« Pour stopper le changement climatique, nous devons changer le système »

Entretien avec Jonathan Neale

5 septembre 2009

Le combat pour sauver la planète a suscité une foule de questions sur les mesures à prendre pour mettre un terme au changement climatique rapide, quelles sont les alternatives aux carburants à émission de carbone, et comment nous pouvons réorganiser la société. Jonathan Neale s’est entretenu avec Socialist Worker au sujet de son livre à paraître, Stop Climate Change - Change the World !

Quel est l’impact du trafic aérien dans le changement climatique ? Pourquoi le gouvernement travailliste est-il si désireux de l’augmenter ?

La circulation aérienne n’est pas dans ce domaine le facteur le plus important - elle représente 12 % des émissions de dioxyde de carbone dues aux transports, alors que la circulation automobile, elle, en représente 45 %.

Mais le trafic aérien est important parce que les avions émettent du dioxyde de carbone directement dans les couches supérieures de l’atmosphère, où il a davantage d’impact, et aussi parce que c’est la source d’émissions qui connaît la croissance la plus rapide.

Les médias ont tendance à présenter le problème comme lié aux vacances des gens ordinaires, et à la guerre des tarifs que se livrent les compagnies aériennes.

Mais si Gordon Brown est décidé à agrandir le terminal d’Heathrow, c’est parce qu’il veut promouvoir Londres en tant que centre financier mondial, et qu’il désire désespérément que les hommes et femmes d’affaires continuent à utiliser Heathrow.

Le danger est que le New Labour peut se présenter faussement comme soutenant les gens ordinaires en prétendant qu’il se préoccupe des congés et des loisirs des salariés.

Le transport aérien doit être réduit, mais pas de façon à accroître les inégalités et aboutir à ce que seuls les riches puissent se payer des voyages en avion. Les moyens courriers peuvent être réduits en investissant dans les chemins de fer, et les longs courriers rationnés de façon égalitaire.

Dans ton livre, tu parles de l’ouragan Katrina, qui a dévasté la Nouvelle Orléans en 2005. Katrina semble désigner un problème particulier, à savoir l’incapacité ou le refus des gouvernements de faire face aux effets du changement climatique.

L’ouragan Katrina a montré ce que le réchauffement du climat peut infliger à des pays riches. Katrina aurait pu se produire sans le changement climatique, mais le réchauffement global signifie davantage de Katrinas dans l’avenir.

Katrina n’était pas inattendu. Tout le monde savait qu’il y avait un problème lié à l’affaissement des terres et à la montée du niveau de la mer.

Les scientifiques de la Louisiana State University avaient élaboré des plans de défense contre les inondations et planifié des mesures pour renouveler la sédimentation dans les zones marécageuses et faire cesser l’assèchement des sols, qui étaient devenus plus compacts et s’étaient par conséquent affaissés.

L’estimation des mesures se montait à 14 milliards de dollars - le coût de six semaines de guerre en Irak. Le gouvernement a refusé d’engager la dépense.

Lorsque Katrina a frappé, le maire et le gouvernement n’ont pris aucune mesure d’évacuation de la population. Ils subissaient la pression de l’industrie hôtelière, qui aurait perdu des millions de dollars si les gens avaient été évacués.

La politique néolibérale a eu pour résultat que les mesures les plus élémentaires pour protéger la population de la tempête n’ont pas été prises.

La préoccupation principale de George Bush, dans les jours qui ont suivi l’ouragan, a été de cacher que le gouvernement savait qu’il arrivait et qu’il n’avait rien fait. Une vague de racisme, dans les médias américains, a essayé de mettre la responsabilité sur les victimes.

Les récents cyclones en Birmanie et au Bangladesh sont un signe de ce qui nous attend. Après ce qui s’est passé en Birmanie, ce qu’il faudrait dire c’est que nous avons besoin de meilleures défenses contre les tempêtes et les inondations. Mais tout le monde a les yeux tournés sur le problème immédiat des réfugiés, et non sur les mesures à prendre à long terme.

L’influence des ’milieux d’affaires’ bloque le combat contre le changement climatique. Est-ce que cela ne pourrait pas changer si les sociétés pouvaient faire des profits avec des choses telles que les énergies renouvelables ?

On peut penser : les riches possèdent le monde, pourquoi le détruiraient-ils ? Stopper le changement climatique accéléré sans transformer le système, c’est possible. Mais c’est peu probable.

Des dix sociétés les plus importantes du monde, six sont des compagnies pétrolières et trois fabriquent des automobiles. Toute action tant soit peu sérieuse contre le réchauffement global signifierait leur mort.

