Éditorial du numéro 9

Crise, luttes, nouveau parti... Une année décisive !

par Cédric Piktoroff

18 octobre 2009

La crise du système s’intensifie...

Il y a encore quelques mois, beaucoup espéraient voir l’Europe épargnée par la crise affectant l’économie américaine. Or, pour de nombreux commentateurs : « Désormais, il n’y a plus de doute. L’Europe est, à son tour, touchée par le syndrome de la stagnation. La Grande-Bretagne et l’Italie ont été les premières atteintes. Toutes les capitales, jusque Berlin, s’apprêtent désormais à en reconnaître les méfaits » [1]. En France, certains estiment même qu’«  une récession est plus que probable d’ici à la fin de l’année » [2]. Selon l’INSEE,l’inflation annuelle française vient d’atteindre un niveau historique de 3,6 %, dont 18,5 % pour l’énergie et 6,4 % pour l’alimentation [3], soient des augmentations considérables au regard de la stagnation des salaires.

La crise mondiale étend l’instabilité à travers le monde. Elle relie ainsi le smicard français qui ne peut plus payer ses factures de gaz au travailleur sénégalais participant aux émeutes de la faim (selon la Banque Mondiale, ces émeutes ont touché trente pays en 2007). Il y a eu ces dernières années des grèves majeures et des mouvements de masse aux quatre coins du globe, en Corée du Sud, en Égypte ou en France. Le rejet massif par les irlandais du traité européen de Sarkozy est une nouvelle démonstration de la résistance croissante aux politiques libérales.

À mesure que s’étend et s’amplifie la crise de fond du système, chacune des attaques de la classe dirigeante prend de plus en plus un sens politique et global qui expose leur cohérence. Cela entraîne une politisation croissante de toutes les questions auxquelles sont confrontées les populations. La crise et les résistances créent non seulement une crise de légitimité des partis dominants mais développe également des conditions dans lesquelles de plus en plus de gens sont amenés à questionner la véritable nature du système, dans son ensemble.

Une chose est sûre. Comme à chaque crise économique dans l’histoire, les gouvernements et les patrons tentent d’en faire payer le prix aux travailleurs. Ils y sont parfois parvenus, lorsque les attaques sur les conditions de vie et les privations pesèrent d’un poids trop lourd sur la lutte de classes. Mais de telles attaques peuvent aussi amener ceux qui s’interrogent sur le système à le combattre. De telles périodes d’instabilité polarisent la société. Mais la polarisation ne signifie pas nécessairement que les classes dominées évoluent mécaniquement sur la gauche. Du fond des geôles fascistes, Antonio Gramsci écrivait : « Il arrive presque toujours qu’un mouvement « spontané » des classes subalternes soit accompagné d’un mouvement réactionnaire de la droite de la classe dominante, pour des motifs concomitants : une crise économique, par exemple » [4]. La polarisation est exactement ce que ce mot signifie : un éloignement du centre des politiques. C’est ce qui fonde aujourd’hui de manière urgente la nécessité d’une réponse politique globale organisant l’affrontement d’ensemble avec la classe dirigeante.

... et accentue les confrontations inter-impérialistes

L’instabilité du système accélère aussi la crise d’hégémonie de l’impérialisme américain, ce qui entraîne deux conséquences importantes : un besoin pour les États-Unis de renforcer l’OTAN et une capacité d’initiative accrue des grandes puissances qui bénéficient de leur affaiblissement.

La crise actuelle en Géorgie en témoigne. Ce pays, qui ne dispose pas de ressources énergétiques significatives sur son territoire, s’est imposé comme une route de transit de premier choix pour permettre à l’Europe de l’Ouest de se dégager de la domination énergétique russe : « la région de la mer Caspienne (...) occupe une place de plus en plus centrale pour la sécurité énergétique et la prospérité européenne » [5]. Pour contrer l’influence de la Russie et son contrôle sur les ressources naturelles (gaz et pétrole) dans la région, les Etats-Unis ont entrepris de faire de la Géorgie leur principale antenne dans le Caucase, fournissant Tbilissi en armes et en argent et l’invitant même à se joindre à l’OTAN.

L’accès aux ressources énergétiques des régions du Caucase et d’Asie centrale est tout aussi crucial pour les autres grandes puissances du globe. Contrainte de diversifier ses sources d’approvisionnement, la Chine achemine pour l’instant du pétrole iranien via le Kazakhstan en attendant la mise en service d’un oléoduc sur ce territoire qui lui permettrait d’accéder également au pétrole de la mer Caspienne.

Une chose est sûre. Dans la période à venir, les conflits de ce type dans la course à l’hégémonie internationale vont s’accélérer et prendre de plus en plus la forme de confrontations entre grandes puissances, entre grands blocs de capitaux et au sein même de ces blocs.

Alors que le niveau d’intégration entre pays n’a jamais été aussi élevé, comme en témoigne la construction de l’Union Européenne, la concurrence s’en trouve exacerbée. Ces contradictions sont aujourd’hui manifestes dans la politique de Sarkozy. Il redéfinit les alliances avec les États-Unis en projetant de réintégrer le commandement militaire de l’OTAN en même temps qu’il favorise la construction d’une défense européenne unie. D’un côté il joue le rapport de force avec l’Allemagne pour le leadership européen et de l’autre avec les États-Unis pour tenter d’atténuer le déclin de l’impérialisme français dans ses anciens prés carrés.

