Que se passe-t-il avec la France ?

Octobre 2014

par Denis Godard

15 octobre 2014

Alors que la France a connu des luttes de masse pendant une quinzaine d’années et qu’en 2012 le Parti socialiste est revenu au pouvoir, c’est le Front National qui bénéficie actuellement des trahisons du PS et de la crise de la droite traditionnelle.
Le Nouveau parti anticapitaliste, né dans l’enthouiasme en 2009, a perdu les deux tiers de ses effectifs. Jean-Luc Mélenchon, figure emblématique du Front de gauche, a démissionné en juillet de la présidence de son parti (le parti de gauche) membre de la coalition regroupant aussi le Parti communiste et différents courants dont des scissions du NPA. Le Front de gauche est sans doute désormais mort.

Des facteurs objectifs ?

Ce retournement de tendance, reflux des luttes, crise de la gauche radicale et montée de l’extrême-droite, ne peut être attribué à des facteurs objectifs car les opportunités n’ont pas manqué en France.
Pendant 15 ans, de décembre 1995 à l’automne 2010 la France a connu une période de luttes de masses sur différents fronts, grèves de masse prolongées impliquant des millions de travailleurs à plusieurs reprises, mouvements antiracistes et antifascistes, grèves des sans-papiers, révoltes des banlieues, mouvement antiguerre, luttes des chômeurs, des étudiants et des précaires, mouvement altermondialiste.
Une intense politisation en a découlé donnant naissance, après la victoire du Non au réferendum sur le traité européen en 2005 à des centaines de collectifs pour regrouper la gauche radicale puis, en 2007 au processus aboutissant à la fondation par 10 000 membres du NPA en 2009. Peu après naissait le Front de gauche.

Le retournement de 2010

15 années de lutte avaient construit une génération de dizaines de milliers d’activistes sur différents fronts qui n’étaient pas seulement des combattants mais qui avaient commencé à identifier que le problème repose dans la logique globale du capitalisme, ce que nous appellions une conscience anticapitaliste. Leur audience s’étendait à des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs leur permettant d’entrer dans une certaine confrontation avec les directions traditionnelles du mouvement ouvrier. En 2010 le mouvement de grève fut lancé par ces activistes contre l’avis des directions syndicales et passera très près d’une grève générale reconductible.
La raison pour laquelle les directions syndicales réussirent finalement à casser cette grève était que ces dizaines de milliers d’activistes, ou du moins une fraction significative d’entre eux et elles, n’étaient pas coordonnéEs au sein d’une organisation avec un minimum de perspectives communes pour devenir une direction alternative. Les directions traditionnelles continuaient de dominer par défaut et le mouvement se replia sans mener le combat jusqu’au bout.

Le NPA et le faux débouché Front de gauche

Le NPA, lancé entre 2008 et 2009 par les socialistes révolutionnaires de la LCR, aurait pu être cette organisation regroupant des dizaines de milliers d’activistes. Mais la LCR s’est avérée incapable d’articuler la construction de ce type d’organisation large avec le besoin d’argumenter en son sein pour une politique révolutionnaire. Restant au milieu du chemin elle ne fit ni l’un ni l’autre. En conséquence ces dizaines de milliers d’activistes n’ont pas rejoint le NPA paralysé par ses divisions sur de multiples questions.
C’est le Front de gauche qui recueillit temporairement les fruits du mouvement (et de la déception) de 2010, dynamique culminant dans une campagne électorale impressionante lors des élections présidentielles de 2012. Mais cette campagne était l’expression d’un double-mouvement. Le dynamisme de la campagne et son audience étaient l’expression de la généralisation des luttes des 15 années précédentes et de leur radicalisation. Mais l’audience pour le Front de gauche était aussi l’expression d’un reflux de cette dynamique vers le terrain institutionnel : ce qu’on n’a pas pu gagner dans les luttes on le gagnera aux élections. La politique dominante du Front de gauche, marquée par la figure de Jean-Luc Mélenchon, ancien ministre socialiste et par la direction du Parti communiste, entraînait une coupure de plus en plus prononcée entre les luttes et le « débouché politique » électoral et institutionnel.

Initiative de la droite réactionnaire

Après la victoire du Parti socialiste aux élections présidentielles et législatives de 2012, la seule perspective donnée par Jean-Luc Mélenchon à la progression électorale du Front de gauche fut... les prochaines élections pronostiquant que le Front de gauche allait passer devant le PS. Cela ne donnait aucune perspective d’action face aux attaques d’un gouvernement pour lequel des millions de jeunes et de travailleurs avaient voté.
C’est la droite la plus réactionnaire qui comprit alors que la question était de prendre l’initiative dans la rue. Pendant un an, de l’automne 2012 à l’été 2013, la scène politique et médiatique et les rues de France furent dominées par le mouvement contre le mariage pour les couples de même sexe créant le terreau favorable pour le développement de l’extrême-droite et le repli de la gauche radicale qui avait déserté le terrain.
Ce rapport de forces s’est exprimé lors de la dernière séquence des élections municiples et européennes avec un reflux de toute la gauche et une progression impressionante de l’extrême-droite.
Quelques soient ses causes, le retournement est réel et s’exprime aussi bien dans le reflux des luttes que dans la fragmentation et la désorientation des réseaux militants. Pour préparer une contre-offensive il faut organiser la défense. C’est notamment ce qui rend aussi importante la lutte contre le racisme et le Front National.

Préparer la contre-offensive

Mais il est aussi crucial de comprendre que les causes de ce retournement sont subjectives : la prise d’initiative de la droite réactionnaire, les erreurs de la gauche révolutionnaire et les impasses de la gauche réformiste.
Car rien n’est résolu sur le fond et le mouvement n’a pas été vaincu frontalement. Même actuellement fragmentés et désorientés, les dizaines de milliers d’activistes n’ont pas disparu. Dans ces circonstances, la politique et les initiatives des révolutionnaires dans le NPA seront déterminantes à condition de tirer les leçons de la séquence précédente.
Cet été lors de la guerre contre Gaza, le NPA a été aux avant-postes de la mobilisation maintenant son appel avec quelques associations aux manifestations interdites par le gouvernement. Il y a regagné une légitimité auprès de milliers d’activistes et de jeunes des quartiers populaires.
Face à un gouvernement totalement déconsidéré qui mène une politique agressive sur les terrains social et sécuritaire, des résistances réémergent sur différents fronts.
En s’impliquant sans réserves dans la mobilisation contre le fascisme et ces luttes, il s’agit désormais d’y reconstruire les bases militantes et politiques qui permettront non seulement la contre-offensive mais de lui donner des perspectives.


Partagez

Contact

Liens

  • npa2009.org

    Site web du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).

  • contretemps.eu

    Revue indépendante d’analyse stratégique anticapitaliste.

  • inprecor

    Actualité politique internationale de la revue Inprecor sous reponsabilité de la Quatrième internationale.

  • isj.org.uk

    International Socialism, Revue mensuelle théorique du Socialist Worker Party.

  • lcr-lagauche.be

    Le site web de la LCR Belge contient de nombreux articles de théorie marxiste très intéressants.

  • marxists.org

    Base de données de référence pour les textes marxistes.

  • npa-formation.org

    Le site de la commission nationale formation du NPA.


Site propulsé par SPIP | Plan du site | RSS | Espace privé