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7 octobre 2012
Du point de vue du changement climatique, l’année 2012 voit la confirmation des tendances à l’œuvre en 2011 avec d’un côté, le prolongement des phénomènes météorologiques extrêmes, et de l’autre, une combinaison d’impuissance et de manque de volonté des classes dirigeantes mondiales face à la crise écologique. Cette année a commencé avec le niveau le plus bas jamais atteint par les glaces de la mer arctique en cette saison et avec les températures sud-australiennes les plus chaudes relevées depuis un siècle. Tout cela arrive quelques jours après le sommet international de Durban, qui a marqué une étape de plus dans la trahison des peuples du monde par les politiques censés les « représenter. ».
Avant-propos : Cet article est le troisième et dernier d’un cycle consacré au changement climatique. Le premier est paru dans la revue Que Faire ? n°6 avec le titre « Karl Marx faisait-il du tri sélectif ? » et le second dans la revue Que Faire ? n°8 et s’intitule « Les politiques de changement climatique ».
Les deux premiers articles de ce cycle portaient sur la base théorique de la contradiction entre le capitalisme et la nature, comment cette contradiction donne lieu au changement climatique et comment cela rend impossible toute solution à ce problème du côté de la bourgeoisie internationale. Mais heureusement il y a un autre coté à cette histoire.
La prise de conscience du phénomène et la volonté d’y remédier de la part de la population mondiale augmentent en même temps que le problème lui-même. Des 100 000 manifestants contre le sommet de Copenhague en décembre 2009 (dont une participation internationale très importante y compris française), en passant par les 250 000 personnes mobilisées en Allemagne contre le nucléaire en mars 2010, aux évènements plus petits mais néanmoins significatifs en France (tels que la manifestation réunissant 25 000 personnes contre le nucléaire en octobre dernier, ou les campagnes locales comme celle contre la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes), le mouvement écologique est un aspect important du terrain politique actuel.
Peut-être que l’un des aspects les plus centraux pour nous en France est le mouvement contre le gaz de schiste. Il existe plus de 200 collectifs sur le plan national qui rassemblent des élus, des associations, des organisations politiques et souvent une grande partie de la population locale. Ce mouvement a d’ailleurs obtenu un succès notable avec le recul du gouvernement qui s’est senti obligé de passer une loi interdisant la fracturation hydraulique.
Dans ce dernier article, on examinera les vraies solutions possibles face à la crise écologique (partie intégrante de la crise capitaliste), le type de mouvement dont on a besoin pour que ces solutions puissent être mises en place et enfin les questions clés au sein de ce mouvement.
Comme nous l’avons vu dans les deux articles précédents, toutes les vraies solutions contre la menace du changement climatique doivent aborder la question de la réduction drastique de la production des gaz à effet de serre et en premier lieu du gaz carbonique. La complexité des mécanismes en jeu ne nous permet pas de savoir de combien exactement il faudra réduire nos émissions mais une partie importante des scientifiques s’accordent sur le fait que nous devrons limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à 2º C par rapport à la température moyenne mondiale en 1800 si nous voulons être sûrs d’éviter les pires effets du changement climatique. Nous avons déjà enregistré une augmentation d’environ 0,7º C. Il est probable, étant donné les taux actuels de la production et de l’absorption du gaz carbonique, que nous puissions éviter une augmentation de plus de 1,3º C en stabilisant le niveau de gaz carbonique présent dans l’atmosphère d’ici 20 ans [1].
Les études scientifiques estiment que nous devons réduire nos émissions d’environ 60% à l’échelle mondiale d’ici environ 20 ans, si nous voulons atteindre cette stabilisation. À ce niveau-là, l’absorption naturelle de certains gaz par les mers et par les arbres sera suffisante par rapport au reste des gaz produits. À l’heure actuelle cette absorption n’est pas du tout à la hauteur pour neutraliser l’intégralité de ces émissions. Si nous prenons en compte le fait qu’à travers l’histoire la responsabilité de la majeure partie des émissions et donc des réductions, revient aux pays occidentaux, cela veut dire que ces pays devront réduire leurs émissions d’environ 80 % d’ici 20 ans.
