Les clameurs d’Olympie et la puissance chinoise

par Alex Callinicos

1er juin 2010

Traduction : JM Guerlin

Lorsque je suis de très bonne humeur, je trouve les Jeux Olympiques agaçants. Deux semaines de célébration, sponsorisée par McDonald, Coca-Cola et autres, d’un ramassis de crétins bardés de muscles, ça n’est vraiment pas ma tasse de thé.

Mais l’orgie de dénonciations de la Chine entourant les Jeux de Pékin donne, elle, une véritable envie de vomir. C’est vrai, la Chine est dirigée par un régime stalinien autoritaire qui réprime sans état d’âme les oppositionnels.

Bien sûr, le peuple du Tibet a droit à l’autodétermination nationale, même si lorsqu’il l’aura j’espère qu’il ne l’utilisera pas pour réinstaller au pouvoir le clergé bouddhiste.

Ce sont les certificats de démocratie de nombreux censeurs de la Chine qui ne résistent pas à un examen sérieux.

George Bush a dit, peu avant d’arriver à Pékin : « L’Amérique est fermement opposée à la détention par la Chine de dissidents politiques, d’avocats des droits de l’homme et d’activistes religieux. Nous parlons en faveur de la liberté de la presse, de la liberté de réunion, et des droits des travailleurs, non pour accuser les dirigeants chinois, mais parce que faire suffisamment confiance à son peuple pour lui accorder plus de liberté est la seule voie qui permettra à la Chine de développer tout son potentiel. »

De qui se moque-t-on ? Les États-Unis sont étroitement liés au régime égyptien, dont le respect pour « la liberté de réunion et les droits des travailleurs » a été démontré par la sauvage répression des grèves de Mahalla, et à la famille royale saoudienne, qui écrase sans sourciller la moindre expression de sentiments démocratiques.

Mais Bush n’a pas eu le culot d’inclure dans sa liste de revendications le droit à un procès équitable. On pourrait lui parler de Salim Ahmed Hamdan, l’ancien chauffeur d’Ossama Ben Laden.

Même lorsqu’il aura purgé la peine de cinq ans et demi de réclusion qui lui a été infligée la semaine dernière par un tribunal militaire aux ordres, «  il pourrait ne pas être libéré », selon le New York Times, « parce que l’administration Bush dit qu’elle peut maintenir en détention les détenus [de Guantánamo] jusqu’à la fin de la guerre contre le terrorisme ».

Le profit

Les critiques de Bush sont de l’hypocrisie pure. Mais, pourrait-on se demander, comme les multinationales occidentales extorquent un profit de la main d’œuvre bon marché fournie par le régime chinois répressif, quel est le sens de toute cette agitation ? La réponse est que la Chine n’est pas n’importe quelle vieille dictature.

Sa croissance économique accélérée déstabilise l’équilibre actuel de la puissance. Mesurée à l’aune des taux de change du marché, la part chinoise du revenu mondial est passée de 2,6 % en 1980 à près de 6 % aujourd’hui.

En utilisant une méthode de mesure qui prend mieux en compte la taille absolue des économies nationales, la part de la Chine est plutôt de l’ordre de 11 %.

On est encore très loin du niveau des États-Unis, qui, selon les mêmes méthodes de calcul, représentent 25 et 21 % du produit économique global. Cela dit, c’est vrai que la croissance économique chinoise modifie la donne des relations entre Etats.

Par exemple, des États du tiers monde qui produisent des matières premières dont la Chine a besoin n’ont plus à aller solliciter, la casquette à la main, des prêts à la Banque mondiale (contrôlée par les Etats-Unis) et à accepter des conditions abusives, exigeant d’eux qu’ils remodèlent leur économie et leur politique selon les normes néolibérales.

Cela ne signifie pas que les investissements de la Chine en Afrique ou en Amérique latine sont désintéressés. Il s’agit d’un pays capitaliste étroitement contrôlé par l’Etat assurant la sécurité de ses approvisionnements en ressources naturelles.

En réalité, la plus grande partie des hurlements contre la Chine sont bien moins motivés par des soucis humanitaires, ou le Tibet, ou l’environnement, que par la peur qu’inspire la puissance chinoise.

Bush a dit au Washington Post qu’il « est important de se mesurer aux Chinois » mais le message semble être aussi : souviens-toi qui est le patron et ne joue pas les gros bras.

Mais dans tout cela, on dirait que les puissances occidentales prennent leurs désirs pour des réalités. Elles se comportent comme si on était toujours dans la période qui a suivi la chute de l’Union soviétique, quand les Américains et leurs alliés pouvaient faire ce qu’ils voulaient.

Les choses ont changé. La puissance américaine est en déclin. L’Occident fait face à des rivaux qui ont de plus en plus confiance en eux. Si on les bouscule trop, comme le montrent les combats du Caucase, ils peuvent se retourner et mordre.

Voir en ligne : Paru dans Socialist Worker °2114, 16 août 2008, traduit de l’anglais par JM Guerlin

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