Détruisons le système afin qu’il ne nous détruise pas !

Intervention à la première université d’été du NPA, 24 août 2009

par Chris Harman

3 janvier 2010

Dans toute l’Europe, nous sommes confrontés à la plus grande crise économique de notre existence. Personne ne croit que la crise est finie, parce le taux de chômage ne baisse pas. Les sommes énormes qui ont été données aux banques par l’État vont être reprises aux travailleurs, aux mères célibataires, etc. pendant les prochaines années.

Avant-propos :
Alors que nous étions en train de préparer ce numéro, nous avons été choqués d’apprendre le décès soudain de Chris Harman, tandis qu’il participait à une conférence anti-impérialiste au Caire. Beaucoup des militants qui préparent cette revue ont été nourris par les articles et les livres de Chris Harman sur le marxisme, l’impérialisme, l’économie, l’histoire, l’islam politique et bien d’autres sujets. Mais Chris n’était pas qu’un théoricien : il insistait justement sur le lien indissoluble qui doit exister pour tout militant marxiste entre théorie et pratique, et il a appliqué ce principe avec une solidité sans faille durant toute sa vie d’adulte. C’est justement avec une intervention à la fois claire dans l’analyse et tournée résolument vers l’action que Chris a participé à la première université d’été du NPA, en août de cette année. Nous avons décidé de publier le texte de cette intervention, en forme d’hommage, et pour son intérêt propre.

Une longue période de souffrances s’annonce pour toutes les personnes représentées dans cette salle. Le paysage politique des années à venir sera modelé par la réaction à cette souffrance d’une part et par l’aide que l’on peut y apporter d’autre part. L’existence du NPA en France est, de ce point de vue, très importante.

On disait auparavant que le Socialist Workers Party était la plus grande organisation de la gauche radicale en Europe. Eh bien je suis heureux de dire que le NPA est au moins deux fois plus grand que nous.

À quels problèmes sommes-nous confrontés aujourd’hui ? Toute grande crise entraîne deux effets chez les travailleurs : d’un côté de la colère et de l’amertume, de l’autre de la peur. La prédominance de l’un ou l’autre détermine la force du mouvement. La peur engendre la concurrence entre les travailleurs qui ne luttent plus ensemble, alors que la colère les pousse à lutter ensemble et dans ce processus, ils découvrent qu’ils peuvent créer une nouvelle société. Pour être honnête, en Grande-Bretagne, quand la crise a commencé en automne dernier, la chose la plus importante, était que la peur dominait tout le reste. Quand la grande chaîne de magasins Woolworths a fermé, trente-mille personnes ont perdu leur emploi. Pas un seul syndicat n’a protesté. La responsabilité en incombe principalement aux bureaucraties syndicales. Cela faisait douze ans qu’ils avaient prêté allégeance au New Labour, le Parti travailliste de Tony Blair et à ses contre-réformes antisociales, plutôt que de représenter les personnes qui en subissaient les conséquences. Les bureaucraties syndicales ont chanté les louanges du gouvernement quand il a donné quatre cent milliards de livres sterling aux banques. Des membres de la gauche du Parti travailliste décrivaient ceci comme une aide progressiste, comme un geste de gauche. Les dirigeants syndicaux ont dit à leurs membres de faire confiance à Gordon Brown, qui allait les protéger. Malheureusement, même dans les deux syndicats où les dirigeants sont le plus à gauche, ils ont renoncé aux grèves, en se persuadant que les travailleurs ne lutteraient pas pendant une période de crise.

Cela a créé une situation pendant laquelle et cela durant plusieurs mois, les travailleurs ne voyaient pas d’issue positive pour répondre à la crise et se sont donc tournés les uns contre les autres. Ainsi, nous avons connu une expérience horrible, en janvier et en février dans le secteur du bâtiment : des travailleurs en grève contre d’autres travailleurs, contre les travailleurs étrangers, avec comme slogan « des emplois britanniques pour les travailleurs britanniques ». Nous avons assisté au spectacle épouvantable de travailleurs en grève manifestant et criant : « les étrangers dehors ! ». Dans cette situation, la tâche des révolutionnaires est de dire très clairement que les travailleurs doivent lutter contre les patrons, et non pas contre les travailleurs immigrés, ni contre les réfugiés, ni contre les musulmans.

