À lire

par Denis Godard

2 octobre 2009

En premier, même si ça paraît étrange, un livre qu’on n’a pas lu parce qu’il n’est pas sorti au moment de l’édition de cette revue mais qui sera publié au moment où vous la lisez :

- La France en révolte. Luttes sociales et cycles politiques 1986-2006, d’Eustache Kouvélakis, Paris, Textuel, 2007. Contre les méthodes dominantes d’analyse sur la base de sondages et de résultats électoraux découplés des luttes, Eustache raisonne sur la base du processus de développement de la lutte de classe. C’est à ma connaissance la première tentative d’étude systématique de toute la dernière période sous cet angle.

- À combiner avec la lecture de Le conflit en grève ? sous la direction de Jean-Michel Denis, La Dispute, Paris, 2005, qui démontre, plus de dix ans après 1995, le regain d’intérêt pour cette forme de lutte. L’intérêt de ce livre est autant dans la discussion des formes d’appréhension du phénomène gréviste (lire notamment Sophie Béroud et René Mouriaux) que dans les développements contemporains du conflit dans de nouveaux secteurs (Mac Do, les services…).

- Même si les auteurs ne sont pas du tout dans notre tradition, la lecture de La France en mutation 1980-2005, sous la direction de Pepper D. Culpepper, Peter A. Hall et Bruno Palier, Presses de Sciences Po, Paris, 2006, est aussi un complément intéressant à la lecture du livre d’Eustache. L’argument central du livre est que, loin des visions dominantes sur les blocages en France, la société a bien plus évolué que nos dirigeants veulent bien le dire. Ces mutations vont bien sûr dans le sens du marché et du libéralisme. La thèse des auteurs sur la spécificité de la France est que ces évolutions s’y sont produites de manière non transparente. « Cet écart entre l’ampleur des changements accomplis et le peu de visibilité politique de leurs étapes permet de comprendre la crise politique que connaît cette France en mutation ».

- On regrettera que la dernière livraison de Critique Communiste (n° 183) limite l’analyse de la situation héritée des élections présidentielles aux points de vue de la majorité de la LCR et de la PF3. Dans les deux cas l’analyse de cette situation est plus déterminée par les résultats électoraux (et les appréciations différentes bien sûr des résultats de la gauche radicale) que par les rapports de forces sur le terrain de la lutte des classes. À noter que le débat sur la stratégie continue avec un article (très) polémique de Philippe Corcuff. Si nous partageons son point de départ (les problèmes actuels dans la LCR sont liés non aux divergences tactiques mais au manque de clarifications stratégiques sur lesquelles sont débattues ces divergences), ses propositions sont clairement à l’opposé des nôtres (Proudhon plutôt que Hegel, Durkheim autant que Marx…). Mais dans son catalogue critique des différentes contributions parues dans ce débat il soulève (pour y donner des critiques qui seraient opposées aux nôtres) de nombreux lièvres. À suivre donc. Cependant le cour du dernier numéro de Critique Co porte sur la question de la discrimination, ses nouvelles formes et les liens/autonomie entre les rapports d’oppression et d’exploitation. On retrouve là un des aspects des débats stratégiques en cours.

- Le dernier numéro de la revue des Indigènes de la République, L’Indigène, peut être croisé avec la lecture de ce dossier de Critique Communiste. En effet Saïd Bouamama y lance un débat sur les liens entre questions de race et de classe. Argumentant contre les deux visions qui essentialiseraient l’une des deux questions, il argumente pour le retour de la question de classe dans le combat des Indigènes. Il justifie le fait d’avoir tordu le bâton vers la question de race dans un premier temps par le fossé qui s’est créé entre la gauche française et les populations issues de l’immigration.

- Les deux derniers numéros de International Socialism Journal peuvent être consultés en ligne sur www.isj.org.uk. Pour ceux et celles qui peuvent lire l’anglais (en attendant des traductions) le plus important est le numéro 114 centré sur Antonio Gramsci. Le fait qu’il revienne à la mode (y compris chez Sarkozy !) est une raison de lire ces articles pour arracher ce théoricien marxiste à ses contrefaçons. Mais c’est surtout parce que ce qu’il a produit comme analyse (notamment sur la complexification de la société sous le capitalisme moderne qui exige du parti révolutionnaire plus de stratégie et de tactique) est un acquis important de notre tradition. À lire aussi dans le numéro 115 l’article de Alex Callinicos et Chris Nineham sur la crise du mouvement altermondialiste et l’article de Chris Harman sur la question du taux de profit. Pris dans la tourmente politique, on risque souvent d’oublier que la base de tous les niveaux de crise du capitalisme est dans ses contradictions économiques. C’est quand même ce qui fait la nécessité et la possibilité d’une perspective révolutionnaire (la lecture croisée des deux articles de Chris dans ces deux numéros – l’autre porte sur les cahiers de prison de Gramsci – est la meilleure réponse aux visions idéalistes ou économistes).

Je termine par des lectures qui, à mon avis, ne sont pas les moins importantes.

- Tout d’abord (reflet d’un climat qui ne va pas que vers la droite ?) la réédition en format poche de deux livres de Marx, La Guerre civile en France (éditions Mille et une nuits) et Le 18 brumaire de Louis Bonaparte (Garnier F et Livre de Poche). Au moment où des analogies sont faites (un peu rapidement à mon avis mais non sans fondements) entre Sarkozy et le bonapartisme, ce sont des lectures essentielles. Mais ces deux livres traitant de la France (sur la Commune pour l’un et sur Napoléon III pour l’autre) ont un intérêt qui va au-delà. Ce sont des chefs d’oeuvre de développement d’une analyse matérialiste qui combine évolution des rapports de production, luttes de classe et leur expression dans les domaines de la politique et de l’idéologie. Par ailleurs l’édition du 18 Brumaire par Le livre de poche a une riche et longue préface sur ces questions par Emmanuel Barot qui a contribué au numéro précédent de cette revue.

- À noter aussi l’édition d’un court texte par les éditions Mille et une nuits de Carl von Clausewitz, Principes Fondamentaux de stratégie militaire, qui est en quelque sorte une vision abrégée ou introductive du monumental ‘De la guerre’ qui est une référence dans de nombreuses discussions sur la stratégie et la tactique en politique. Un des points important qu’il développe est la différence qu’il y a entre l’élaboration théorique et les « frictions » du réel. D’où l’importance de « rester fidèle à ses principes », de la préparation et de la détermination dans l’application.

- Il nous faut absolument développer la connaissance des débats que fait naître le développement de processus révolutionnaires en Amérique du sud. Nous passons là de l’histoire passée à l’histoire telle qu’elle se fait. Nos débats actuels ne sont pas abstraits. À lire donc de toute urgence notamment le livre de Marc Saint-Upéry, Le Rêve de Bolivar, le défi des gauches sud-américaines, la Découverte. Pour un article dans le prochain numéro de la revue.


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