En tout cas, l’évolution de la stratégie de « défense » française semble devoir s’accélérer dès cette année, avec la construction de l’OTAN et la préparation pour des interventions militaires à venir.

Le NPA, maillon de la réorganisation de la classe

Le NPA est amené à jouer un rôle-clé dans la réponse à ces tendances de fond dont les conséquences vont s’accélérer cette année. Chaque attaque de la classe dirigeante prenant de plus en plus un sens politique global, la démonstration de l’utilité du NPA reposera sur sa capacité, non seulement à organiser la résistance, mais à l’organiser dans la perspective d’un affrontement d’ensemble. Cela signifie que le pivot de sa construction sera sa capacité à mettre en œuvre une stratégie pour développer une direction alternative au sein du mouvement ouvrier. Seule cette articulation peut lui permettre de devenir un parti de masse. Dans les différentes luttes, il s’agit donc de commencer à regrouper les éléments de direction déjà embryonnaires sur des bases anticapitalistes.

Au cours du processus constituant du NPA, cela suppose évidemment - et les révolutionnaires ont un rôle à jouer en ce sens - de clarifier des délimitations d’ordre stratégique (centralité de la lutte de classes, centre de gravité de l’action politique dans les mobilisations et non dans les institutions...) et tactique (un programme d’action impliquant une confrontation d’ensemble avec la classe dirigeante, l’affirmation d’indépendance vis-à-vis des forces qui gèrent le capitalisme comme le PS...). Cela suppose aussi et surtout des orientations concrètes qui puissent être mises en œuvre collectivement par tous les militants NPA, par exemple :

- Construire les syndicats et en leur sein des courants lutte de classe qui puissent être en mesure de constituer des directions alternatives aux directions conciliatrices. La possibilité de regrouper ainsi les travailleurs combatifs reposera sur la capacité à : être enraciné dans la base, sur des bases interprofessionnelles, à développer une orientation unitaire et à élargir le combat syndical aux luttes politiques.

- Organiser la construction du mouvement anti-guerre, en particulier en prenant des initiatives dans la mobilisation contre l’OTAN.

- Organiser et renforcer les cadres de luttes sur les quartiers (pour la défense des services publics, soutien aux sans-papiers, surveillance de la police...), les universités, sur tous les terrains et domaines de la vie sociale.

Le développement des résistances et de la volonté de résister doit s’enraciner dans des structures et organisations de toutes sortes. Les militants du NPA doivent être mis collectivement en situation d’entraîner des gens autour d’eux — construire l’unité selon des modalités et des rythmes propres à chacun de ces cadres spécifiques - et d’y proposer en même temps une réponse politique globale autour de laquelle regrouper les jeunes et les travailleurs les plus résolus.

C’est une chose que d’essayer de faire en sorte que les luttes existent. C’est notre point de départ. C’en est encore une autre que de parvenir à ce qu’elles se renforcent mutuellement dans le cadre d’une bataille d’ensemble, qu’elles soient capables de constituer un pôle d’attraction, des « repères de classe », pour les membres des classes exploitées et opprimées de la société déboussolés par la crise du système.

Autrement dit, faire en sorte que les directions des différentes luttes soient animées par les partisans les plus résolus d’une politique d’affrontement global devrait avoir un impact sur la nature des résistances elles-mêmes. La condition pour que la politique du NPA gagne en audience, qu’elle devienne crédible à une échelle de masse, repose alors justement sur sa capacité à avancer concrètement dans la réorganisation du mouvement ouvrier et du mouvement social au sens large sur des bases anticapitalistes.

L’année qui vient se conclura sur les élections européennes, le type d’élection le plus favorable dans le contexte actuel à la gauche non institutionnelle. Comme elles constitueront la première apparition électorale du NPA, le résultat sera d’une importance particulière pour poser les bases d’une alternative politique à potentiel de masse. Ce résultat dépendra de la manière dont les militants du NPA vont réussir à articuler dès aujourd’hui la construction des luttes et le renforcement du noyau anticapitaliste en leur sein. Les révolutionnaires ont un rôle de premier plan pour « féconder » le NPA d’une telle politique de classe.

À tous les points de vue, l’année qui vient sera décidément une année décisive.

Notes

[1Françoise Crouïgneau, Le syndrome de la stagflation, Les échos, 11 août 2008. La «  stagflation  », terme apparu pour caractériser la crise des années soixante-dix, est la combinaison de l’inflation et de la récession, ou du moins d’une très faible croissance.

[2Mathieu Kaiser, responsable de BNP-Paribas, cité dans Etienne Lefebvre, En net recul au deuxième trimestre, la production industrielle ne sauvera pas la croissance, Les échos, 12 août 2008.

[3ndice des prix à la consommation, Résultats de juillet 2008 - paru le 12 août 2008 à 08h45 http://www.insee.fr/fr/themes/indicateur.asp?id=29&type=1

[4Antonio Gramsci, Cahiers de Prison, 1,2,3, 4, 5, Gallimard, 1996, p. 297. Également http://www.marxists.org/francais/gramsci/works/1930/spontaneite.htm

[5L’Europe et le développement des ressources énergétiques dans la région de la mer Caspienne, Résolution 1324, adoptée par l’Assemblée du Conseil de l’Europe le 2 avril 2003.


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