En décembre et en janvier, une petite lueur d’espoir est apparue. Certains d’entre nous étaient en vacances, alors que des étudiants manifestaient contre les attaques sur Gaza. Pour la première fois depuis trente ans, il y a eu une vague d’occupations de quelques universités, non pas sur des questions touchant à la condition des étudiants, mais en solidarité avec Gaza. Les occupations étaient minoritaires, avec quelques centaines d’étudiants. Mais dans ce contexte c’était quand même une lueur d’espoir. Une occupation très importante a eu lieu en Irlande dans l’usine Waterford, contre la perte de toutes les indemnités de licenciement et de la retraite des travailleurs lors de la fermeture de l’usine. Pour nous, il était très important d’aller dans les quartiers populaires en Grande-Bretagne, et de dire « Waterford montre comment il faut lutter ». Nous avons été surpris de voir le niveau de militantisme dans un endroit où nous ne nous y attendions pas du tout. Quand les travailleurs ont occupé leur usine Visteon (une usine qui fabrique des pièces automobiles) contre des licenciements. C’était important pour montrer qu’il était possible de résister à la crise. Quand les travailleurs de Visteon se sont adressés aux syndicats des enseignants, ils ont été ovationnés, car les enseignants ont pu voir qu’il était possible de résister. Récemment, il y a eu une occupation, petite, mais importante politiquement, d’une compagnie qui s’appelle Vesta, qui fabrique des éoliennes - c’est le seul endroit où on fabrique des éoliennes en Grande-Bretagne. Cette occupation était particulièrement enthousiasmante car elle montrait qu’il est possible de lutter contre les licenciements tout en montrant aux militants écologistes que les travailleurs doivent à la fois lutter pour leurs droits et contre le changement climatique.

Il y a quatre fronts importants dans les luttes dans les mois qui viennent pour la gauche en Grande-Bretagne.

D’abord celui de la crise : comment les travailleurs qui ont un emploi peuvent-ils utiliser leur pouvoir pour lutter contre les licenciements ? Comment peuvent-ils se lier aux milliers de jeunes mis au chômage par la crise ? Le second front de lutte, est celui contre les nazis qui cherchent à profiter de la crise. Ils ont obtenu deux sièges de députés européens aux élections européennes, et ils essaient de se servir de leur base électorale pour lancer des offensives notamment contre les musulmans. Notre participation à l’organisation Love Music, Hate Racism est importante pour lier des jeunes d’origine africaine, antillaise, des jeunes blancs, aux jeunes musulmans. Il est aussi important d’être actif dans le front unitaire Unite Against Fascism, pour se confronter aux fascistes : les empêcher d’occuper les rues et stopper leur attaques contre les immigrés et les musulmans. Le troisième front que nous devons occuper, est le combat contre la présence de troupes britanniques en Afghanistan. Cette campagne n’est pas aussi facile que celle menée par l’immense mouvement antiguerre que nous avions pu initier contre la guerre en Irak. Il faut comprendre que la Grande-Bretagne a une tradition d’impérialisme britannique vieille de 170 ans. Elle le fait aux côtés de l’impérialisme américain. Nous devons lutter pour le retrait des troupes et pour l’autodétermination des Afghans. C’est d’autant plus crucial que c’est un pays où il est très difficile pour les États-Unis et la Grande-Bretagne de gagner la guerre. Il est tout à fait possible qu’ils subissent une défaite importante, comme celle qu’ils ont subie en Irak. La dernière chose, le quatrième front sur lequel nous devons nous battre, est d’essayer de rassembler toutes ces volontés de résistance et de lutte comme le fait le NPA ; pour dire « Ce n’est pas telle ou telle question en particulier qui est la source du problème mais c’est le système dans son ensemble qui est le problème. Nous devons le détruire, afin que lui ne nous détruise pas ».

documents joints


Une du Socialist Worker (PDF - 250.1 ko)

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