Les compagnies pétrolières ne sont pas puissantes seulement parce qu’elles ont de l’argent. Elles font partie d’un ensemble de relations sociales et politiques, comme le contrôle des circuits commerciaux, les rapports avec les politiciens, les réseaux de distribution. C’est pareil pour l’industrie automobile.

Il y a une division parmi les patrons. Certaines sociétés voient l’argent qu’elles pourraient gagner en combattant le changement climatique. Mais pour les plus puissantes, il est clair que toute action contre le réchauffement de la planète menacerait leurs profits.

Les énergies renouvelables sont potentiellement un secteur de croissance majeur. Mais elles sont plus chères à court terme - les installations doivent être construites et les investissements initiaux réalisés.

Les industries pétrolière et automobile ont déjà leurs installations et leurs usines. Faire la transition les rendrait superflues, et signifierait repartir à zéro. On ne peut s’appuyer sur la logique du profit pour résoudre le problème.

Ton livre argumente vigoureusement contre la politique gouvernementale d’investissements et de régulation de l’industrie. Quelles sont les barrières possibles ?

La menace représentée par le changement climatique est si large qu’un immense programme de travaux et d’investissements publics est nécessaire. Mais celle-ci se heurte à l’idéologie néolibérale - selon laquelle ce qui est privé est bon et ce qui est public est mauvais.

Les investissements publics et la réglementation destinés à combattre le réchauffement seraient un défi à cette idéologie. Cela aboutit à ce que beaucoup de gouvernements tentent de passer à l’action en utilisant des instruments du marché comme l’achat et la vente de droits d’émission de carbone.

Si les gens voyaient que les gouvernements peuvent intervenir sur le marché pour sauver la planète, ils commenceraient à se poser des questions. N’est-il pas possible de faire la même chose pour la santé publique ? Les patrons ne veulent pas que les gens se posent ce genre de questions.

Le problème climatique est un problème mondial qui nécessite une solution globale. Mais les gouvernements et les grandes sociétés fonctionnent sur la base de la compétition, et non de la coopération. S’adresser au changement climatique signifie régler ce problème.

Que faut-il faire pour stopper le changement climatique ?

Nous disposons, dès maintenant, de la technologie nécessaire pour faire cesser le réchauffement global. Il faut couvrir la planète d’éoliennes et de panneaux solaires, et mettre en chantier un programme massif de travaux publics.

Toutes les maisons neuves pourraient être construites avec des panneaux solaires sur les toits, qui seraient financés par le gouvernement.

Stopper le changement climatique n’est pas une mince affaire. Mais l’action des gens ordinaires a montré, par le passé, qu’elle pouvait accomplir d’énormes mutations - comme mettre fin au colonialisme et à l’esclavage, ou développer la protection sociale.

On nous dit que si on veut arrêter le changement climatique les gens ordinaires devront faire des sacrifices. Mais la solution n’est pas d’utiliser moins de ressources, mais de les diversifier. Si nous pensons que nous ne pouvons pas changer notre façon de faire les choses, alors nous concluons que nous devons faire des sacrifices.

Le vrai problème, c’est que les gens ont l’impression qu’ils ne peuvent pas changer l’ordre des choses. La meilleure réponse que je puisse leur donner est de regarder l’exemple de la Deuxième Guerre mondiale. Tous les grands pays ont redéployé l’activité de leur économie pour la diriger vers l’effort de guerre.

Il nous faut aujourd’hui réorienter l’économie de la même manière - mais pour sauver le plus possible de vies humaines, plutôt que pour en supprimer le plus possible.

Cela montre que c’est possible lorsque la volonté politique existe. Ce qui nous manque aujourd’hui, c’est la volonté politique.

Les gouvernements ne prendront les mesures nécessaires pour stopper le changement climatique que si nous construisons un mouvement de masse qui les y contraigne. Et pas seulement le mouvement écologiste.

Ce qu’il faut, c’est construire tous les mouvements pour un monde meilleur, y compris le mouvement antiguerre et le mouvement altermondialiste.

Nous avons le choix. Soit nous faisons confiance aux riches et aux puissants pour résoudre le problème par en haut. Soit on se tourne vers la masse des gens ordinaires de la planète, qui peut imposer le changement et organiser la société d’une autre façon, par en bas.

Les gens ordinaires ont déjà dans le passé changé le monde - ils peuvent le faire encore.

Voir en ligne : Paru dans Socialist Worker n°2103, le 31 mai 2008

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