« Chaque pas en avant du mouvement réel... »

Entretien avec Dirk Spöri

2 octobre 2009

Dirk Spöri est membre de la direction de Die Linke pour la région Bade-Wurttenberg et de Linsruck (International Socialist Tendancy).

Quel type de dynamique s’est reflétée dans le processus de construction de « Die Linke » en Allemagne. Cette dynamique a-t elle été renforcée par la création du nouveau parti ?

La construction de « Die Linke » la crise profonde du SPD qui - alors qu’il était au gouvernement - a attaqué les acquis sociaux et a soutenu la guerre en Afghanistan. Cela a conduit le SPD à perdre des centaines de milliers de membres et des millions de votes. De profondes cassures sont apparues dans les syndicats - historiquement liés au SPD -, et des syndicalistes connus ont quitté le parti. Ce sont certains de ces syndicalistes qui ont créé le WASG - un courant parmi les fondateurs de « Die Linke » - en 2004. L’alliance électorale entre le WASG et le PDS, se présentant déjà sous le nom de « Die Linke », a approfondi la crise du SPD, en obtenant plus de 4 millions de voix lors des élections générales anticipées de 2005.

Les divisions et scissions dans les syndicats sont devenues visibles à deux occasions : lors du 1er mai 2007, la confédération syndicale a supprimé l’invitation des orateurs du SPD dans plusieurs villes. Et en février 2007 où il y a eu 300 000 personnes aux manifestations contre la loi augmentant l’âge de la retraite à soixante-sept ans. Ces manifestations ont eu lieu durant les heures de travail, transformant celles-ci en grèves politiques - ce qui est illégal en Allemagne.

Quelle a été la relation entre la construction de ce parti (programme, etc.), les campagnes électorales et les luttes durant ce processus ?

Il y a eu un débat sur le programme du nouveau parti, mais le programme véritable est toujours en cours d’élaboration pour les années à venir. Les questions cruciales porteront sur les conditions d’une participation au gouvernement et sur l’opposition aux guerres.

Mais les campagnes ont toujours été au coeur du processus de la construction du parti. Les campagnes électorales pour les élections régionales nous ont permis d’être visibles publiquement et de gagner une audience plus large. Mais dans la première partie de 2007, il y a eu deux autres campagnes au coeur de ce processus. Premièrement, une campagne pour introduire une loi pour un salaire minimum, qui a eu un fort impact sur les rassemblements du 1er mai. C’est quelque chose que le SPD avait promis tout en disant que cela ne pouvait être imposé à cause des majorités au parlement. Die Linke a repris la proposition du SPD et l’a portée au parlement. Le SPD a montré sa véritable nature, refusant sa propre proposition.

Deuxièmement, Die Linke a joué un rôle central dans la mobilisation contre le sommet du G8 qui a eu lieu en juin 2007 près de Rostock. Die Linke était au coeur du mouvement, mobilisant plusieurs milliers de personnes, prenant part aux blocages non-violents et prenant position contre la tactique de la police pour diviser le mouvement entre les manifestants « pacifiques » et « violents ».

Comment caractériserais-tu ce nouveau parti ?

Le parti est tout d’abord composé de syndicalistes qui évoluent vers la gauche à cause des attaques répétées contre les travailleurs. Cette catégorie de membres, tout comme la majorité de ceux et celles qui ont rejoint le parti dans les derniers mois, savent que pour changer la société il faut changer le rapport de forces, renforcer les mouvements sociaux et le mouvement des travailleurs. Ensuite, il y a un certain nombre de membres, principalement autour des fractions parlementaires dans l’est de l’Allemagne, qui sont prêts à payer à peu près n’importe quel prix pour une participation au gouvernement. Enfin, il y a un grand nombre de membres de l’ancien PDS qui sont anticapitalistes mais passifs à cause de l’âge ou des désillusions.

Quels ont été les moments et questions clefs dans le processus ?

Le premier moment clé a été la crise du SPD conduisant à de grosses manifestations en 2004 et à la formation du WASG et ensuite au ralliement de l’ancien dirigeant du SPD, Oskar Lafontaine, ce qui a fournit la base pour la coalition électorale de 2005.

La création de la coalition électorale, réunissant le WASG et le PDS, l’ancien parti communiste, fut le premier « test ».