Comme pour beaucoup de pays développés, en France les sources importantes d’émissions sont la production d’énergie, le chauffage, l’industrie, la construction et le transport (particulièrement les voitures, puis les avions). Il est important de noter que les émissions liées à la production d’électricité sont nettement inférieures à celles constatées dans des pays similaires ; cela provient de la forte production nucléaire en France. Cependant, il est complètement erroné d’affirmer que le nucléaire ne produit pas d’émissions de gaz carbonique même si beaucoup d’entre elles ont lieu au-delà des frontières françaises et ne comptent donc pas dans les chiffres pour les émissions sur le plan national.
En fait il existe une solution au problème du changement climatique qui permettrait d’atteindre les réductions suffisantes et qui n’est fondée ni sur les combustibles fossiles, ni sur le nucléaire mais sur une réorganisation radicale de notre société.
Pour donner un exemple concret de la possibilité théorique de cette solution (avant de poser la question de savoir si on peut l’atteindre en réalité), on va examiner le travail détaillé de la campagne anglaise « un million d’emplois pour le climat » [2] qui montre comment une telle société pourrait fonctionner. Cette campagne est soutenue par quatre des syndicats les plus importants en Angleterre ainsi que par des scientifiques, des chercheurs, des organisations politiques, des associations et des députés. Pour la France les chiffres et les détails spécifiques seraient différents bien sûr mais les principes fondamentaux restent les mêmes.
Pour commencer il faudrait transformer la manière de produire l’électricité d’une façon sûre et sans émissions de gaz à effet de serre. À cela il faudrait ajouter l’électrification des transports en commun, des processus industriels, du chauffage de l’eau et des bâtiments, etc. Cela aurait un triple effet sur le changement climatique. D’une part, on élimine les émissions des productions actuelles, d’autre part, on n’ajoute pas d’émissions grâce aux nouvelles formes de production d’électricité et enfin on réduit les émissions des voitures par l’amélioration du système de transports en commun.
Il vrai que pour la plupart des énergies renouvelables prises individuellement, la possibilité de produire l’électricité de manière continuelle n’existe pas et les technologies de stockage sont encore trop faibles. Par contre, en utilisant une variété de sources on peut minimiser ce problème sans parler du développement possible d’une énergie renouvelable qui est constante et prévisible, celle des marées.
Une autre question importante est celle de savoir si on serait obligé de baisser notre qualité de vie de manière dramatique si on utilisait uniquement l’électricité produite par les renouvelables. La campagne anglaise estime qu’avec les énergies renouvelables seules (sans le solaire dont la technologie est moins avancée), il serait possible de produire presque deux fois plus d’électricité que les Anglais n’en utilisent actuellement. Dans ce cas de figure, avec l’extension et l’amélioration du réseau national des câbles électriques, on pourrait exporter la production excédentaire d’électricité d’une région ou d’un pays vers les régions ou les pays qui n’en ont pas assez.
Un programme d’électrification dans un ensemble de domaines signifierait bien sûr une augmentation de la production d’électricité mais il faut voir aussi tous les endroits où il serait possible d’en baisser l’utilisation. Par exemple, il faudrait un contrôle sérieux de l’efficacité de tous les nouveaux appareils et une utilisation rationnelle de l’électricité aux heures creuses – pour le rechargement des batteries et le chauffage de l’eau la nuit, etc. Les économies d’énergie viendraient aussi d’une enquête sur toutes les utilisations d’électricité qui sont complètement inutiles du point de vue des besoins humains, seulement motivées par le profits. Par exemple, l’illumination des grands bâtiments et des magasins pendant la nuit et le week-end ou la publicité électrique sont une source de gaspillage énorme. Dans un rapport récent cité par Le Monde l’ONG « Agir pour l’Environnement » concluait ainsi :
« Sur la région parisienne, l’association estime que le gaspillage électrique induit par ces panneaux, équivaut à la consommation électrique de plus de 100 000 personnes. Chaque panneau retro-éclairé consomme l’équivalent électrique de trois familles de quatre personnes. » [3]
Il existe d’autres mesures importantes qui permettraient de baisser notre utilisation d’électricité et d’énergie : un programme massif d’isolation des logements et des bâtiments, l’installation de double vitrage et de chaudières efficaces ou l’introduction de réglementations très strictes concernant la construction de nouveaux logements et bâtiments.
Le dossier anglais montre qu’il serait possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre en Angleterre de 80 % avant 2050, un chiffre qui correspond aux réductions nécessaires pour les pays occidentaux si on veut éviter les pires effets du changement climatique.
