Soc., Paris, 1952

2Cité in Marxism and the Philosophy of Science: A Critical History, Helena Sheehan, 2e édition, 1993, (Humanities Press International), p. 24.

3Marx et Engels ont, de façon célèbre, décrit les théories de Darwin comme fournissant, dans le champ de l'histoire naturelle, « la base de notre opinion » - Marx’s Ecology: Materialism and Nature, John Bellamy Foster, 2000 (Monthly Review Press), p. 197. Même si la rumeur selon laquelle Marx se proposait de dédier le Capital à Darwin est malheureusement fausse, la persistance de ce mythe montre qu'il est possible d'y croire (cf. « Historical Materialism: From Social Evolution to Revolutionary Politics », Paul Blackledge, in Historical Materialism and Social Evolution (Paul Blackledge and Graeme Kirkpatrick), 2000 (Palgrave Macmillan), p. 11).

4Sheehan, op. cit. Le jeune Marx était aussi instruit en géologie, ayant étudié sous la férule de Johann Steininger, lui-même un élève d'Abraham Werner – un des premiers à soutenir l'idée, alors radicale, que la terre avait une histoire – Foster, op. cit., p. 117.

5Callinicos, The ressources of critique, 2006, pp. 210-211.

6Foster, op. cit., p. 203.

7Sheehan, op. cit, pp. 316-326.

8Marx, le Capital, 1867.

9John Molyneux, The Point is to Change it: An Introduction to Marxist Philosophy (Bookmarks, 2012).

11Bertell Ollman, Dance of the Dialectic: Steps in Marx’s Method (University of Illinois Press, 2003) (même si la métaphore de la voiture qui roule avait été avant lui utilisée par Louis Althusser – merci à Alex Callinicos pour l'avoir fait observer).

12David Harvey, Justice, Nature and the Geography of Difference (Blackwell, 1996).

13Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, 1888 (Editions Sociales, 1976, p. 61).

14Bertell Ollman, op. cit.

15David Harvey, op. cit.

16Cette argumentation sur le rôle de la dialectique en biologie n'est pas censée impliquer qu'il n'y a aucun rôle pour la pensée dialectique dans d'autres domaines de la science tels que la physique. J'ai choisi la biologie du fait de l'influence particulière de Levins et Lewontin, et aussi parce que c'est le sujet qui m'est le plus familier. Pour un tour d'horizon utile de la physique, voir Paul McGarr, « Engels and Natural Science », International Socialism numéro 65, 1994.

17Richard Levins et Richard Lewontin, The Dialectical Biologist (Harvard University Press, 1985).

18Ibidem, et Richard Lewontin, « Organism and Environment », in H C Plotkin, Learning, Development, and Culture (John Wiley & Sons, 1982).

19Levins et Lewontin, op. cit., pp 85-106. Voir aussi Brett Clark et Richard York, 2005, « Dialectical Nature: Reflections in Honor of the Twentieth Anniversary of Levins and Lewontin’s The Dialectical Biologist », Monthly Review, volume 57, numéro 1.

20Richard Dawkins, The Selfish Gene (Oxford University Press, 1976), p.ix.

21Levins et Lewontin, op. cit., pp. 87-89.

22Levins et Lewontin, op. cit., p. 89.

23Levins et Lewontin, op. cit., p. 99.

24Niles Eldredge et Stephen Jay Gould « Punctuated Equilibria: An Alternative to Phyletic Gradualism », in Thomas J M Schopf, Models in Paleobiology (Freeman Cooper and Company, 1972).

25Phil Gasper, « Bookwatch: Marxism and Science », International Socialism 79 (été 1998),

26Steven Rose, Lifelines: Life beyond the Gene (Vintage, 1997).

27Paul McGarr, op. cit.

28Ian Birchall, « Dialectics: The Whole Truth », Socialist Review (Janvier 1983).

29Jean-Paul Sartre, Critique de la raison dialectique, (Gallimard, 1985), p. 150.

30Voir John Rees, « Engels’s Marxism », International Socialism 65 (hiver 1994).

31Heather Brown, Marx on Gender and the Family: A Critical Study (Brill, 2012), p. 211.

32Karl Marx, Capital I, 1867. Thomas Weston, « Marx on the Dialectics of Elliptical Motion », Historical Materialism, volume 20, numéro 4, 2012.

33Karl Marx, Capital I, 1867.

34Sheehan, op. cit. L'épisode de la science prolétarienne et de Lyssenko en particulier sont décrits par l'historien de la science Loren Graham (Science in Russia and the Soviet Union: A Short History, Cambridge University Press, 1993) et aussi par Levins et Lewontin, op. cit., pp. 163-196.

35Sheehan, op. cit.

37John Rees, The Algebra of Revolution: The Dialectic and the Classical Marxist Tradition (Routledge, 1998).

38Georg Lukács, Histoire et conscience de classe, Editions de Minuit, 1960.

39Ibidem.

40John Rees, op. cit., p. 252.

41Georg Lukács, op. cit.

42John Rees, op. cit., p. 252.

44Raymond Williams, Keywords: A Vocabulary of Culture and Society (Fontana, 1976), p. 219.

45Noel Castree, « Marxism and the Production of Nature », Capital and Class, volume 24, number 5, 2000.

46Neil Smith, Uneven Development: Nature, Capital and the Production of Space (University of Georgia Press, 1990).

47Louise Gray, « David Attenborough—Humans are plague on earth », The Telegraph (22 janvier 2013).

48Noel Castree, op. cit.

49Neil Smith, op. cit.

50Marx et Engels disent qu'une nature séparée de l'histoire humaine n'existe plus nulle part « à part peut-être quelques ilots de corail australiens d'origine récente » - L'idéologie allemande, 1843. Il faut ajouter que l'humanité n'a pas beaucoup d'impact sur l'espace intersidéral (à part quelques satellites et des ordures spatiales) même si pour beaucoup de partisans des idées de Smith sur la production de la nature il ne s'agit là que de questions académiques.

51Neil Smith, op. cit., p. 48.

52Bertell Ollman, op. cit.

53John Bellamy Foster, op. cit.

54Karl Marx, Capital III, Chapitre 47, (traduction SJ).

55Voir par exemple Alex Loftus, Everyday Environmentalism: Creating an Urban Political Ecology (University of Minnesota Press, 2012).

56John Molyneux, op. cit.

57Marx, Etudes philosophiques, Editions sociales, 1977, p. 48.

58John Parrington, « The Human Genome Project: Brave New World of Scientific Understanding or False Dawn? », International Socialism 139 (été 2013).

59Debora Mackenzie, « Supercrops: Fixing the Flaws in Photosynthesis », New Scientist,

issue 2777, 2010.

60Phil Gasper, op. cit.

61John Parrington, op. cit.

62Chris Harman, Chris, « Dialectics of Morality—a Review of Alex Callinicos The Resources of Critique », International Socialism 113 (hiver 2007).

63Chris Harman, « To Be and Not to Be », Socialist Worker Review 108 (Avril 1988),

64Christof Niehrs, « Dialectics, Systems Biology and Embryonic Induction », Differentiation, volume 81, numéro 4, 2011.

Voir en ligne : Dialectics, nature and the dialectics of nature

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