Le second débat a tourné autour du gouvernement local SPD/PDS à Berlin. Comme Berlin est largement endetté, ce gouvernement a le même programme que n’importe quel autre gouvernement néolibéral : réduire la dette au moyen de coupes sociales et de privatisations.

La politique du PDS à Berlin a été lourdement critiquée, certaines personnes refusant même de rejoindre Die Linke. Il y a eu des manifestations d’enseignants, de travailleurs des hôpitaux et d’autres contre le SPD et le PDS à Berlin. Notre position a été de faire écho à ces critiques mais de continuer à construire une gauche unie.

Alors que certains ont quitté le parti à cause de la politique menée à Berlin, nous - avec d’autres dans le parti - nous sommes impliqués dans la construction de campagnes contre les coupes sociales et les privatisations ailleurs en Allemagne. Par exemple, alors que même des députés du PDS votaient la vente de logements sociaux dans la ville de Dresde, quelques mois plus tard, un référendum dans une autre ville, Fribourg, a bloqué la même proposition avec le SPD et la nouvelle gauche impliqués dans cette campagne. La décision de créer finalement un nouveau parti unifié au printemps 2007 et sa fondation en juin 2007 a amené un nouvel espoir pour beaucoup de gens. Les sondages créditent désormais la gauche aux alentours de 13 % et en quelques jours après sa fondation, plus de 4 000 personnes ont rejoints Die Linke dont de nombreux syndicalistes.

Comment avez-vous contribué à ce processus en tant que courant révolutionnaire et qu’est-ce que cela a changé ?

Bien que nous nous opposions à la politique du PDS à Berlin et que nous nous sommes battus pour des conditions drastiques à la participation aux gouvernements, notre slogan a été « unité et critique ».

Unité d’abord, parce que seule la dynamique de création de Die Linke, décrite ci-dessus, fournit l’opportunité d’un développement du mouvement des travailleurs.

Critique, parce que la politique du PDS à Berlin est une menace pour la création d’une nouvelle gauche.

Mais nous ne nous sommes pas limités à discuter les divergences programmatiques. Comme Karl Marx l’a écrit dans sa Critique du programme de Gotha : « Tout pas en avant du mouvement réel vaut plus qu’une douzaine de programmes. ». Du coup, nous avons travaillé avec ceux et celles qui voulaient une nouvelle gauche enracinée dans le mouvement social, une gauche qui ne fait pas que discuter avec elle-même mais se relie aux gens ordinaires et intervient dans la société.

Nous nous sommes profondément impliqués dans la construction de la campagne contre le G8 et nous mobilisons actuellement pour une manifestation en septembre pour le retrait des troupes allemandes d’Afghanistan.

Comment vois-tu !’avenir de ce processus ? Comment prévoyez-vous d’y contribuer et d’y inter venir en tant que courant révolutionnaire ?

En tant que révolutionnaires, nous voulons travailler avec ceux et celles qui sont engagés pour un parti qui soit partie prenante des mouvements sociaux et du mouvement des travailleurs, un parti qui élargisse sa base de classe. Du coup, nous faisons partie d’un courant plus important nommé « Sozialistische Linke » (Gauche socialiste). Ce courant rassemble la majorité des syndicalistes de gauche dans le parti. Leur influence est cruciale pour le développement futur du parti ainsi que pour une remontée du mouvement des travailleurs en Allemagne.

De plus, un réseau de révolutionnaires commence à publier un nouveau magazine théorique appelé Marx 21. L’objectif de ce magazine est d’intervenir au sein de Die Linke ainsi que de fournir une éducation théorique.

Les questions cruciales pour l’avenir sont sur la participation au gouvernement et sur comment Die Linke se relie à la question de la guerre. Nous voulons intervenir sur ces questions lors de la création d’un programme pour le parti dans l’année à venir. Mais il est plus important d’y répondre non seulement en théorie, mais en pratique.

Les luttes de classes qui continuent et se développent - ces jours-ci, les employés du chemin de fer sont en grève - doivent montrer qu’il existe une autre force que le parlement qui est capable de changer la société. Si Die Linke renforce ses racines dans les syndicats et organise la solidarité pratique, ces combats peuvent gagner et Die Linke pourra évoluer dans cette direction.


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