Il reste enfin la question du coût. D’abord, même du point de vue des profits à long terme le coût serait moins élevé que celui que provoqueraient les effets d’un changement climatique extrême, mais ce n’est pas l’unique réponse.
Les subventions pour les énergies actuelles – les combustibles fossiles mais plus particulièrement le nucléaire – sont massives. Par contre elles proviennent de nombreuses sources différentes et sont en partie cachées, ce qui rend difficile une évaluation de leur montant exact [4].
Même s’il est donc très difficile de chiffrer les subventions de manière précise, il est clair que si on allouait les mêmes sommes à la recherche pour les énergies renouvelables que celle qui ont été consacrées au nucléaire, le coût de celles-ci baisserait de beaucoup.
Un dernier élément très important concernant le coût de ces changements est la question des emplois. La campagne anglaise n’est pas simplement en faveur d’une société qui produit moins d’émissions. C’est aussi une campagne pour la création des emplois nécessaires pour effectuer ces changements. Le dossier « un million d’emplois pour le climat » propose que ceux-ci soient payés par l’état. S’il est vrai que ce programme coûterait cher, il est vrai aussi qu’il permettrait d’économiser l’argent des allocations chômage et fournirait des rentrées d’argent via les impôts payés par les salariés embauchés dans ces nouveaux secteurs.
Preuves à l’appui donc, ce dossier estime qu’il faudrait vingt ans et un million de travailleurs pour réduire les émissions de 80 % pour un coût total net d’environ 20 milliards d’euros par an. Cela peut sembler beaucoup mais c’est une petite somme par rapport à l’argent donné aux banques pour les « sauver », ou par rapport à ce qui est donné par le gouvernement à ses amis les plus riches sous forme de cadeaux fiscaux.
Il est donc possible, techniquement, de réorganiser notre société et de vivre de manière à éviter une catastrophe climatique, mais ce n’est pas simplement parce que quelque chose est possible que ça va se passer. Il peut apparaître logique peut-être de sauver la planète mais il s’agit d’une logique qui est basée sur des questions d’humanité, de justice et d’une vraie égalité. Comme nous avons vu dans l’article précédent c’est une toute autre logique qui gouverne les décisions prises par le patronat et le gouvernement - la logique du capital. Mettre en place le type d’actions proposées ici pour réorganiser notre société signifierait une confrontation avec les patrons des entreprises les plus puissantes du monde. Cette confrontation sera toujours incontournable mais dans la période actuelle de crise l’opposition du patronat risque d’être encore plus brutale.
Comme on a pu voir lors du Grenelle de l’environnement et des sommets internationaux de Copenhague, de Cancun et de Durban, les dirigeants politiques chercheront toujours à sauver les profits, pas la planète. Nous ne pourrons compter que sur nous-mêmes.
Quand on comprend l’immensité de la tâche devant nous et les contradictions au sein du système, on peut se demander s’il est possible de sauver la planète dans le cadre du capitalisme ou si, par nécessité, la solution passe par un changement de système, c’est-à-dire par le renversement révolutionnaire du capitalisme.
Comme nous l’avons argumenté dans le premier article, il n’est pas possible de donner une réponse exacte à cette question quand on parle de deux systèmes aussi complexes que le capitalisme et le climat. On peut dire qu’il n’est pas possible de réparer la rupture entre la société et la nature sans une transformation révolutionnaire de notre société. En même temps, il est possible d’envisager, au moins théoriquement, la possibilité de gérer une manifestation spécifique de cette rupture, même si cet exemple est le cas le plus grave qu’on ait jamais vu. Car les gaz à effet de serre ne sont pas fondamentaux pour le capitalisme, comme l’est par exemple l’exploitation, et nous avons également les moyens à l’heure actuelle de réduire les émissions par les quantités nécessaires.
En fait, poser la question en termes de réforme ou révolution, comme deux pôles opposés, est une simplification de la manière dont les processus de changement procèdent en réalité et il manque une appréciation du rapport dialectique entre ces deux voies. C’est souvent par la lutte pour les réformes que la possibilité et la nécessité de la révolution deviennent une réalité dans la tête des gens. Cela passe par la confiance que les travailleurs peuvent gagner avec leurs victoires, par l’affaiblissement mais aussi la résistance et l’inflexibilité de la classe dirigeante à cause de ces victoires, par la croissance des idées radicales et les méthodes d’organisation que la lutte exige, etc. D’un autre côté, ce sont souvent les idées, les organisations et les méthodes révolutionnaires, qui donnent la possibilité d’une lutte victorieuse pour des réformes, même si de telles réformes semblaient impossibles à arracher dans une période précédente.
Il n’est pas suffisant pour les révolutionnaires soit de dire simplement : « Le changement climatique ? On a besoin de la révolution ! », soit de se satisfaire du lobbying pour des lois gouvernementales beaucoup trop faibles. On a besoin d’être impliqués dans le mouvement écologiste et, à travers nos actions communes, de participer aux débats importants au sein de ce mouvement. En même temps on a besoin de bien connaître les questions du changement climatique et d’essayer de populariser les arguments et les réponses politiques au sein d’autres mouvements et de la classe ouvrière dans son ensemble. Si on arrive à sauver la planète dans le cadre du système capitaliste ce ne sera possible qu’avec un mouvement massif et radical. Si on n’y arrive pas on aura besoin que la compréhension de ces questions soit au cœur de tout futur mouvement révolutionnaire.
Le mouvement contre le changement climatique et les questions politiques qu’il soulève n’existent pas indépendamment des autres questions soulevées par la crise économique, la dette ou les révolutions arabes.
Par ailleurs, le fait que l’échelle et les enjeux de la crise écologique soient tellement énormes ne doit pas nous conduire à lâcher toutes nos autres tâches politiques en faveur du seul mouvement écologique, bien au contraire. Les réponses globales à la crise économique et les révolutions dans le monde arabe par exemple ne s’opposent pas à la lutte écologique. D’abord, car en montrant que le changement est possible et en soulevant de nombreuses questions, cela peut donner plus d’espoir, de confiance et d’idées à chaque lutte et à chaque militantE. Plus concrètement, même si on considère le renversement du capitalisme lui-même comme notre objectif ultime, on doit lutter pour une synthèse des idées et des campagnes, tout en respectant leur autonomie.
Nous devons chercher à intégrer davantage les luttes ouvrières dans le mouvement écologique et à intégrer davantage les luttes écologiques dans le mouvement ouvrier. Un exemple pertinent est la campagne contre la dette que nous menons actuellement. Il est clair que cette campagne est une priorité en elle-même dans le contexte actuel. Mais en posant les questions comme le contrôle démocratique des dépenses et en pointant la différence entre celles qui nous sont utiles et celles qui ne nous le sont pas, nous avons aussi l’occasion de mettre en avant les questions écologiques et plus spécifiquement les campagnes comme celles pour les emplois pour le climat.
Un mouvement unitaire et radical contre les crises et le carbone !
Beaucoup d’organisations luttent sur les questions écologiques. C’est un point fort qui en dit beaucoup sur la volonté de changer et d’innover de la part des personnes qui s’y impliquent mais cela peut aussi être un point faible. La bataille pour la planète est une grande bataille et nous avons besoin de concentrer nos forces. Cela ne signifie pas que tout le monde doit faire la même chose mais, qu’en plus des différentes campagnes, nous devons arriver à nous coordonner dans l’unité sur la question centrale du changement climatique avec tous les éléments divers que cela pourrait impliquer. Et si la question du changement climatique est centrale, celle des émissions de gaz carbonique l’est aussi.
En même temps l’unité nécessaire ne doit pas se faire au prix d’une réduction de la radicalité de ce mouvement. La manifestation de Copenhague est un modèle utile. Ce fut une grande manifestation avec des éléments très divers mais avec un slogan radical qui a rassemblé un nombre impressionnant de manifestants : « changer le système, pas le climat ! ». Sans ce type de perspective large et radicale, on ne pourra pas viser la réorganisation radicale de la société nécessaire à la résolution du problème. Sinon il devient facile de tomber dans le piège de chercher ailleurs des solutions qui sont souvent fausses ou inefficaces.
Nous sommes confrontés à deux crises du même système capitaliste - économique et écologique. Parce que ces crises sont liées dans la réalité, elles doivent être liées dans notre réponse aussi. L’exemple d’un million d’emplois pour le climat abonde dans ce sens. La logique des crises pousse les militantEs du mouvement écologique dans une direction plus radicale en même temps qu’elle les désoriente. De ce point de vue, les sommets internationaux sont de nouveaux importants car ils montrent la nature réelle des dirigeants politiques et soulignent les problèmes que pose la stratégie de lobbying des ONG demandant simplement aux politiciens de faire quelque chose.
Contre les fausses solutions
On a déjà donné dans le dernier article beaucoup d’espace à une fausse solution - le nucléaire. Mais il y a d’autres options comme les biocarburants et le charbon « propre » que nous devons aussi rejeter.
L’espace sur la Terre n’est pas infinie. Ce sont souvent les forêts qui sont sacrifiées pour permettre la culture des biocarburants. Or les forêts étant un système naturel très efficace pour stocker les gaz à effet de serre, leur destruction libère ceux-ci dans l’atmosphère. Face à cela la reforestation est insuffisante. Même si les arbres coupés étaient remplacés par le même type d’espèce (et souvent on leur substitue des options moins chères qui absorbent moins des gaz), le temps nécessaire pour que les nouvelles forets atteignent le niveau des précédentes représente plus de temps qu’il ne nous reste avant que les pires effets du changement climatique commencent à se manifester.
Surtout, dans la concurrence en termes d’espace à cultiver, c’est souvent un concours entre la production des biocarburants pour les voitures dans les pays riches et celle de la nourriture pour les personnes dans les pays pauvres. C’est une des causes de l’augmentation des prix de la nourriture qui contribue à une situation catastrophique pour des millions de personnes devant lutter simplement pour se nourrir.
Le charbon propre semble être une belle idée – on utilise le charbon dans les centrales mais on extrait le gaz carbonique des émissions et on le stocke dans un lieu sûr. Le problème avec cette solution, c’est qu’elle n’existe pour l’instant qu’en théorie et ne fonctionne pas encore en pratique. Si les scientifiques y arrivent, tant mieux. Mais jusqu’à présent cette « solution » est surtout utilisée pour justifier la construction de nouvelles centrales électriques au charbon partout dans le monde sur la base que peut-être un jour la technologie marchera.
Enfin, il est important d’être clair sur les solutions individuelles. Il ne s’agit pas de dire que tout le monde devrait cesser de faire du tri sélectif, d’utiliser des ampoules écologiques ou d’acheter des produits bios. La plupart de ces actions sont encore un exemple de la volonté des individus de faire quelque chose contre la crise écologique, avec lesquels on peut discuter de cette crise et de nos réponses. En même temps, il est important de dire que même si tous les individus du monde adoptaient leur comportement, cela ne serait pas suffisant pour éviter une catastrophe climatique. Précisément parce que le problème a pour origine la manière dont la société est organisée, notre réponse doit être aussi à cette échelle.
Contre le sacrifice, partout
Il est très difficile de construire un mouvement sur la base du sacrifice et, heureusement, cela n’est pas nécessaire. Nous avons déjà vu de quelle manière différentes mesures sont envisageables pour nous éviter l’obligation de changer radicalement notre mode de vie même s’il existe de multiples exemples d’utilisation d’énergie dont nous n’avons pas besoin.
Mais la question du sacrifice est encore plus importante par rapport aux pays pauvres ou en développement. Certains disent que même si les pays occidentaux réalisaient leurs obligations de réduction d’émissions, le développement des pays plus pauvres est trop problématique et qu’il faudrait donc qu’ils arrêtent, ou du moins qu’ils ralentissent, leur progression. Bien sûr cet argument est souvent utilisé par des personnes qui sont plus préoccupées par la concurrence économique que par le changement climatique. Elles oublient bien sûr la responsabilité historique de l’occident par rapport aux émissions et ne tiennent pas compte du fait que ce sont les pays pauvres qui sont frappés aujourd’hui et qui seront frappés le plus durement demain par les effets du changement climatique.
S’il est important qu’on examine les possibilités pour réduire notre consommation énergétique, on doit considérer aussi la voie de développement suivie par les pays plus pauvres. Il est vrai par exemple que la Chine est un des plus grands producteurs de gaz à effet de serre et que cette vérité est une des raisons qui explique le résultat du sommet de Copenhague. Mais il existe une différence importante entre la Chine et les Etats-Unis qui est celle de la population. Si on regarde les émissions par pays et par habitant l’histoire est très différente.
Si les pays en développement prennent la voie de développement des États-Unis, avec l’utilisation des combustibles fossiles que cela implique il est sûr qu’il n’y a pas d’espoir pour l’avenir. Par contre, comme nous l’avons montré, il existe une autre option pour le fonctionnement et la croissance de nos sociétés, sans le niveau exorbitant des émissions actuelles. Cela signifie donc que la lutte pour une société différente, sans le niveau d’émissions actuel, doit être une lutte internationaliste.
Il ne sera pas possible de construire une solidarité internationale si on commence avec l’argument que le changement climatique est la faute des pauvres et qu’ils doivent rejeter toute notion de développement et de croissance. Par contre, un vrai internationalisme peut fonctionner dans les deux sens. Les mouvements occidentaux et leurs idées mais aussi le développement de la science et de la technologie peuvent être des facteurs importants pour déterminer la voie de développement prise par les pays pauvres. En même temps les luttes par en bas dans ces pays ne sont pas moins importantes, que ce soit pour la réalisation de cette voie du développement chez eux ou pour les idées et l’inspiration que ces luttes pourraient donner aux mouvements occidentaux.
Avec les travailleurs, quel que soit le travail
Une dernière question très, très importante pour notre mouvement est celle des travailleurs que nous examinerons en deux parties.
La première partie concerne les travailleurs dans les industries qui sont responsables des émissions et des différents problèmes écologiques. Notre mouvement doit être, sans équivoque, de leur côté. C’est pour cette raison que la question de la création des emplois pour le climat doit être liée à la question de la réduction des emplois dans les autres industries. Dans chaque campagne contre la construction d’un aéroport ou pour la fermeture d’une centrale nucléaire, nous devons avancer très clairement des revendications pour de nouveaux emplois (de remplacement) dans la construction des éoliennes, dans l’amélioration du réseau national électrique ou dans l’isolation des bâtiments.
Tout cela veut dire aussi qu’une bataille importante doit être menée dans les organisations des travailleurs et en premier lieu dans les syndicats. C’est en même temps une bataille sur le terrain des idées mais aussi sur le terrain de l’action. On peut comprendre qu’il existe un certain scepticisme envers ceux qui utilisent le climat comme prétexte pour fermer des usines mais on doit lutter pour une compréhension radicale dans le mouvement syndical – pour comprendre que la lutte pour les emplois est maintenant profondément liée à la lutte pour le climat, et les deux doivent être liées à la lutte pour un autre type de société.
Cet argument doit être entendu parce que c’est la seule manière qui nous permettra de gagner. Il est vital en ce qui concerne le travail essentiel pour changer l’organisation de notre société mais aussi en ce qui concerne le soutien nécessaire des travailleurs. Enfin, ceci est lié à la deuxième partie de la question et de notre analyse. Les travailleurs doivent être au centre de tout projet pour changer le monde. Comme nous disons souvent dans cette revue, seuls les travailleurs, à cause de leur position économique spécifique au sein du capitalisme, ont le pouvoir de changer le monde. Dans le contexte du changement climatique, ce sont seulement les travailleurs du monde, des pays riches et pauvres unis, qui ont le pouvoir soit d’imposer les reformes essentielles, soit de faire la révolution – de sauver notre planète et notre avenir. ■
[1] Pour plus d’informations sur ces chiffres, voir Stop Global Warming : Change the World, J. Neale. Ed. Bookmarks.
[3] http://www.agirpourlenvironnement.org/communiques-presse/pic-de-consommation-electrique-civisme-pour-les-uns-cynisme-pour-les-autre-3398
[4] Un dossier de 1998 pour Greenpeace a trouvé que à l’époque « si l’on tient compte de l’importance relative des énergies, l’aide aux renouvelables qui représente environ 3 % à 4 % de celle reçue par l’énergie nucléaire en valeur absolue, reste encore huit à seize fois inférieure à celle reçue par le nucléaire » : http://www.greenpeace.org/raw/content/france/presse/dossiers-documents/soutiens-et-subventions-de-l-e.pdf
Site web du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA).
Revue indépendante d’analyse stratégique anticapitaliste.
Actualité politique internationale de la revue Inprecor sous reponsabilité de la Quatrième internationale.
International Socialism, Revue mensuelle théorique du Socialist Worker Party.
Le site web de la LCR Belge contient de nombreux articles de théorie marxiste très intéressants.
Base de données de référence pour les textes marxistes.
Le site de la commission nationale formation du NPA.